Discriminations et non-respect des droits des personnes handicapé·es...... dans la société
12 millions de personnes en France sont concernées par le handicap, soit 1 personne sur 5. Si leurs situations et réalités sont diverses, ces personnes sont toutes victimes du même système oppressif - le validisme - qui impacte très fortement leur quotidien : précarité, marginalisation, institutionnalisation, inaccessibilité du transport et du bâti…
SUD éducation rappelle que La Convention internationale relative aux droits des personnes handicapées (CIDPH - 2006) que la France a ratifié en 2010 pose les bases des droits des personnes concernées et représente un changement majeur dans la perception du handicap. Celui-ci n’est plus vu comme une incapacité empêchant l’individu d’interagir avec la société, mais comme un obstacle dans l’interaction avec l’environnement social. Il revient à la société de surmonter cet obstacle pour permettre à la personne de jouir pleinement de ses droits. La Convention met fin à l'invisibilité des personnes handicapées et reconnaît le handicap comme une question de droits humains.
Or, en France, 20 ans après la loi du 11 février 2005, on ne peut que constater que l'État et son système scolaire ne sont toujours pas à la hauteur concernant le droit fondamental à la scolarité concernant les élèves en situation de handicap.
20 ans après la loi de 2005, quel bilan à l'école?
La logique de compensation par la mutualisation des moyens et la précarité persistante des personnels AESH
Malgré les nombreuses alertes, les AESH (majoritairement des femmes) restent encore enfermées dans un statut sans réelle reconnaissance, à temps partiel subi et donc précaire. Le temps de pause méridien a été un enjeu d'inquiétude récent pour les AESH, la dernière note de service publiée le 24 juillet 2024 faisant craindre une dégradation de leurs conditions de travail et de l'accompagnement réalisé auprès des élèves.
Du côté des PIAL, la réforme du gouvernement qui souhaitait les transformer en PAS (pôles d’appui à la scolarité) a été récemment retoquée par le conseil constitutionnel en tant que cavalier législatif. A priori ambitieuse, la réforme n'avait de toute façon pas convaincu les syndicats car les moyens financiers n'étaient pas à la hauteur des enjeux. L'exercice paraît alors finalement comme un simple exercice de communication, visant à rattraper l'expérience peu concluante des PIAL mise en place par la loi de juillet 2019 dite « pour une école de la confiance » qui là aussi, par manque de moyens avait eu des conséquences désastreuses sur le personnel : entre autres le nombre d'élèves par AESH augmentait fortement, dégradant au final l'accompagnement réalisé. Les expérimentations des PAS sont actuellement en cours dans 4 départements (28, 83, 02, 21). Des moyens conséquents ont vraisemblablement été mis en place avec un travail pluridisciplinaire entre acteur·trices de l'éducation nationale et du médico-social.
SUD éducation est en attente d'un bilan sérieux sur ces expérimentations et reste attentif aux moyens qui pourraient être pérennisés par la suite. En tout état de cause, aucune amélioration n'est constatée du côté des conditions de travail des AESH avec les PAS puisque la logique de mutualisation déjà présente dans les PIAL est toujours en cours et dégrade le quotidien des élèves et des équipes.
Un système scolaire à bout de souffle à cause de l’austérité budgétaire
SUD Éducation souligne qu’une simple déclaration en faveur de l’école inclusive ne suffit pas pour sa mise en œuvre effective. En France, malgré des discours sur l’inclusion, le système éducatif maintient une division entre classes ordinaires, classes spécialisées et établissements médico-éducatifs (IME et ITEP), ce qui reste une spécificité française.
L'orientation des élèves, souvent déterminée par des critères médicaux, reste prépondérante, et l'inclusion des élèves handicapés dépend trop fréquemment de la présence d'accompagnant·es, aux statuts précaires depuis près de 20 ans. De plus, des milliers de jeunes restent non scolarisés en raison du manque de solutions adaptées.
La loi de 2005 sur l’égalité des droits des personnes handicapées promettait une véritable inclusion scolaire, imposant à l’école de s’adapter aux besoins des enfants en situation de handicap. Malgré une augmentation des élèves scolarisés en milieu ordinaire (de 118 000 en 2005 à près de 500 000 à la rentrée 2024) et un effectif accru d’AESH (de 25 000 à 132 000), les progrès restent insuffisants sur le terrain. Les problèmes persistants incluent un manque de formation des personnels, l’inadaptation des infrastructures et des conditions de travail difficiles pour les AESH.
