Choc des savoirs : Attal fait le choix des inégalités ! – 4 pages de SUD éducation

Le 5 décembre, le ministre Attal a fait une série d’annonces destinées à “élever le niveau des élèves” en réponse aux “mauvais résultats” de l’enquête PISA. Ces résultats montrent, d’une part, un décrochage en français et en mathématiques plus important en France que dans la moyenne des autres pays de l’OCDE et, d’autre part, que la France est l’un des 6 pays de l’OCDE où l’origine sociale pèse le plus sur les résultats des élèves. Les élèves issus de milieux défavorisés sont toujours sur-représentés dans les filières professionnelles. Mais plutôt que de donner davantage de moyens pour la scolarité des élèves les plus fragiles en raison de leurs difficultés scolaires et/ou sociales, d'une histoire familiale liée à l’immigration, de leur handicap, le ministre Attal fait le choix de mesures qui sanctionnent, qui sélectionnent et qui trient ces élèves. La politique éducative du ministère répond aux pressions de la droite libérale et réactionnaire et de l’extrême droite en reprenant leurs propositions.

Au contraire, SUD éducation porte des revendications pour lutter contre les inégalités sociales en améliorant les conditions d’études des élèves : baisse du nombre d’élèves par classe, formation des personnels, accompagnement médico-social des élèves, reconnaissance du métier d’AESH par la création d’un véritable statut… 

PISA montre l’ampleur des inégalités sociales à l'œuvre à l’école et Attal choisit de les aggraver !

Attal veut sanctionner les élèves en difficultés, à SUD éducation nous voulons prévenir la difficulté scolaire et y remédier ! 

 

Une liberté pédagogique cadenassée dans les écoles 

Dans le premier degré, le ministre Attal souhaite tout à la fois revenir à une pratique régulière du redoublement « à l’ancienne » dont l’utilité est loin d’être prouvée, réécrire les programmes avec des objectifs annuels renforcés et contrôler davantage l’utilisation des manuels.

Si on peut espérer que la rénovation des programmes permette d’y intégrer des objectifs d’apprentissage concernant notamment l’écologie ou l’éducation à la vie affective et sexuelle, le retour annoncé à des prescriptions annuelles va à l’encontre du respect du rythme des élèves. SUD éducation suivra avec attention la réécriture des programmes pour veiller à ce que les enjeux du monde d’aujourd’hui ne soient pas une nouvelle fois escamotés. Cette réécriture devrait par ailleurs mener à une nouvelle approche de l’enseignement des mathématiques, inspirée de la « méthode de Singapour », qui semble être devenue la nouvelle lubie du ministère et dont l’application risque donc de faire l’objet d’un contrôle tatillon par les inspecteurs et inspectrices les plus zélé·es.

La même volonté de normalisation des méthodes d’enseignement se retrouve dans l’annonce d’une labellisation des manuels scolaires, à commencer par les manuels de lecture de CP à la rentrée 2024. Cette labellisation doit s'accompagner d’investissements de l’État pour favoriser l’achat de manuels en CP et en CE1. Face à ce contrôle par l’État des manuels utilisés (et qui concernera d’ici 2026 tous les manuels du CP à la terminale !), SUD éducation rappelle son attachement à la liberté pédagogique : ce sont les enseignant·es qui sont les plus à même de choisir la méthode et les outils les plus adaptés à leurs élèves et à leur approche pédagogique.

 

Vers la fin du collège unique 

Le démantèlement du collège unique est une revendication de la droite et de l’extrême-droite. Le collège unique est un acquis social, c’est l’assurance pour tous les élèves d’avoir accès à un même enseignement, qu’importe leur origine et leur milieu social, afin de combattre les déterminismes sociaux. L’hétérogénéité des classes est l’instrument de l’élévation du niveau moyen. Pour mettre en oeuvre ce projet de démocratisation scolaire, il faut donner les moyens nécessaires, or on constate la suppression de 8000 postes dans le second degré depuis 2017 ainsi qu’un abandon complet de l’éducation prioritaire. 

