Lutte contre le harcèlement : quand la communication et la répression priment sur la mise en place de mesures durables

Plus d’un·e élève par classe en moyenne déclare subir du harcèlement.  Le 7 novembre, le ministère organise la journée de lutte contre le harcèlement en milieu scolaire. Multipliant les effets d’annonce, le ministère mise davantage sur la communication que sur la mise en place de mesures durables pour lutter contre le harcèlement sous toutes ses formes.  Encore une fois, les moyens institutionnels ne sont pas à la hauteur des enjeux.

L’année 2023 fut marquée par les suicides de Lucas, Lindsay et Nicolas. Chaque suicide affecte l’ensemble des élèves et touche toute  la profession. En septembre 2023, le ministère a annoncé la mise en place d’un plan de lutte contre le harcèlement. Un an après, le ministère, et l’ancien premier ministre Gabriel Attal, continuent d’affirmer que le harcèlement demeure une priorité absolue.  Cependant, il y a toujours trop de situations qui ne sont pas bien prises en charge, voire pas du tout identifiées. En février 2024, le ministère a publié  les résultats de l’enquête sur le harcèlement en milieu scolaire menée en novembre 2023 auprès des élèves du CM2 à la terminale. Ces derniers révèlent que 5% des écolier·es sont harcelé·es, 6% des collégien·es et 5% des lycéen·nes. Suite à ces résultats, Nicole Belloubet avait annoncé la mise en place d’un « baromètre annuel du harcèlement en milieu scolaire » établi à partir du questionnaire anonyme “d’autoévaluation”  destiné aux élèves. Cependant, mesurer ne suffit pas, il faut également agir.

Le plan proposé et mis en place progressivement depuis un an donne des réponses essentiellement autoritaires et punitives à l’encontre des élèves harceleur·euses.  Ce plan propose des réponses judiciaires (interdiction des réseaux sociaux, confiscation du téléphone),  ou des interventions de sensibilisation par la police. Le ministère de la Justice est  également associé puisque les offices des mineur·es de la police judiciaire sont chargés de la prise en charge du harcèlement scolaire. D’un point de vue éducatif, le plan prévoit la banalisation de deux heures pendant la journée nationale de lutte contre le harcèlement scolaire.  Cependant, faute de formation et de préparation, les équipes doivent s’organiser dans l’urgence suite à l’annonce de la ministre sur les réseaux sociaux. Les cours d’empathie annoncés en septembre n’ont pas été généralisés sur l’ensemble du territoire et se mettent en place sans réelle formation des enseignant·es. Lutter durablement contre le harcèlement nécessite des moyens financiers et le recrutement de personnels. En février, Nicole Belloubet affirmait que 150 emplois avaient été créés pour être dédiés à cette politique. Cependant, la suppression de 4 000 postes d'enseignant·es, principalement en primaire (3 155 postes), risque de mettre à mal les dispositifs de lutte contre le harcèlement et de rendre la détection et la prise en charge des situations encore plus difficiles pour les équipes pédagogiques.

Nommer les violences et le harcèlement LGBTIphobes, racistes, sexistes, validistes

De plus, il faut être en mesure de nommer les violences et le harcèlement LGBTIphobes, racistes, sexistes, validistes que subissent certain·es élèves, comme Dinah, jeune fille racisée et lesbienne, qui s’est suicidée en 2022.

Les jeunes LGBTQIA+ en milieu scolaire sont surexposé·es au harcèlement par leurs camarades, leurs professeur·es ou leur milieu familial. Ielles sont touché·es jusqu’à cinq fois plus par le suicide ; plus de 50% des sucides liés à l’orientation sexuelle ou à la transidentité touchent un élève de moins de vingt ans. L’école doit être réellement inclusive et accueillir tou·tes les élèves, leur permettre de s’émanciper tout en leur garantissant un lieu d’apprentissage serein. Les ministères doivent se doter de réels outils permettant la mise en place d’études scientifiques, quantitatives et qualitatives, sur le sujet pour la mise en œuvre d’une lutte efficace contre les discriminations LGBTIphobes, sans occulter la question de l’identité de genre. À ce jour nous n’avons aucun retour sur les observatoires des lgbtiphobies en milieu scolaire et leur mise en place reste floue dans de nombreuses académies.

Les programmes d’EVARS (éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle) auraient dû être publiés par le ministère en 2022 et ne le sont toujours pas à ce jour. Ces séances doivent être des leviers pour lutter contre le harcèlement sexiste et sexuel. Les résultats de l’enquête sur le harcèlement en milieu scolaire montrent une surreprésentation des filles parmi les victimes de harcèlement. L’éducation doit être un outil pour lutter contre le sexisme dans la société et à l’école.

De même, le harcèlement raciste demeure encore aujourd’hui un des grands impensés du ministère. Les élèves non-blanc·hes sont exposé·es quotidiennement à des violences racistes qui affectent durablement leur scolarité. Ces dernières se trouvent légitimées par la multiplication des mesures discriminatoires portées par le ministère à l’encontre notamment des élèves musulman·es ou supposé·es musulman·es. La montée de l’extrême droite participe également à leur banalisation à l’école ou sur les réseaux sociaux.

 

Concertation, formation, et prévention  !  Pas de répression

Les arrestations spectaculaires  en milieu scolaire ne permettent pas de lutter efficacement contre le harcèlement scolaire. Le  déplacement des élèves harceleurs est une réponse uniquement répressive alors que la solution réside dans la prévention et donc dans la formation des équipes éducatives et dans celle des élèves mais aussi dans la mise en place de dispositifs appropriés par tou·tes.

