Durant cette campagne présidentielle, les attaques pleuvent sur le collège unique. Le président-candidat Macron et la majorité multiplient les annonces annonçant des offensives futures contre celui-ci. Les candidat·es d’extrême-droite, de manière plus brutale encore, ne font nul mystère de leur projet historique : revenir à l’école d’antan, celle de la sélection et du tri social dès le plus jeune âge. Ces attaques multiples en faveur des exigences du patronat et contre l’égalité nous conduisent à réaffirmer notre engagement en faveur du collège unique, et à nous préparer à construire des mobilisations pour le défendre. SUD éducation porte des revendications pour un collège réellement unique et émancipateur pour tou·tes les élèves.
Des attaques multiples contre le collège unique
Le mercredi 31 mars, le président-candidat répondait à un restaurateur qui se plaignait de ne pas trouver d’employé : "On a besoin de faire mieux connaître ces métiers. Donc alternance, apprentissage et orientation dès la 5ème pour faire connaître ces métiers". Cette intervention correspond à des éléments qui ont été donnés dans le programme de Macron : “Connaître plus tôt pour mieux choisir plus tard : tous les enfants découvriront, de la 5e à la 3e, plusieurs métiers, dont les métiers techniques et manuels”. Pour mettre en oeuvre cette orientation précoce, le principe qui a été avancé par la majorité, par le biais de la députée Anne-Christine Lang dans une tribune publiée dans Le Monde du 21 février 2022, est de nouveau celui de l’”école du socle”, regroupant école et collège, qui annonce au passage un dynamitage des statuts des professeur·es des écoles et des professeur·es certifié·es. Comment penser, ainsi que le dit la majorité, qu’il s’agisse dans ce cadre de mettre sur un pied d’égalité savoirs techniques et manuels ? Au vu de la promotion par ailleurs de l’apprentissage tout azimuts, nous craignons à l’inverse qu’il s’agisse de mettre en oeuvre un palier d’orientation précoce, renouant avec la sélection au sortir de l’école élémentaire qui prévalait jusqu’en 1959 et mettant fin ainsi à la logique du collège unique.
Du côté de l’extrême-droite, c’est la même logique qui est assumée, mais en plus radicale. Dans son programme, Eric Zemmour écrit que “le collège unique a produit un nivellement par le bas préjudiciable à tous les élèves, bons ou médiocres.”. Il annonce en conséquence mettre en place tout simplement “la fin du collège unique”. Marine Le Pen, de son côté, toujours dans son programme, entend “renforcer l’orientation précoce des élèves”, et considère que “le collège unique est une machine à échec”. Les annonces sont claires : l’extrême-droite, c’est la sélection au service du patronat, c’est l’ennemie mortelle de l’école publique.
Bulle : En finir avec le mythe décliniste du niveau qui baisse !
L’idée selon laquelle “le niveau baisse” ne se fonde sur aucune étude empirique fiable. Par contre, les écarts de “niveau” entre les élèves se creusent ainsi que les écarts de réussite entre les élèves scolarisés dans le public et le privé se creusent au profit du privé. Ainsi, n’en déplaise aux adeptes du catastrophisme et du discours décliniste sur l’école, ce n’est pas le niveau qui baisse, ce sont les inégalités qui se creusent.
La mise en oeuvre du collège unique, une conquête progressiste sans cesse rognée
Jusqu’en 1959, l’enseignement secondaire était partagé en trois filières parallèles, qui suivaient une partition correspondant quasi-exclusivement aux catégories sociales d’origine des élèves :
- l’enseignement primaire supérieur, qui suivait le certificat d’étude, et était dispensé de la 6e à la 3e
- le lycée, de la 6e à la terminale
- les centres apprentissage
Au terme de plusieurs réformes successives (allongement de la scolarité obligatoire jusqu’à 16 ans en 1959, mise en place des collèges d’enseignement secondaire en 1963), la loi Haby met en place en 1975 le collège unique. Celui-ci regroupe les différentes filières existantes entre la fin de l’enseignement élémentaire et la 3e. Le brevet des collèges remplace alors le Brevet d’étude de technicien supérieur. Immédiatement, les termes du débat dans lequel on se trouve actuellement se sont mis en place : d’un côté les partisan·es de la démocratisation scolaire, de l’autre les contempteurs du “nivellement par le bas”. On comprend bien à quel point il s’agit là d’un nœud de crispation, opposant des visions radicalement différentes de l’école : pour sa part, SUD éducation a choisi son camp, celui de la démocratisation scolaire.
