Amiante : INFO /​INTOX

1 - L’amiante n’est plus un problème aujourd’hui : FAUX

On pourrait espérer que ce soit le cas mais ça ne l’est pas. L’amiante est interdit depuis 1997 mais reste présent dans de très nombreux bâtiments publics, dont beaucoup d’écoles et établissements du secondaire ou du supérieur.

L’Education nationale et les collectivités territoriales accumulent un retard très important en la matière. Elles n’ont bien souvent pas pris en charge le problème, quand elles ne nient tout simplement pas le risque. Pourtant dans l’Education nationale, 49 822 établissements ont été mis en service avant 1997. Cela signifie qu'environ 85 à 93% des établissements publics sont potentiellement concernés par des matériaux contenant de l’amiante (MCA).

Cette exposition a des conséquences très graves sur la santé. Selon Santé publique France (anciennement inVs),  le nombre de décès liés à l’amiante en France pourrait atteindre 100 000 cas de plus en 2050, et une étude de 2019 parle de 12028 morts par an (source : HesaMag). Mais ces chiffres ne sont qu’une partie de la réalité car en l’absence d’une traçabilité efficace, il est parfois difficile d’établir un lien entre une pathologie et l’exposition à l’amiante. Si l’amiante est responsable de nombreuses maladies, seuls le mésothéliome pleural et l'asbestose peuvent être identifiés avec certitude comme conséquences de son inhalation. L’étude de l’évolution du mésothéliome, notamment par le GISCOP 93, montre par exemple une augmentation régulière des cas et donc une persistance de l’exposition. C’est particulièrement le cas dans l’Education nationale avec 20 à 60 cas déclarés par an. Mais là encore, la tendance est à la casse des outils de mesure, puisque faute de financement, l’ARS a annoncé la fin du dispositif national de surveillance des mésothéliomes.

2 - Il y a des formes d’amiante moins dangereuses que d’autres : FAUX

Il existe bien plusieurs formes d’amiante qui appartiennent à des groupes minéralogiques différents et celles  utilisées dans l’industrie varient : le chrysotile (amiante blanc), l'amosite (amiante brun) et la crocidolite (amiante bleu). Mais depuis l’étude collective de l’Inserm de 1996, le consensus scientifique est très clair sur le sujet : toutes les formes d’amiante sont cancérogènes.

De plus, si la réglementation classe les matériaux contenant de l’amiante  en listes A, B ou C, cela n’a aucun rapport avec le niveau de dangerosité des produits mais renvoie plutôt à une nomenclature pour classer les matériaux en fonction de leur localisation dans le bâti.

Ces différents matériaux, en fonction de leur nature et de leur composition, vont se dégrader plus ou moins rapidement. Des fibres d’amiante longues, courtes ou fines vont alors être relâchées. Si pendant longtemps la réglementation s’est focalisée sur les fibres longues, des études plus récentes ont démontré que toutes les fibres, quelle que soit leur taille, étaient dangereuses pour la santé.

3 - Il faut être exposé·e longtemps à l’amiante pour tomber malade : FAUX

Là encore, il s’agit d’une méconnaissance de la dangerosité de ce matériau. L’amiante est ce qu’on appelle un cancérogène sans seuil, cela signifie qu’on ne parvient pas à définir une valeur minimale d’exposition en dessous de laquelle on serait certain·e de ne pas être malade. Bien entendu, plus l’exposition est longue et intense, plus le risque est grand mais en théorie une seule fibre peut suffire. Par ailleurs, le risque est démultiplié lorsqu’on est exposé au tabagisme et à la pollution environnementale.

