Fiche syndicale pour lutter contre le complotisme et l’extrême-droite · septembre 2021
Édito
La crise sanitaire et sa mauvaise gestion par le gouvernement constituent, depuis le printemps 2020, un terreau extrêmement favorable à la propagation des fake news et des théories complotistes. Ces dernières profitent directement à l’extrême-droite en lui permettant d’imposer sa vision du monde.
Des gouvernements d’extrême-droite ont adopté une posture « négationniste », au Brésil, le décès d’ un million de personnes dont 64% de personnes noires est clairement défini par le gouvernement de “nettoyage ethnique”.
En France, les thèses conspirationnistes ont explosé à l’occasion du mouvement de contestation du passe sanitaire et de la vaccination à l’été 2021.
L’Union syndicale Solidaires s’oppose au passe sanitaire mis en place par le gouvernement et dénonce les inégalités qu’il crée ou aggrave. Cette décision résulte de l’échec du gouvernement à empêcher les vagues successives, en partie faute de moyens suffisants pour l’hôpital et de mesures sociales et sanitaires pour limiter la propagation du virus dans les espaces de contamination, c’est-à-dire à l’école et sur les lieux de travail.
Le gouvernement, le patronat et l’industrie pharmaceutique font passer la recherche du profit avant l’intérêt collectif c’est pourquoi SUD éducation exige la suspension des brevets et les transferts de technologie permettant la production des vaccins. Néanmoins, ne nous trompons pas de combat : la vaccination est une avancée scientifique majeure qui a permis de faire reculer de nombreuses maladies : la variole, la rougeole, la poliomyélite …
https://www.visa-isa.org/
L’extrême-droite est un danger mortel !
SUD éducation est membre de VISA (Vigilance et Initiatives Syndicales Antifascistes). VISA recense, analyse et dénonce les incursions de l’extrême-droite et plus particulièrement du Front national, devenu Rassemblement national, sur le terrain social.
Par l’adhésion à VISA, SUD éducation s’engage à construire des outils de formation et de mobilisation afin de démystifier, aux yeux des salarié·e·s les propositions prétendues sociales de l’extrême-droite. Les idées d’extrême-droite n’ont pas leur place ni à SUD éducation, ni dans les écoles, ni dans les collèges, ni dans les lycées, ni dans les universités !
Cartographie de la nébuleuse antivax : fachosphère et complosphère à la loupe
SUD éducation décrypte pour vous une partie des personnalités, médias, partis qui participent aujourd’hui au mouvement antivax.
Des forces politiques d’extrême droite :
→ Florian Philippot, ex-FN et fondateur du mouvement d’extrême-droite Les Patriotes, avec l’avocat Di Vizio, dénoncent la « coronafolie » et toutes les mesures sanitaires destinées à lutter contre l’épidémie.
→ François Asselineau, président du mouvement souverainiste et conspirationniste : l’UPR. Il fait la promotion d’un médicament jugé inefficace par les médecins, l’ivermectine. Il minimise la dangerosité du virus.
→ Jean-Frédéric Poisson, ex-suppléant de Christine Boutin (Manif pour tous) et son parti Via la voie du peuple (le vaccin a tué des centaines de personnes en France) : il minimise les mort·es du Covid.
→ Martine Wonner, députée exclue de LREM. Elle milite contre le masque, les vaccins à ARN messager et pour l’hydroxychloroquine, pourtant inefficace.
→ les catholiques intégristes avec le mouvement Civitas, anti-avortement et acteur de la Manif pour tous, qui racontent que la « vaccination » a fait 18 000 mort·es et son leader, Alain Escada, appelle à manifester contre la « tyrannie démocratique » avec les pancartes antisémites « Qui ? ».
Des scientifiques
→ Didier Raoult est une figure centrale du mouvement complotiste. Il défend l’hydroxychloroquine alors même que le médicament est inefficace contre la Covid.
→ Gérard Delépine, chirurgien à la retraite, anti-confinement, anti-vaccin. Auteur, entre autres, d’une tribune sur France Soir intitulée « Rien à craindre du variant Delta : il donne le rhume, curable par traitements précoces ».)
→ Christian Perronne, professeur de médecine (démis de son poste de chef de service par l’APHP). Selon lui on n’utilise pas l’hydroxychloroquine car les réanimations auraient un intérêt financier à garder des patient·es,
→ Alexandra Henrion-Caude, généticienne, pour qui les tests PCR visent à introduire des nanoparticules dans le cerveau, elle participe à la Manif pour tous et est proche des catholiques intégristes de Civitas.