Le ministre annonce la création de groupes de niveaux en français et en mathématiques en 6e et 5e à la rentrée 2024 ainsi qu’en 4e et 3e à la rentrée 2025. Au contraire, la recherche a montré que l’enseignement en groupes de niveaux a des effets délétères sur le niveau moyen des élèves et ne profite qu’aux élèves qui sont déjà les plus performant·es. L’organisation en groupes de niveaux va casser les dynamiques d’apprentissage des classes, fragiliser les élèves et désorganiser les collèges. On peut citer le bilan catastrophique de la casse des groupes-classes au lycée.  C’est aussi une casse en profondeur de nos métiers puisque les enseignant-es de français et de mathématiques n’auront plus de classe en charge mais des groupes de niveau qui pourront évoluer au cours de l’année : sera-t-il toujours possible d’être prof principal ou de travailler sur un projet interdisciplinaire si l’on n’a pas de classe ?

Attal veut aller plus loin dans le collège “ à la carte ” qui sélectionne les élèves avec des scolarités aménagées autour du lire-écrire-compter, mais aussi avec des “prépa-lycée ” qui tendent à externaliser la difficulté scolaire hors de la classe ordinaire dans des dispositifs qui enferment les élèves dans leurs difficultés scolaires. 

Enfin, Attal entend agir sur le brevet pour lui donner un vrai rôle de sélection sociale (obtention indispensable pour accéder au lycée, renforcement du poids des notes dans le contrôle continu, abandon des consignes de corrections académiques…). 

 

Une scolarisation au lycée toujours plus ségréguée socialement

 

Imposées dans la répression par Blanquer, les réformes des lycées se sont avérées néfastes pour le service public d’éducation : l'objectif essentiel de ces réformes était de réduire les moyens alloués aux lycées et aux universités et elles ont eu pour effet de renforcer les inégalités sociales et de genre avec le lycée “ à la carte ”.

L’enseignement des mathématiques avait été mis à mal par le ministère avec la suppression des mathématiques du tronc commun et c’est au prix d’un rétropédalage improvisé que cet enseignement a été réintroduit pour les élèves qui ne suivent pas déjà l’enseignement de spécialité. Mais avec la généralisation des groupes d’enseignements à 35 et les choix de dédoublements devant être pris sur la marge d’autonomie des établissements, le travail en groupes à effectifs réduits en spécialité de mathématiques n’est plus possible. À présent, le ministre veut créer une épreuve anticipée de mathématiques. SUD éducation craint que l’enseignement des mathématiques soit toujours subordonné à la préparation des examens et ne bénéficie pas d’un temps suffisant pour les apprentissages. 

Attal s’entête dans la promotion du numérique : il annonce doter les élèves de lycée d’un outil d’intelligence artificielle (IA) pour les aider en maths et en français. Le ministère a déjà commencé une expérimentation à grande échelle du numérique avec la certification PIX des compétences numériques au lycée. Comment se fait-il que nous n’ayons aucune évaluation de cette expérimentation que ce soit au niveau financier, de l’impact réel sur les connaissances des élèves ou écologique ? Or l’IA a un coût environnemental fort que le ministre ne peut ignorer dans un contexte de crise écologique. De même, en plus de laisser l’élève seul face à ses difficultés, ce dispositif est une nouvelle externalisation du traitement de la difficulté scolaire hors de la classe et même hors de l’action des enseignant·es ! 

Attal et Macron poursuivent l’oeuvre de destruction des Lycées Pro en imposant une augmentation du temps des stages, réduisant significativement le nombre d’heures de cours et désorganisant l’année de Terminale bac pro. Rappelons que les maigres indemnités distribuées aux élèves sont prélevées sur de l’argent public. La révision de la carte des formations, qui est censée aboutir à la fermeture de 100% des formations « non insérantes » à la rentrée 2026, va conduire d’une part à des suppressions de postes et des reconversions forcées et d’autre part à subordonner l’offre de formation aux besoins des entreprises du bassin.

Une politique éducative de tri social et d’aggravation des inégalités

Pour réformer le système éducatif, Attal a fait le choix de mesures qui aggravent les inégalités sociales alors que le rôle de l’école est, au contraire, de les résorber. 