La lutte contre le harcèlement doit relever de dynamiques professionnelles collectives au sein des établissements. À ce titre, il faut du temps et de la concertation pour échanger entre collègues, construire des projets et améliorer le climat scolaire. Pour lutter contre le harcèlement scolaire, SUD éducation demande la réduction des effectifs dans les classes et des établissements à taille humaine.

SUD éducation revendique davantage de personnels médico-sociaux avec notamment un minimum d’un·e infirmièr·e et un·e assistant·e social·e par établissement du second degré et l’accès aux visites médicales  auxquelles ont droit tous les élèves. Avec un·e médecin pour 12 000 élèves, l’accompagnement médical des élèves est très insuffisant. Actuellement les élèves peuvent bénéficier de 12 séances gratuites par an avec un·e psychologue conventionné·e. Les familles cessent le suivi après les 12 séances, faute de moyens. SUD éducation revendique la gratuité des séances chez le·la psychologue pour les élèves qui souhaitent bénéficier d’un accompagnement.

Pour lutter contre le cyberharcèlement, il faut former les élèves, les parents et les personnels à l’usage du numérique et des réseaux sociaux. Pour les réseaux sociaux, tant que les règles ne seront pas claires et identiques pour les adultes et les enfants, il sera bien inutile de prendre des mesures sur l’accès aux réseaux sociaux par les élèves qui trouveront toujours des moyens pour contourner les interdictions. Il faut axer sur la prévention et l’éducation de tou·tes.

Bilan du programme pHARe pour SUD éducation :

Le programme pHARe ne se déploie pas de la même manière sur tout le territoire et dépend beaucoup des individus qui s’en emparent tout comme des rectorats. Cela repose une fois de plus sur quelques personnes qui tentent de faire vivre ce dispositif qui s’est généralisé sans moyens. Pourtant, il nécessite beaucoup de temps aussi bien pour la formation, que pour la prise en charge d’un·e harcelé·e ou présumé·e harcelé·e. Certain·es collègues sont convoqué·es pour des formations en distanciel pendant les vacances. Beaucoup de formations sont réduites à des ressources numériques ou à de la formation en distanciel. La rémunération demeure souvent insuffisante et dépend dubon vouloir du/de la   chef.fe d’établissement à travers l’attribution d’IMP, d’heures supplémentaires ou de pactes.

Dans le premier degré, la mise en œuvre de pHARe est encore balbutiante et, quand ce programme est déployé, la formation préalable relève trop souvent du bricolage (quelques heures prises sur les 18h de formation continue ou sur les temps de conseils). Parfois, il existe une réelle formation sur le temps de service mais uniquement pour des « pilotes » alors que tous les personnels éducatifs devraient être formés pour pouvoir lutter efficacement contre le harcèlement.

Ces mesures ne sont pas à la hauteur des enjeux. La lutte contre le harcèlement scolaire nécessite un climat scolaire serein, sans violence ni entre élèves, ni entre personnels qui passe par le recrutement massif des personnels, la mise en place de formations de qualité et la banalisation de temps de service pour construire collectivement des projets, à l’occasion notamment de la journée de lutte contre le harcèlement scolaire. 

 

SUD éducation revendique : 

 

  • la création de postes dans la médecine scolaire et l’assistance sociale : 
  • 1 infirmerie ouverte sur tout le temps scolaire dans chaque établissement ;
  • 1 assistant·e de service social à temps plein dans chaque établissement du second degré et leur déploiement dans le premier degré ;
  • le renforcement de la médecine scolaire avec des visites obligatoires pour tou·tes les élèves ;
  • des créations de postes pour réduire les effectifs par classe et renforcer les vies scolaires :
  • limiter les effectifs par classe avec au maximum 20 élèves en école ou collège ordinaire, 16 en école ou collège en éducation prioritaire, 12 en SEGPA, 25 en lycée ordinaire, 20 en lycée en éducation prioritaire ;
  • des dédoublements nationaux sur la moitié des horaires d’enseignement dans toutes les matières.
  • au moins 1 CPE dans tous les collèges et lycées quel que soit le nombre d’élèves ;
  • 1 CPE pour 120 élèves dans les collèges et lycées ordinaires et 1 pour 100 en éducation prioritaire ;
  • 1 AED pour 50 élèves en collège ou lycée ordinaire et 2 pour 50 en éducation prioritaire ;
  • la formation initiale et continue sur le harcèlement scolaire : 
  • des vraies formations à l’identification et la prise en charge des situations de harcèlement dans les établissements scolaires avec des intervenant·es extérieur·es et non pas du saupoudrage avec des kits ou des formations à distance ;
  • les formations qui doivent prendre en compte de manière spécifique les oppressions sexistes, racistes, LGBTQIphobes, validistes ;
  • la mise en place effective des 3 séances annuelles d’EVARS et le retour des observatoires contre les LGBTIphobies en milieu scolaire ;
  • la mise en place d’une véritable politique éducative de lutte contre le racisme. 

 

Pour lutter contre le harcèlement scolaire, il faut des moyens humains et matériels. SUD éducation porte des propositions pour transformer en profondeur le service public d’éducation. Le harcèlement scolaire tue. La violence n'a pas sa place  dans  aucun  établissement scolaire.