→ Luc Montagnier, biologiste et prix Nobel de médecine, anti-vaccin, selon lui la vaccination serait responsable de l’apparition de nouveaux variants et d’une hausse de la mortalité.
Des médias
→ France soir : média conspirationniste, tribune pour les souverainistes,
→ Reinfocovid : site de l’anesthésiste Louis Fouché, qui dénonce le « génocide » de la vaccination des gens âgés et « l’apartheid » du passe,
→ Égalité et Réconciliation, fondé par Soral, militant d’extrême-droite, antisémite, négationniste et conspirationniste.
→ Bas les masques (exclu de YouTube le 17 août),
→ Profession Gendarme (qui relaie les thèses complotistes sur la Covid, sur le Sida ou sur les vaccins « machines à tuer »,
→ Sud radio invite des personnalités antivax à parler quotidiennement,
→ Les sites pro-russes Sputnik et Russia Today reprennent souvent des propos complotistes tenus ailleurs.
→ Cnews ouvre son antenne à l’extrême-droite et aux conspirationnistes de manière quotidienne.
Un film :"Hold-up"
Le film Hold-up compte au moins une dizaine de millions de vues sur les réseaux sociaux. Son contenu sensationnaliste lui a permis de “faire le buzz” sur internet. Hold-up est un film qui a été diffusé sur internet à partir de mai 2021. Son réalisateur, Pierre Barnérias, est connu pour avoir réalisé plusieurs documentaires pro-Manif pour tous. Ce documentaire part de la critique de la gestion catastrophique de la pandémie par le gouvernement pour glisser vers une explication complotiste de l’épidémie : un complot aurait créé le virus pour tuer la moitié de l’humanité et soumettre les survivant·e·s. Hold-up développe une vision du monde qui ne laisse pas de place à la contradiction pourtant les interviews sont sortis de leur contexte, le travail d’enquête est invisible, les enchaînements rapides créent des liens artificiels entre les événements. On observe à travers ce film les mécanismes propres au conspirationnisme : la critique de l’État, des médias, de l’industrie pharmaceutique, est instrumentalisée pour imposer une vision du monde totalitaire : celle d’un complot mondial pour expliquer les événements politiques et les phénomènes sociaux.
Reinfo.covid, la vitrine “pseudo-scientifique” de l’extrême-droite !
Depuis le début de la pandémie de nouveaux sites sont apparus. Le plus connu est réinfocovid. La « réinformation » est un vocable d’extrême-droite, utilisé pour la première fois en 1997 par Bruno Mégret, ancien du FN et fondateur du mouvement d’extrême-droite, le MNR. Ce terme est forgé par l’extrême-droite pour présenter ses propres sites d’information comme des sites plus fiables.
Le site Réinfocovid est apparu en octobre 2020 : avant d’être un média c’est un collectif anti-restrictions sanitaires. Il est animé par Louis Fouché, anesthésiste et réanimateur à l’hôpital Conception à Marseille. Il est covido-sceptique, anti-masques, anti-vaccins, adepte de la théorie de l’effondrement, proche de La manif Pour tous dont il partage les idées contre la PMA et les positions anti-avortements. Il participe ainsi à des débats avec Jean Robin, proche d’Égalité et Réconciliation et du Bloc Identitaire. Alexandra Henrion-Caude participe également à l’animation du site. Elle est généticienne, et accuse les tests PCR de viser à introduire des nanoparticules dans le cerveau. Elle participe à la Manif pour tous et est proche des catholiques intégristes de Civitas. L’animateur web du site, Hayssam Hoballah, donne la parole dans ses émissions à différentes figures de l’extrême-droite radicale et antisémite et homophobe : Chloé Frammery, une proche des Qanon et d’Égalité et Réconciliation, le mouvement fasciste de Soral, Farida Belghoul, célèbre pour son appel à retirer les enfants de l’école pour protester contre “la théorie du genre” et membre d’Égalité et Réconciliation. Mais Hayssam Hoballah est également très proche du CNT (Comité National de Transition) qui avait appelé à putsch militaire pour le 14 juillet 2015. Le CNT, explicitement homophobe, dénonce un complot mondial pédocriminel et franc-maçons.
Les CV des trois animateurs du site Reinfo.covid doivent nous alerter. Ils et elle baignent dans une idéologie antisémite, homophobe, conspirationniste dissimulée derrière un discours pseudo scientifique et écolo. Pourtant leurs fréquentations et leur participation à des mouvements fascistes ne trompent pas.
