Durant son bref passage à l'Éducation nationale, Gabriel Attal a non seulement fait la sourde oreille aux revendications des personnels, qui veulent des moyens pour réduire les inégalités sociales et scolaires, mais il a aussi mis en place une politique éducative issue du programme de l'extrême droite. Dès la rentrée, il annonçait l'interdiction des abayas, et à présent l’expérimentation de l’uniforme à l’école. Dans un guide à destination des collectivités territoriales volontaires, le ministère de l’Éducation nationale a donné les contours de l’expérimentation de l’uniforme à l’école, au collège et au lycée. Les collectivités volontaires devront fournir un trousseau aux élèves (« Le kit uniforme sera composé de 5 polos, 2 pulls et 2 pantalons ») d’une valeur de 200 euros avec un appui financier du ministère (appui qui sera amené à disparaître). A l’échelle nationale, si le dispositif venait à se généraliser, avec près de 12 millions d’élèves en France, le montant à débourser serait de 2,4 milliards d’euros par an !
Le ministère dit : « L’uniforme a pour objectif d’améliorer l’image de l’école en créant un sentiment d’appartenance ».
L’intention est problématique. Comment interpréter cette volonté, de la part des promoteurs·trices de l’uniforme, d’imposer aux élèves un sentiment « d’appartenance » ? Les enfants n’ « appartiennent » pas à l’école. Ils et elles bénéficient de ses enseignements et doivent respecter les règles de vie collective mais les enfants sont seulement de passage dans les établissements fréquentés tout au long de leur scolarité. Les écoles, collèges ou lycées ne sont pas « propriétaires » des élèves et n’ont donc pas à les marquer d’un logo ou un blason à leur effigie. De plus, l’institution assume le fait que la tenue unique est un artifice, une image qui se voudrait positive de l’école. Il nous semble au contraire que, pour que l’école renvoie une « bonne » image, il faut avant tout qu’elle remplisse ses missions premières : éduquer, transmettre des savoirs, éveiller, rendre autonome, émanciper et apprendre à vivre ensemble avec les différences de chacun·e. Pour ce faire, uniformiser les enfants ne permet en rien d’accomplir ces missions. Au contraire, la tenue unique peut être un obstacle au bien-être de l’élève en construction et en recherche d’identité. Être élève n’est pas un métier ; malgré les affirmations du gouvernement, dont les réformes de la maternelle à l’université avec le « choc des savoirs » ou la réforme du lycée professionnel, l’école n’a pas à être rentable ni à se plier à la loi du marché.
L'argument de l'amélioration du climat scolaire par le port de l'uniforme semble déconnecté. Pour lutter pour que tou·tes les élèves se sentent à leur place à l’école et dans la société, ce dont nous avons besoin c’est d’une baisse du nombre d’élèves par classe, de moyens supplémentaires humains et financiers dans toutes les écoles, et plus largement dans tous les établissements du second degré, d’embaucher plus d’AESH dans les écoles,… Ce qui ne semble absolument pas être la priorité de notre gouvernement
Plutôt que de financer des projets pédagogiques, d'équiper les écoles en matériel informatique permettant aux élèves d'avoir l'accès à des outils technologiques, de financer des travaux de rénovation des écoles, de mieux traiter les agent·es territoriales/aux (animateurs, animatrices, agent·es
d'entretien, ATSEM), le ministère mettrait donc de l’argent dans les uniformes. De nombreux·ses élèves sont sans toit ou trimballé·es d’hôtel social en hôtel social. Ainsi, une véritable mesure de justice sociale serait d’ouvrir des logements pour que toutes ces familles ainsi que celles des squats expulsés cet été soient logées dignement, pour que les enfants suivent sereinement leur scolarité dans nos établissements.
Le ministère dit : « L’uniforme mettra à l’abri de toute forme de prosélytisme ».