L’histoire du collège unique depuis lors est essentiellement celle d’une mise en cause de son principe, si tant est que celui-ci ait jamais été mis en œuvre (il a en effet toujours existé des dispositifs parallèles au cursus général). À partir de la publication en 1982 du rapport de Louis Legrand intitulé (à tort) "Pour un collège démocratique", les attaques se sont multipliées. Au milieu des années 1980 se sont mises en place les 4e et 3e technologiques (abrogées en 1998), nouveau palier d’orientation renonçant au principe d’un enseignement commun pour tou·tes jusqu’à la fin de la scolarité obligatoire : pour preuve de leur caractère inégalitaire, seuls 5% de leurs effectifs parvenaient en seconde. D’autres dispositifs prirent la même voie, comme la création progressive des SEGPA (sous leur forme actuelle à partir de 1996) ou les diverses formules de classes de 3e orientées vers la professionnalisation (comme les actuelles classes de 3e prépa-pro).
C’est le même débat qui a présidé à la réforme du collège de 2016. Sous couvert d’adapter les enseignements aux choix des élèves, celle-ci entérine de fait des inégalités d’accès aux parcours de formation, à travers l’autonomie laissée dans l’utilisation des heures de marge. Aux collèges privilégiés l’accès aux parcours intellectuels, aux autres l’accent mis sur la découverte des métiers. Cette réforme, combattue par SUD éducation, a aujourd’hui fait long feu. Néanmoins, la remise en cause du collège unique est plus que jamais d’actualité.
SUD éducation revendique un collège unique réellement émancipateur pour tou·tes les élèves
Qui veut noyer son chien l’accuse de la rage. Cette expression, qui vaut pour les politiques gouvernementales successives concernant l’ensemble des services publics, peut s’appliquer au collège unique. Pour achever de dégoûter les usager·es et les personnels du collège unique, le mieux est de le mettre dans l’incapacité de réaliser ses objectifs initiaux : l’accès à tou·tes les élèves à un enseignement commun jusqu’à la fin de la scolarité obligatoire. Et pourtant, il convient de ne pas se laisser prendre au piège : l’enjeu n’est pas de renoncer à ce principe, mais d’exiger les moyens de l’appliquer pleinement. Le même raisonnement vaut pour d’autres pans de l’enseignement scolaire, comme par exemple l’école inclusive.
Pour cela, l'urgence est la baisse des effectifs par classe. En effet, nous avons à faire dans nos classes de collège à des publics très hétérogènes. Pour pouvoir différencier les enseignements, nous occuper correctement des élèves et effectuer les indispensables tâches de suivi en-dehors de la classe, il est nécessaire de baisser le nombre d’élèves. SUD éducation revendique un maximum de 20 élèves en classe ordinaire, et 16 en éducation prioritaire.
Le second aspect est le travail en équipe. En effet, le suivi des élèves en difficulté nécessite d’avoir des regards croisés de l’ensemble des acteurs·trices en charge des enseignements. D’autre part, la mise en place de projets, de dispositifs ou de pratiques pédagogiques communes à une classe nécessite que les enseignant·es puissent échanger régulièrement. Pour cela, SUD éducation revendique que trois heures prises sur les obligations réglementaires de services soient réservées à de la concertation entre équipes.
Troisièmement, il faut lutter contre les inégalités entre établissements. En effet, tant que celles-ci sont aussi prononcées, il est impossible de considérer que le collège soit réellement unique à l’échelle du territoire. Pour cela, SUD éducation revendique deux leviers. Le premier est le déploiement d’une politique d’éducation prioritaire ambitieuse, visant à compenser les inégalités par des moyens supplémentaires alloués aux collèges les plus en difficultés. Le second est la fin du dualisme scolaire, qui permettrait l’intégration de l’enseignement privé à la carte de l’enseignement public, et ainsi de mettre fin à la fuite des élèves des familles les plus favorisées hors des collèges publics.
Enfin, il faut refuser les projets visant à créer un continuum entre école et collège. Celui-ci n’est en réalité que le cheval de Troie de la création de filières au sein du collège unique. Par ailleurs, il implique un dynamitage des statuts des professeurs des écoles et des enseignant·es du secondaire. Il nie les spécificités et les savoirs-faire, pédagogiques et disciplinaires, des un·es et des autres. Des tentatives sont régulièrement faites pour réaliser ce projet, à commencer par celle de Blanquer de mettre en œuvre, dans sa loi dite “Pour l’école de la confiance”, les Établissements publics des savoirs fondamentaux (EPSF). Ce projet a été fortement combattu par les personnels, et avait été pour l’heure abandonné. Gageons que les personnels ne se laisseront pas faire, et combattrons de nouveau un tel projet.
Mobilisons-nous pour défendre le collège unique, et conquérir des conditions de travail et d’apprentissage permettant l’émancipation de tou·tes !
Pour SUD éducation, l’urgence est que les personnels ne se laissent pas séduire par les projets rétrogrades proposés à divers titres par plusieurs forces politiques, au motif que le système actuel fonctionne mal. Au contraire, notre constat partagé concernant les difficultés que nous rencontrons doit nous conduire à reprendre l’offensive, autour de deux mots d’ordre :
-combattons les projets rétrogrades de mise à mal du collège unique !
-luttons pour obtenir les moyens nécessaires pour permettre l’émancipation de tou·tes les élèves, dans le cadre d’un collège véritablement unique !