Une tribune pour les petits partis souverainistes
Des personnalités en mal de victoires électorales utilisent le mouvement antivax et anti-passe pour se faire connaître, c’est le cas de Philippot, d’Asselineau, de Dupont-Aignan. L’hégémonie du RN à l’extrême-droite leur laisse peu de place pour se développer et propager leurs idées rétrogrades et réactionnaires.
Des thématiques propres à l’extrême-droite
→ La population serait mise en danger par un complot mondial.
→ La dénonciation des « élites », un groupe homogène et omnipotent.
Pour l’extrême-droite, le peuple doit donner le pouvoir à un être providentiel pour le libérer de l’emprise des élites. Ce peut être un roi, un chef de parti, un militaire …
→ L’appel à un putsch militaire pour sauver la France.
→ La critique de la démocratie qui ne serait que la dictature de ces élites.
→ Le mythe d’un peuple uni, ni de gauche, ni de droite, contre les élites. C’est faux : la société est divisée en classes sociales aux intérêts divergents. L’extrême-droite, qu’elle soit souverainiste, catholique, religieuse, se situe toujours du côté du patronat et défend des régimes discriminatoires à l’égard des femmes, des racisé·es, des LGBTI, des travailleurs et des travailleuses…
→ Assimiler des régimes dictatoriaux à la France en la comparant à une « tyrannie », parler de « dictature sanitaire » pour qualifier des mesures sanitaires destinées à sauver des vies. Pourtant des éléments concrets (le droit de manifester sans répression étatique pour les antivax, la liberté d’expression …) montrent que cela n’est pas le cas.
→ La comparaison entre la situation des personnes non-vaccinées et celles des juifs et juives persécuté·es et exterminé·es pendant la Shoah : cela revient à minimiser le génocide ainsi que les mécanismes qui y ont conduit et à en nier la gravité.
→ Accuser les vaccins d’être « contre-nature », ce sont les mêmes arguments que ceux avancés par les homophobes durant la Manif pour tous.
Et le Rassemblement national dans tout ça ?
Le RN de Marine Le Pen n’est pas au premier plan de la mobilisation antivax. Marine Le Pen poursuit sa stratégie de dédiabolisation de son parti, toujours d'extrême-droite. Elle entend se doter d’une image respectable et séduire la majorité d’électeurs et d’électrices favorables à la vaccination et au passe sanitaire. Néanmoins, une partie de son électorat reste attachée à l’image (même si elle est fausse) « anti-système » et absolument réactionnaire du FN et aujourd’hui du RN. Pour satisfaire cet électorat, Marine Le Pen s’est contentée de dénoncer la politique du gouvernement et les inégalités induites par le passe sanitaire pendant que des élu-e-s RN ont participé aux mobilisations contre la vaccination et le passe sanitaire.
Le rôle des plateformes
Les plateformes généralistes ont un rôle certain dans la progression du complotisme. Les algorithmes favorisent les contenus sensationnalistes sur les réseaux sociaux : propositions d’abonnement, de vidéos ... Tik Tok est un espace numérique au public jeune et très fortement travaillé par les contenus complotistes. Les militant·es d’extrême-droite vont utiliser les réseaux sociaux pour diffuser largement des contenus issus de sites d’extrême-droite.
Avant d’être banni de Facebook, Dieudonné, une figure centrale de la fachosphère, bénéficiait de 1,3 million d’abonné-e-s !
Le complotisme sert de « pont » entre l’extrême-droite et les antivax
Il serait faux de dire que la totalité des manifestant-e-s antivax sont des militant-e-s d’extrême-droite. Néanmoins, l’idéologie d’extrême-droite exerce une emprise sur le mouvement antivax. Le complotisme semble être un pont qui fait traverser les idées de l’extrême-droite aux personnes sceptiques quant à la vaccination. Ainsi, celles-ci vont, sans avoir reconnu la patte de l’extrême-droite, publier sur les réseaux sociaux ou diffuser des tweets, des vidéos, des chaînes Whatsapp des messages émanant de l’extrême-droite. Elles vont également reprendre en manifestation le langage de l’extrême-droite (« dictature sanitaire », « apartheid », « éveillez-vous », « Liberté liberté ! », « tyrannie démocratique »…) ainsi que leurs symboles (rose blanche, étoile jaune, « Qui ? »…). Elles propagent, sans le vouloir, la vision du monde de l’extrême-droite.
Une banalisation inacceptable de l’antisémitisme
De Dieudonné et Soral à Jean-Marie Le Pen, l’antisémitisme est un invariant de « l ‘identité extrême-droite ». Il s’est cependant répandu dans l’espace public de manière décomplexée pendant la mobilisation de l’été 2021 contre le passe sanitaire et la vaccination à travers deux symboles principaux.