D’une part, il existe déjà une loi qui permet cela, celle de 1905 sur la séparation de l’Église et de l’État. D’autre part, ne soyons pas naïf·ves : cet argument, largement évoqué par la droite réactionnaire et l’extrême droite, vise une fois de plus à stigmatiser une certaine catégorie d’élèves. La lutte contre le prosélytisme dans les lieux publics n’est plus leur priorité quand il s’agit, par exemple, de dénoncer les crèches de Noël (déclarées comme illégales par tous les tribunaux saisis) dans les mairies.
Le ministère dit : « L’uniforme permettra de faire appliquer les principes de laïcité et les valeurs républicaines »
Les signes ostentatoires sont déjà interdits par la loi à l’école. Et puis qu’en est-il du principe de laïcité lorsque l’État et les collectivités territoriales financent des établissements privés religieux ? Où sont ces principes quand des établissements scolaires confessionnels sous contrat continuent de recevoir les subventions de l'État ? Les lois Debré (1959) et Carle (2009) trahissent la loi de 1905 en faisant assumer à l'État et aux collectivités territoriales les salaires des enseignant-es du privé et de multiples aides financières.
Le ministère dit : « Par le passé, lorsque l’uniforme était obligatoire, cela ne posait aucun problème.” »
Il y a là une volonté de promouvoir une idéologie réactionnaire, un nationalisme nostalgique d’un passé fantasmé, car le port de l’uniforme n’a jamais été obligatoire dans l’histoire de l’école en France. Il y a une confusion avec le port de la blouse à une époque mais qui n’avait pas pour but de susciter un sentiment d’appartenance chez les écolier·es puisqu’elle n’était non seulement pas obligatoire mais en plus, pas identique entre les élèves d’une même classe. Son rôle était uniquement de protéger les vêtements des tâches d’encre. C’est pour cela qu’elle a disparu avec l’arrivée des stylos billes.
Le ministère dit : « L’uniforme permettra de lutter contre les différenciations sociales et les discriminations».
La véritable discrimination sociale, c’est l’écart de niveau scolaire entre les élèves issu·es de milieux défavorisés et les élèves issu·es de milieux favorisés. Pour gommer ces inégalités, il faut des moyens humains, pas des bouts de tissus. C’est pourquoi, nous pensons que c’est en créant des établissements avec une véritable mixité sociale et des personnels en nombre suffisant qu’on luttera contre les discriminations et les inégalités.
Le ministère dit : « L’uniforme permettra de lutter contre le harcèlement scolaire ».
La tenue unique n’empêchera pas les moqueries ou agressions de tous ordres. Au contraire, elle peut les provoquer en cas de tenue inadaptée au corps de l’enfant. De plus, on peut observer que les établissements privés imposant déjà l’uniforme depuis longtemps, sont autant confrontés au harcèlement que les écoles publiques. Ne serait-il pas plus efficace de recruter des personnels de vie scolaire (AED notamment) pour limiter le nombre d’endroits peu surveillés au sein des établissements où les harcèlements ont lieu (sanitaires, cantines, couloirs, cours…) ou de diminuer le nombre d’élèves par classe (en France les écolier·es sont en moyenne 22 et les collégien·nes 26 par classe, alors que la moyenne dans l’UE est respectivement de 19 et 21) ? L’uniforme a même été source d’agressions dans les pays où il a été généralisé (Japon, États-Unis). Dans le cadre de rivalités de « bandes », il a été démontré que l’identification par la tenue de l’établissement dans lequel était scolarisé·e l’élève facilitait les agressions sur le chemin du retour après les cours par des élèves d’écoles voisines.
Si le courant politique réactionnaire est aussi emballé par ce dispositif, c’est parce que l’uniformisation, à commencer par celle des enfants, a toujours été une volonté des pouvoirs autoritaires de contrôler et discipliner les masses. Au contraire, l’école souhaitée par les progressistes est celle qui permet les échanges, les rencontres et l’interaction d’individus avec leur propre identité, sensibilité et culture.
SUD éducation revendique un plan d’urgence pour l’école : des moyens pour l’école avec une baisse des effectifs, un recrutement massif des personnels, une rénovation des bâtiments