Ne laissons pas le travail nous tuer !

Nombre de nos collègues dans l’Éducation nationale mettent fin à leurs jours ou tentent de le faire. Les suicides dans l’Éducation nationale nous rappellent malheureusement ceux d’Orange/France-Télécom, de la SNCF, du secteur santé et social…

Il est insupportable de voir l’administration de l’Éducation nationale réduire systématiquement et strictement les suicides de ses salarié·es à des « problèmes personnels ». En qualité de militants et militantes syndicales, dans le cas d’un suicide, nous sommes légitimes à émettre l’hypothèse que les conditions de travail de la victime peuvent avoir un lien avec son geste. Nous sommes également légitimes à chercher si cette hypothèse se vérifie ou pas. Mettre en œuvre des actions (enquête, expertise ...) pour la vérifier, ce n’est pas instrumentaliser un suicide, c’est agir dans le cadre de nos prérogatives. Nous entendons mener ces luttes pour les ayants-droits de la victime et pour éviter que d’autres suicides ne surviennent.

Comme tout employeur, l’Éducation nationale a des responsabilités ! Le Code du travail l’oblige à « prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs » (voir encadré).

SUD éducation demande la réunion urgente et systématique des formations spécialisées (F3SCT départementales, académiques et ministérielle, ex-CHSCT) afin qu’une enquête ait lieu chaque fois qu’un personnel se suicide ou tente de le faire, comme le prévoient les textes (Articles R253-49 à R253-52 du code général de la fonction publique).

« Ils ne mouraient pas tous mais tous étaient frappés »... C’est l’organisation du travail qui est en cause !

Un malaise grandissant est palpable dans l’Éducation nationale. Les politiques menées par les ministres successifs·ves et par les chef·fes de service conduisent à isoler les personnels de leurs collègues, à les culpabiliser, à leur faire perdre le sens qu’ils et elles trouvent au travail, à réduire leurs marges de manœuvre, à les charger de tâches qui ne sont pas leur cœur de métier, à les exposer à des relations hiérarchiques pressantes et pathogènes, à les obliger à rendre des arbitrages quotidiens et surtout à les rendre seul·es responsables des dysfonctionnements du système. Les personnels sur contrats précaires, de plus en plus nombreux·ses, sont les plus exposé·es.
La formation initiale et continue est très éloignée de la réalité du travail, sans possibilité de confronter les expériences entre pairs, les référentiels des métiers ne cessent de changer, les reconversions se font sans formation continue, la précarisation s’accélère...
Les réformes délétères se succèdent à un rythme accéléré sans prendre en compte les effets sur les personnels, au mépris de la loi (voir encadré)…

La souffrance au travail, une réalité

La souffrance au travail existe bel et bien, souterraine et culpabilisante. Elle est largement tue et peine à s’exprimer, même entre les murs des salles de pause des personnels.
Elle touche l’ensemble des personnels de l’Éducation nationale, tous et toutes exposé·es à des conditions de travail pathogènes.

Lors des formations syndicales sur les conditions de travail proposées régulièrement par SUD éducation, auxquelles de plus en plus de collègues s’inscrivent, ils et elles peuvent témoigner : de l’intensification du travail, des tensions, du manque d’autonomie et de marge de manœuvre, des conflits éthiques, de la difficulté de bien faire son travail, de la précarité, du manque de soutien, du dénigrement, de leur besoin de collectif.

La supercherie de la « QVCT »

Les dégâts des violences managériales sont de plus en plus visibles. Le ministère fait semblant de s’en préoccuper, notamment via la « QVCT » ou « qualité de vie et conditions de travail ». En réalité, cette notion a pour fonction d’inverser l’effet et la cause, en faisant croire que c’est le travailleur ou la travailleuse qui est fautif·ve. Par ses fragilités préexistantes, il·elle ne serait pas capable de résister, et ce serait à lui·elle de s’adapter aux changements de l’organisation du travail.

On va donc l’aider, plus ou moins : accompagnement psychologique, formations de développement personnel, de gestion de « son » stress, etc. Les souffrances individuelles sont en partie prises en charge, mais on ne va jamais questionner les organisations de travail elles-mêmes, qui sont pourtant les véritables causes des souffrances !

Pour améliorer la « qualité de vie au travail », c’est le travail et son organisation qu’il faut améliorer !

Du côté du code du travail

Article L4121-1
L’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.
Ces mesures comprennent :
1° Des actions de prévention des risques professionnels ;
2° Des actions d’information et de formation ;
3° La mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.
L’employeur veille à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes.

Article L4121-2
L’employeur met en œuvre les mesures prévues à l’article L. 4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention suivants :
1° Éviter les risques ;
2° Évaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ;
3° Combattre les risques à la source ;
4° Adapter le travail à l’homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ;
5° Tenir compte de l’état d’évolution de la technique ;
6° Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n’est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ;
7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l’organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l’influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral, tel qu’il est défini à l’article L. 1152-1 ;
8° Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ;
9° Donner les instructions appropriées aux travailleurs.

Connaître ses droits et des outils pour se protéger et agir
  • Adhérer à SUD éducation pour avoir facilement accès aux ressources et à l’accompagnement syndical,
  • Utiliser nos droits pour participer à des formations syndicales et s’outiller pour améliorer nos conditions de travail,
  • Signaler les risques quand nos conditions de travail se dégradent, en se saisissant des registres de santé et de sécurité au travail (RSST),
  • Signaler le danger grave et imminent (DGI) pour un·e collègue qui parle de suicide,
  • Contacter SUD éducation en cas de suicide ou de tentative de suicide d’un·e collègue,
  • Contacter les élu·es syndicaux·ales en F3SCT pour qu’ils·elles fassent un droit d’alerte,...
Mettre collectivement le travail et son organisation en débat

SUD éducation appelle tou·tes les collègues à prendre en charge cette question de la souffrance au travail, question qui ne peut se réduire, comme le voudrait l’institution, à des aspects personnels et privés.

L’action collective nourrit le lien social au travail pour continuer à trouver du sens à son travail. Elle permet aussi de construire un rapport de force pour contraindre l’employeur à prendre des mesures de prévention, conformément à la loi.

SUD éducation appelle les collègues à se syndiquer, à construire des collectifs, à se sentir légitimes pour discuter de l’organisation de leur travail, à construire ensemble des revendications, bref, à se réapproprier nos travails !

La lutte est plus que jamais d’actualité ! Ne perdons plus notre vie à la gagner !