Monsieur le Directeur général des ressources humaines,
Par la présente nous vous signifions que Sud éducation et Sud Recherche EPST ne signeront pas l’accord-cadre concernant le déploiement du télétravail dans les établissements du MESR, pour diverses raisons que nous allons expliciter ci-dessous.
Tout d’abord nous tenons à rappeler que Solidaires Fonction Publique a signé l’accord interministériel Fonction Publique de juillet 2021. Le projet d’accord soumis est donc sa déclinaison dans le périmètre du Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche. L’accord fonction publique, s’il comportait encore beaucoup de bonnes intentions, ne comportait pas de reculs manifestes par rapport au décret de 2016. Cet accord de proximité pour les établissements du MESR a donc pour objectif de l’adapter au plus près des réalités des collègues afin d’obtenir un maximum de garanties et de droits protecteurs pour les agent-es.
Dès le début des échanges et des négociations, nous vous avons rappelé que même si pour nous le télétravail n'était pas une organisation du travail satisfaisante, qu'elle brisait les collectifs de travail (et donc de lutte aussi), entraînait une dimension abstraite du travail, de nouvelles formes de contrôle, imposait des objectifs individuels de plus en plus exigeants, permettait des techniques de management nouvelles et plus pernicieuses (procédures, protocoles, reporting...), nous participions à ces discussions pour défendre les droits et les garanties des agent-e-s puisque le télétravail existait de fait et était de plus en plus utilisé par nos collègues. C’est pourquoi nous avons décidé de signer en mars 2022 l’accord de méthode afin de poursuivre les négociations.
Les négociations se sont achevées le 17 février dernier ; tout au long de ces longs mois de négociations, SUD éducation et Sud Recherche EPST ont porté de nombreuses propositions. Certaines de ces propositions ont été reprises dans le projet d’accord final. Citons par exemple la possibilité de revoir les fiches de poste des agent-es leur permettant d’avoir une partie de leurs tâches télétravaillables, et ce afin de rendre ce mode de travail moins discriminatoire. De plus, nous avons apprécié le fait que soit retiré de l’accord un article qui portait sur le recours éventuel à des flex-offices pour les agent-es bénéficiant de 3 jours ou plus de télétravail. Cependant, la circulaire de la première ministre parue opportunément pendant la négociation le 8 février 2023, sur la “nouvelle doctrine d’occupation des immeubles tertiaires de l’État” est très inquiétante et risque fort de faire revenir le sujet dans les accords locaux, surtout dans un contexte d’austérité récurrente et de politique de dévolution immobilière. D’autre part, plusieurs points de blocage que nous avions soulevés à plusieurs reprise pendant la négociation n’ont pas été levés :
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À chaque séance de négociation, nous vous avons rappelé que cet accord était en deçà de l’accord fonction publique pour les agent-es à temps partiel, puisque vous avez refusé de proratiser les 3 jours de télétravail autorisés aux agent-es à temps plein. Cela va à l’encontre de l'ordonnance n° 2021-174 du 17 février 2021 relative à la négociation et aux accords collectifs dans la fonction publique et son Article 8 septies.- Un accord relatif aux conditions d'application à un niveau inférieur d'un accord mentionné au II de l'article 8 bis ne peut que préciser cet accord ou en améliorer l'économie générale dans le respect de ses stipulations essentielles.
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Vous avez refusé d’intégrer nos amendements sur l’obligation faite aux établissements de fournir un matériel ergonomique aux agent-es en télétravail, ne satisfaisant pas ici les obligations de l’employeur en matière de santé au travail.
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Dans cet accord, le droit à la déconnexion reste extrêmement passif, l’agent-e étant tenu-e à ne pas consulter ses messages. Pour SUD éducation et Sud Recherche EPST, c’est aux encadrant-e de veiller à ne pas solliciter les personnels en dehors des heures de travail.
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Il n’a jamais été possible de discuter dans le cadre de ces négociations de l’allocation forfaitaire de télétravail qui contrairement à ce qui est écrit dans l’accord est loin de couvrir « les dépenses courantes effectuées par la personne en télétravail ». Pour SUD éducation et Sud Recherche EPST, le télétravail ne doit pas permettre à l’employeur un transfert de coûts vers les agent-es. Dans un contexte d’inflation galopante et de crise de l’énergie, cette allocation n’est pas et plus du tout à la hauteur des dépenses engendrées par le télétravail.
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Enfin, l’accord que vous nous soumettez indique que le “télétravail peut contribuer à la transition écologique”. Non seulement cette affirmation n’est étayée à ce jour par aucune conclusion scientifique, mais cette phrase permet aussi de réintroduire la notion de “promotion” du télétravail, un temps évoqué dans une version antérieure de l’accord et que nous avions dénoncée.
D’autre part, si l’accord comporte quelques belles déclarations d’intention sur l’égalité professionnelle, sur l’exercice du droit syndical, sur la présomption d’imputabilité des accidents de travail au service, celles-ci sont trop souvent sans aucune assurance de mise en œuvre. Sud éducation et Sud Recherche EPST resteront donc vigilants sur la déclinaison et la mise en œuvre de cet accord dans les établissements, en particulier sur ces aspects.
Pour SUD éducation et Sud Recherche EPST, les quelques avancées par rapport à l’accord fonction publique ne font pas le poids face aux points de blocages que nous avons soulignés et dont la prise en compte aurait permis une réelle progression dans l’exercice du télétravail pour les agent-es du MESR. Pour toutes ces raisons, SUD éducation et Sud Recherche EPST ont décidé de ne pas signer l’accord cadre concernant le déploiement du télétravail dans les établissements du MESR.
Veuillez croire Monsieur le directeur, en notre attachement au service public, gratuit et égalitaire d'enseignement supérieur et de la recherche.