4- On n’est pas certain·e que c’est cancérogène : FAUX

C’est au contraire établi clairement depuis 1977 soit 20 ans avant l’interdiction de l’amiante en France. L’amiante est responsable du développement de nombreux cancers, comme celui du poumon, mais avec le temps de nouvelles imputabilités lui sont attribuées en dehors de la sphère respiratoire. Ainsi, il a été très récemment fait le lien entre amiante et cancers des ovaires ou du larynx. Si de nombreux cancers sont causés par l’amiante, seul celui de la plèvre (appelé aussi mésothéliome pleural), l’un des plus virulents, est systématiquement lié à l’exposition à l’amiante. Enfin, l’amiante n’est pas seulement responsable de cancers, il entraîne bien d’autres maladies, comme les fibroses, les plaques pleurales, etc.

5- Tant qu’on n’y touche pas, l’amiante n’est pas dangereux : FAUX

L’amiante est dangereux lorsque des fibres sont inhalées. Ces fibres, quelle que soit leur taille, proviennent de la dégradation des MPCA (matériaux et produits contenant de l’amiante) et sont dispersées dans l’air. Cette dégradation peut se faire simplement par l’action du temps, ou encore par l’activité humaine : usure, travaux. Les fibres mettent environ 24h à se déposer au sol, mais elles peuvent aussi se sédimenter dans la poussière puis se diffuser à nouveau dans l’air par l’activité des usager·es du bâtiment. Un matériau amianté, quel qu'il soit, est donc dangereux pour la santé.

6- Désamianter ça coûte cher : VRAI ET FAUX

Tout est relatif. Il est vrai que désamianter représente un coût non négligeable, d’autant plus si cela est réalisé dans des conditions de sécurité optimales pour les agent·es ainsi que pour les travailleurs et les travailleuses qui procèdent à ces travaux. On estime par exemple que le retrait et le remplacement de 190m² de dalle vinyle amiantée représentent une somme de 70 000€. Cela est bien entendu à mettre en parallèle avec le nombre important d’établissements scolaires concernés en France.

Cela étant dit, que représente le coût de l’amiante en France ? Si désamianter représente un investissement indéniable, la présence d’amiante coûte aussi très cher aux collectivités et à l’Etat.

Une prévention du risque bien faite (comme ce n’est pas le cas actuellement) implique des dépenses très importantes et sur le long terme : dossiers techniques amiante réguliers, mesures d’empoussièrement, mesures de brillance, maintenance, repérages avant travaux, sans compter la formation des personnels à la gestion du risque. De plus, les matériaux amiantés étant de toutes façons voués à être remplacés, il est bien plus économique et durable de procéder par désamiantage total que par travaux ponctuels et au cas par cas dans certains bâtiments. Enfin, il faut prendre en compte le coût que l’amiante représente en terme de santé. Sans parler de l’impact sur la sécurité sociale des différentes maladies liées à l’amiante, la prise en charge de l’indemnisation des victimes reconnues par le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA) représenterait selon une étude de l’Anses de 2005 entre 1,3 et 1,5 milliards d’euros par an. La santé et la vie humaine n'ont pas de prix, pourtant en matière d’amiante, le bilan est déjà très lourd. Nous le répétons une fois de plus, tant qu’il y aura de l’amiante, il y aura du danger.

7- Les mesures d’empoussièrement suffisent à écarter le risque amiante : FAUX

Ces mesures sont peu fiables car la réglementation ne retient le comptage ni des fibres courtes ni des fibres fines. Or, on sait aujourd’hui que les dalles de sol amiantées libèrent principalement des fibres courtes. Les mesures d’empoussièrement réalisées par les opérateur·rices ne comptabilisent ainsi qu’un faible pourcentage des fibres d’amiante présentes dans l’air.

Ces mesures ne sont généralement pas réalisées dans de bonnes conditions. Par exemple, à près de deux mètres du sol, elles ne sont pas adaptées en cas de dégradation des dalles de sols et ne correspondent pas à l’exposition d'enfants d’école primaire. De plus, sachant qu’une fibre d’amiante peut rester en moyenne 24h en suspension, il n’y a aucun intérêt à prendre ces mesures plus de 24h après une activité normale dans le bâtiment étudié, ce qui est pourtant le cas puisque les mesures sont généralement effectuées en-dehors des périodes d’ouvertures des établissements.