Les conséquences de ces logiques budgétaires aggravées par la cure d’austérité imposée actuellement sont alarmantes : scolarisation partielle, inadaptée ou absente pour une partie des élèves handicapés. Chaque année, 10 à 12 % des enfants avec notification manquent d’AESH à la rentrée, et 5 à 6 % n’en bénéficient pas de toute l’année, privant certains de leur droit à l’éducation. Les mobilisations des AESH et des familles dénoncent l’échec de l’école inclusive telle qu’elle est mise en œuvre aujourd’hui. Enfin selon les derniers chiffres disponibles le bâti scolaire semble largement être encore sous-doté, avec a priori de nombreux établissements qui sont potentiellement hors-la-loi, le délai de conformité étant épuisé à ce jour.
Une inclusion réussie nécessite une refonte profonde du système scolaire, allant au-delà des ajustements marginaux. Il s’agit de garantir une égalité des droits, de repenser les normes et les moyens pédagogiques, et d’associer un soutien pluridisciplinaire pour répondre aux besoins complexes des élèves. L’école inclusive doit être une école de la diversité, où chaque enfant trouve sa place, quel que soit son handicap ou ses difficultés. Pour cela, il est impératif d’obtenir les moyens nécessaires pour bâtir une école réellement démocratique et accueillante pour tous·tes.
Maintien d'un système scolaire validiste
SUD éducation se revendique un syndicat de lutte contre toutes les formes de discriminations. Le validisme en est une et agit comme une oppression à combattre dans la société mais aussi à l’école. Malgré le principe d'égalité affiché, les discriminations liées au handicap restent profondément ancrées à l’école. Plusieurs arguments expliquent ce validisme systémique :
- Représentations erronées des besoins des élèves handicapé·es : Les travailleur·euses de l'éducation véhiculent des idées essentialistes, perçoivent souvent les élèves handicapé·es comme relevant du soin et non de l'école, et considèrent leur mise à l'écart comme bénéfique.
- Normativité de l'école : L'institution impose des normes rigides (productivité, réussite académique, conformité) qui marginalisent les élèves présentant des écarts à la norme, notamment les élèves handicapé·es.
- Pratiques d’exclusion : La mise à l'écart des élèves handicapé·es s'inscrit dans une longue tradition de marginalisation de ce qui est perçu comme déviant par le système. L'existence d'institutions spécialisées (IME, ITEP), qualifiées par l'ONU de lieux de ségrégation, perpétue cette marginalisation.
- Manque de moyens : L'école manque de ressources pour accueillir correctement tou·tes les élèves, entraînant souffrances et inaccessibilité.
- Discrimination envers les personnels handicapé·es : Les droits des travailleur·euses handicapé·es sont insuffisamment respectés, les forçant à compenser par des aménagements personnels.
Pour SUD éducation, le validisme à l'école constitue un obstacle majeur à l'inclusion et à l'accessibilité pour tou·tes.
Ces dernières années, nous faisons le constat de réformes qui tendent à normaliser les pratiques pédagogiques, renforcer les logiques de tri social et scolaire des élèves, perpétuant les "cases" desquelles il est quasiment impossible de s'extirper dans une école méritocratique telle qu'on la connaît aujourd'hui.
Conclusion et revendications
SUD Éducation appelle à une transformation profonde des représentations et des pratiques, soulignant que ces changements nécessitent des moyens et de la formation. SUD éducation s'engage pour une école inclusive débarrassée de préjugés, et milite aux côtés des collectifs antivalidistes et des travailleur·ses du secteur éducatif et médico-social pour une école réellement émancipatrice et inclusive.
Du 27 au 31 janvier 2025, SUD éducation appelle à la mobilisation pour une école réellement inclusive !
SUD éducation revendique :
- des moyens pour accueillir et répondre aux besoins de tou·tes les élèves, qu’importe leur situation scolaires, sociale, administrative, leur origine et/ou leur handicap… sur tout le territoire ;
- la création massive de postes d’AESH, de personnels médico-sociaux, de Rased, d’enseignant·es, de personnels de vie scolaire et d’interprètes ;
- la baisse des effectifs par classe ;
- la création d’un vrai statut de la Fonction publique d’éducateur·trice scolaire spécialisé·e pour les AESH ;
- une véritable formation initiale et continue à l’inclusion scolaire ;
- l’adaptation des bâtiments et du matériel scolaire ;
- du temps de concertation hebdomadaire.