• L’étoile jaune est emblématique de la Shoah. La Shoah désigne le génocide pendant lequel au moins 6 millions de personnes juives ont péri, exterminées par les nazis. On parle de génocide car les nazis avaient planifié l’élimination systématique de l’ensemble d’un groupe, les juifs et les juives. Comparer la Shoah au vécu des personnes non-vaccinées est une maniére de nier la gravité et la nature même du génocide des juifs et des juives. Ne pas se faire vacciner est un choix qui ne conduit personne à être exterminé-e, alors que les juifs et les juives ont été massacré-e-s en raison de leur origine.
• La pancarte « Qui ? » reproduit un code antisémite : cette question fait référence aux propos de l’ex-général Delarwarde sur Cnews qui sous-entend que les juifs et les juives dirigent le monde, un mensonge destiné à attiser la haine à l’égard des juifs et des juives. Cette question s’accompagne d'accusations de traîtrise et bien souvent d’une liste de personnalités désignées à la vindicte. Elle renvoie directement et ouvertement à un antisémitisme complotiste qui accuse les juifs et les juives de vouloir dominer et asservir le monde en étant à l’origine de la pandémie.
La comparaison avec la Shoah et les accusations proférées nous rappellent que l’antisémitisme est un poison intolérable qui n’a pas sa place dans notre société. Aucune tolérance pour les antisémites !
Ce qu’il faut retenir
- sans organiser d’apparition dans les manifestations, le RN a progressé pendant cette mobilisation par la diffusion d’un langage, de symboles, d’une vision du monde propre à l’extrême-droite.
- les manifestations du week-end restent une modalité favorable pour l’extrême-droite en raison de sa faible implantation dans le monde du travail. Cela favorise l’émergence de revendications inter-classistes et la participation des franges les plus réactionnaires à la mobilisation.
Revendications syndicales pour protéger la santé de tou·tes :
Le ministre Blanquer s’est montré incapable de mener une politique sanitaire cohérente: pas de masque pour l’ensemble des personnels à la rentrée 2020, des adaptations renvoyées au local pendant les périodes de pics épidémiques, à la rentrée 2021, un protocole évolutif sans publication des critères d’évolution et d’analyse…
SUD éducation revendique des mesures sanitaires protectrices ainsi que les moyens de les appliquer.
La vaccination est un élément, pour, à court terme, prévenir les formes graves dues au variant delta, et sur un plus long terme, réduire la mortalité de cette épidémie. Dans sa communication, Blanquer minimise sa responsabilité dans la propagation importante du virus en milieu scolaire en 2019/2020. Son refus de mettre en œuvre des mesures de protection adaptées laisse supposer une proximité idéologique entre lui et l’extrême-droite, opposée aux mesures sanitaires de protection.
Le gouvernement fait payer son incurie aux travailleurs et travailleuses par un dispositif de contrôle, de surveillance et de contrainte généralisés. Il a par ses volte-face successifs, ses mensonges et ses approximations largement sa part de responsabilité dans la montée des thèses complotistes.
La crise que nous traversons est particulièrement propice à la diffusion de fake news créant un climat de confusion. L’extrême-droite se nourrit de ces doutes et des peurs. Elle s’y engouffre pour désigner des boucs émissaires et propager sa vision rétrograde et obscurantiste de la société. Le rôle des organisations syndicales est au contraire de défendre les intérêts et la santé des travailleurs et des travailleuses, la vaccination a montré son efficacité dans l’histoire. Aujourd’hui le ratio bénéfice/risque indique qu’il faut se faire vacciner pour protéger la santé de tou-te-s.
Combattons l’extrême-droite ! Imposons contre le gouvernement une autre politique, juste, écologique et démocratique !
SUD éducation revendique :
► une politique sanitaire cohérente avec les moyens de se développer partout : campagnes de sensibilisation aux enjeux de la vaccination et campagnes de vaccination, distribution de masques gratuits, achat de purificateurs d’air et détection de CO2 pour les locaux scolaires, recrutement de personnels afin d’assurer le nettoyage et la désinfection des locaux scolaires,
► un investissement massif de l’État dans les services publics et en particulier dans l’hôpital public,
► la levée des brevets sur les vaccins et les transferts de technologie nécessaires afin de permettre l'accès à la vaccination, y compris dans les pays les plus pauvres. Le vaccin est un bien commun, il doit appartenir à tou·tes !
► des actions immédiates et la mise en œuvre d’une vraie politique volontariste de transition environnementale vers un autre modèle de société, plus juste socialement et plus écologique.