Un seuil de 5 fibres/litre est une norme établie sur la base des recommandation du comité permanent amiante. Cet organisme a été reconnu comme un “lobby” pro-amiante par le Sénat en 2005. Ce comité mettait en avant l’idée qu’il y avait “un bruit de fond” permanent de l’amiante dans l’atmosphère. L’ANSES en 2012 et la circulaire Lebranchu en 2015 ont recommandé un abaissement à 0,5 à 1 fibre/litre d’air puisqu’une l’amiante est un cancérogène sans seuil.

D’autres mesures existent et sont bien plus fiables, comme les mesures d’empoussièrement par opérateur·rice ou les prélèvements surfaciques, mais ils ne correspondent à aucune norme réglementaire française pour l’instant.

8 - S’il n’y a pas d’amiante dans le DTA, c’est qu’il n’y en a pas : FAUX

C’est faux, le DTA ne donne qu’une vision incomplète de la présence d’amiante dans un bâtiment. Il ne dresse que la liste de certains matériaux directement accessibles et au contact des usager·es, classés dans les listes A et B. Il écarte les matériaux de la liste C, bien plus exhaustive. Il faut donc être particulièrement vigilant·es en cas de travaux. Tous les travaux, même très minimes, doivent faire l’objet d’un repérage avant travaux pour diagnostiquer de manière plus complète la présence d’amiante. Enfin les DTA ne sont pas toujours correctement effectués, certains comportent la mention de locaux non-visités ou d’analyses en laboratoire inexistantes.

9- Seul·es les travailleurs·euses de l’industrie sont concerné·es : FAUX

Là encore c’est faux. Il existe des expositions actives mais aussi passives à l’amiante. Bien entendu, les ouvrier·es de l’amiante, du bâtiment ou de l’industrie qui ont travaillé directement sur des matériaux amiantés sont les plus exposé·es. Mais de nombreux décès ont eu lieu suite à des expositions passives, notamment dans la fonction publique. Plusieurs cas datant d’avant 1997 sont très célèbres, tant par les luttes qu’ils ont entraînées que pour les prises de conscience qu’ils ont provoquées. Ce fut par exemple le cas à Jussieu, au Tripode de Nantes, ou au lycée professionnel de Gerardmer.

Par ailleurs, dans les écoles, les collèges, les lycées et les universités, des personnels sont elles et eux aussi exposé·es activement en agissant sur des MPCA. C’est le cas des agent·es d’entretien ou des personnels qui utilisent du matériel pédagogique à base de MPCA. Une activité qui génère une exposition passive des élèves et des autres personnels.

10- On ne peut rien faire à notre niveau : FAUX

On peut toujours agir et c’est même indispensable. Face à la bombe sanitaire que représente l’amiante au sein de l’éducation nationale, SUD éducation a lancé en octobre 2023 une campagne nationale de lutte contre l’amiante. Après un important travail de préparation et de formation, SUD éducation multiplie les actions sur tout le territoire. Formation syndicale, analyse de DTA, sensibilisation des personnels, interpellation dans les instances, construction de luttes locales, sont autant d'actions qui permettent de faire avancer nos droits et reculer le danger de l’amiante. Cette action n’est pas possible sans la participation des personnels qui sont les premier·es concerné·es. Ainsi dans de nombreux départements, ce sont les droits de retrait et la médiatisation des différentes situations qui ont permis de forcer peu à peu l'Éducation nationale et les collectivités territoriales à sortir du déni. Vous aussi vous pouvez agir à votre niveau. Contactez votre syndicat SUD éducation départemental. Celui-ci pourra vous apporter aide et conseils pour préserver votre santé et celle des élèves.

 

Ensemble, désamiantons l’école !