Partout dans le monde le droit à l’avortement est attaqué par le système patriarcal. Depuis juin dernier, la Cour Suprême a remis en cause le droit à l'avortement qui dépendra désormais des différents États aux États-Unis. 18 États interdisent l'avortement ou sont en passe de le faire, quatre réduisent son accès. Près d’une femme sur trois a recours à l’avortement au cours de sa vie. Chaque année, sur 1 000 jeunes de 12 à 14 ans enceintes, 770 ont recours à une IVG. Le droit à l’avortement est un droit légitime et nécessaire pour l’égalité des femmes et des hommes. Ce droit est remis en cause en France. Aujourd’hui, des femmes n’y ont plus accès, car les moyens alloués aux hôpitaux et centres IVG ne cessent de diminuer. En 2013, le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes alertait sur la fermeture de 130 établissements spécialisés dans l’IVG en 10 ans. De plus, dans certains hôpitaux, de nombreux gynécologues invoquent la clause de conscience pour refuser de pratiquer cet acte.
le texte de loi du 2 mars 2022
La LOI n° 2022-295 du 2 mars 2022 visant à renforcer le droit à l'avortement allonge de deux semaines le droit à l’IVG qui passe de 12 à 14 semaines. Mais dans d’autres pays, ce délai est bien plus long : il est de 22 semaines au Pays-Bas et de 24 semaines au Royaume-Uni. Il n'y a pas de délai maximal au Canada.
Le texte prévoit également :
- la pratique des IVG chirurgicales par des aux sages-femmes dans les hôpitaux ;
- la pérennisation de l'allongement du délai de recours à l’IVG médicamenteuse en ville à 7 semaines de grossesse (contre 5),
- la suppression du délai de réflexion de deux jours
- la création d'un répertoire de professionnels pratiquant l'IVG
- la mention dans le code de la santé publique le pharmacien qui refuse la délivrance d’un contraceptif en urgence sera en méconnaissance de ses obligations professionnelles.
Un droit malmené
Le droit effectif à l’avortement est malmené en France depuis plusieurs années à cause de la fermeture de nombreux centres IVG décidée par les pouvoirs publics.
En 2020, 222 000 IVG ont été pratiquées en France
Contre la clause de conscience spécifique sur l'avortement.
De plus, dans certains hôpitaux, de nombreux gynécologues invoquent la clause de conscience spécifique sur l'avortement. Elle a été instaurée par la loi de 1975 : l'Article L2212-8 du Code de la Santé Publique stipule qu’ « un médecin n’est jamais tenu de pratiquer une interruption volontaire de grossesse, mais il doit informer, sans délai, l’intéressée de son refus et lui communiquer immédiatement le nom de praticiens susceptibles de réaliser cette intervention ». Rappelons que cette clause fut le résultat d'un compromis pour faire accepter, en 1975, la loi sur l’avortement, farouchement combattue par les réactionnaires. Pourtant, une clause de conscience générale existait : «Hors le cas d’urgence et celui où il manquerait à ses devoirs d’humanité, un médecin a le droit de refuser ses soins pour des raisons professionnelles ou personnelles.» (Article R4127-47 du Code de la Santé Publique). L'IVG ne constituant pas un acte médical à part, la clause de conscience spécifique n'a pas lieu d'être. Il est donc largement temps de supprimer cette double clause de conscience spécifique d’un autre âge, tout en maintenant l’obligation de communiquer le nom d’autres praticien⋅nes. La suppression de la clause de conscience spécifique à l'IVG était présente dans le texte initial de la loi du 2 mars 2022 mais n’a pas été retenue. Nous ne sommes plus en 1975, où il a fallu arracher le droit à l’avortement par une lutte acharnée. Il est donc largement temps de supprimer cette double clause de conscience caractéristique d’un autre âge, tout en maintenant l’obligation de communiquer le nom d’autres praticiens. La montée des extrêmes-droites remet également en cause ce droit fondamental pour les femmes de décider d’enfanter ou pas, quand et avec qui.
Par ailleurs, la montée des extrêmes-droites met en cause l'existence même de l'avortement et donc le droit fondamental pour les femmes de pouvoir choisir de poursuivre ou non une grossesse.
Il faut donc rester très vigilant⋅es et contrer ces manœuvres qui visent à cantonner les femmes à une fonction procréatrice et au service de leur famille.
L’éducation aux sexualités
Pour ce faire, il faudrait, entre autres, que l’éducation aux sexualités soit effective dans le système scolaire. Certes la loi du 4 juillet 2001 relative à l’interruption volontaire de grossesse et à la contraception prévoit au moins trois séances par an pour informer les élèves de leurs droits et des choix possibles. Elles n’ont lieu que trop rarement dans les faits. L'information ainsi que l’accès réel à la contraception, à la contraception d’urgence et à l’IVG sont nécessaires pour permettre à chacun et chacune de disposer de son corps.Les droits des femmes à disposer de leur corps sont des droits fondamentaux qui sont pourtant remis en cause.
Pour le droit à l’avortement, réaffirmons que :
- L’avortement est un choix ;
- Les délais légaux pour avorter doivent être harmonisés sur ceux des pays les plus progressistes en Europe, et les femmes qui désirent avorter doivent pouvoir être prises en charge sans délai ;
- La clause de conscience spécifique des professionnelles de santé doit être supprimée de la loi ;
- Des moyens financiers doivent être donnés pour que les centres pratiquant l’avortement et les centres de planification soient accessibles sur tous les territoires ;
- Des campagnes d’information tous publics sont nécessaires pour pouvoir en parler librement sans tabou ni jugement ;
- Tous les moyens contraceptifs doivent faire l'objet d'un remboursement intégral, pour que toutes puissent choisir celui qui leur convient ;
- Une éducation aux sexualités doit être prodiguée à toutes et à tous ;
- La formation aux techniques d’avortement et à l’accompagnement doit faire partie intégrante de la formation initiale des professionnel·les de santé de l'éducation nationale.
- Au plan international, l’avortement doit être légalisé dans tous les États.