L’école inclusive est un enjeu de l’école d’aujourd’hui : c’est bien à l’école de s’adapter aux besoins des élèves et non l’inverse. Le service public d’éducation doit donner la possibilité à tous les élèves d’accéder à une scolarité de qualité. Or, affirmer que tous les élèves ont leur place à l’école ne suffit pas : pour défendre ce postulat d’éducabilité de tous les enfants, il faut de vrais moyens. Dans ces annonces, Attal fait l’impasse sur l’école inclusive. 

SUD éducation appelle les personnels à se mobiliser pour l’école inclusive ! 

L’enquête PISA montre qu’en France près d’un élève issu de l’immigration sur deux vient d’un milieu défavorisé contre 37% en moyenne dans les pays de l’OCDE. On constate en effet que les élèves racisé·es subissent davantage le déterminisme social dans leur trajectoire scolaire. Cela pose la question des discriminations racistes subies à l’école et des conditions de scolarisation des élèves allophones. 

L’école française est une des écoles les plus inégalitaires : un enfant issu d’un milieu socio-économique défavorisé a 10 fois plus de chance de se retrouver parmi les élèves peu performants en mathématiques que les élèves issus d’un milieu favorisé.
Pour SUD éducation, il faut agir sur les inégalités scolaires et sociales en donnant des moyens à l’école inclusive et à l’éducation prioritaire étendue aux lycées

Le ministère entend revenir à un service public d’éducation en fonction du milieu social : 

  • pour les élèves favorisés, un enseignement de qualité, pluridisciplinaire, approfondi dans les filières générales pour permettre la poursuite d’études, 
  • pour les élèves des milieux populaires : l’assignation à des groupes de soutien entre élèves peu performants avec un accent très fort sur les savoirs fondamentaux : le lire-écrire-compter, les stages de réussite pendant les vacances scolaires, le redoublement et les classes de prépa-lycées. 

Pourtant c’est bien la mixité sociale et l’hétérogénéité des classes qui font progresser les élèves. 

Pour SUD éducation, il faut : 

  • davantage de mixité sociale. La publication des Indices de Positionnement Social montre que l’enseignement privé est largement responsable du manque de mixité sociale. En 2022, ce sont 21,6 % des élèves de 15 ans qui étaient scolarisés dans des établissements privés contre 16,4 % en 2018. Le ministère doit prendre des mesures pour empêcher la fuite des élèves vers le privé.
  • davantage de moyens pour prendre en charge l’hétérogénéité des niveaux dans les classes : il faut baisser le nombre d’élèves par classe pour améliorer les conditions d’étude en classe et prévenir la difficulté scolaire. 

 

Un discours populiste sur le redoublement 

Au début des années 2010, le taux de redoublement en France était un des plus élevés parmi les pays de l’OCDE.  En 1993, près de 50% des élèves de 3e avaient redoublé au moins une fois, ils étaient 24 % en 2013. Le redoublement coûte en 2013 environ 2 milliards d’euros par an. La recherche tend à dire que le redoublement n’améliore pas la réussite des élèves et qu’il est néfaste pour l’estime de soi et les trajectoires scolaires des élèves. Pourtant le ministre Attal a choisi de retirer aux familles le dernier mot sur le redoublement qui pourra leur être imposé. Cette mesure n’aura aucun impact positif sur le niveau des élèves, le redoublement stigmatise les élèves des classes populaires et répond uniquement aux demandes des réactionnaires. 

 

Les revendications de SUD éducation pour élever le niveau de TOUS les élèves !

  • la baisse du nombre d’élèves par classe, 
  • l’accès à une meilleure formation et des heures de concertation intégrées dans le service des personnels,
  • un statut de la Fonction publique pour les AESH, 
  • des moyens pour l’école inclusive avec le recrutement d’enseignant·es spécialisé·es et de personnels médico-sociaux et l’arrêt des suppressions de postes, 
  • des moyens aux écoles et collèges de l’éducation prioritaire et le retour des lycées dans l’éducation prioritaire,
  • la socialisation des établissements privés, 
  • la défense de la liberté pédagogique des enseignant·es.