En 9 mois, nous sommes à 3 suicides, 3 victimes du harcèlement scolaire : Lucas, en janvier, Lindsay en mai et Nicolas en septembre. Chaque suicide affecte et touche toute la profession. La prise en compte par l’institution de la situation vécue par Nicolas, qui a mis fin à ses jours, conduit à s’interroger sur les réponses institutionnelles mais, au-delà de ces drames, il y a trop de situations qui ne sont pas bien prises en charge, pas prises en charge du tout voire pas du tout identifiées. Rien ne semble vraiment avoir changé ou presque 10 ans après le suicide de Marion, âgée de 13 ans. Les dysfonctionnements constatés dans l’académie de Versailles l’attestent. Le plan de lutte contre le harcèlement qui a été présenté, même s’il a le mérite de remettre ce sujet majeur sur le devant de la scène, ne permet pas une lutte efficace sur du long terme et manque cruellement d’ambition au niveau éducation.
Ce plan propose en effet des réponses judiciaires (interdiction des réseaux sociaux, confiscation du téléphone) ou Intervention de sensibilisation par la police (interventions dans les classes) mais ne prévoit pas de moyens éducatifs concrets sur le long terme.
A l’école il se réduit en effet à :
- la présentation d’un questionnaire anonyme “d’autoévaluation” aux élèves du CE2 à la terminale
- la banalisation de 2h sur tout le territoire entre le 9 et le 15 novembre (inscrit dans le programme pHAre)
- des cours d’empathie (inscrits dans le programme phare avec la méthode de préoccupation partagée)
Le questionnaire qui sera présenté suscite des interrogations et des inquiétudes car nous ignorons son utilité et comment les informations seront traitées. La banalisation d’un temps n’est pas une nouveauté puisque cela s’inscrit dans le programme de lutte contre le HARcèlement à l’École (pHARe). Depuis la rentrée 2021, pHARe concerne tous les établissements scolaires et toutes les écoles Un bilan doit être dressé mais, sans moyens humains et matériels , le programme pHARe n’a aucune chance de fonctionner.
Bilan du programme pHARe pour SUD éducation :
Le programme PHARE ne se déploie pas de la même manière sur tout le territoire et dépend beaucoup des individus qui s’en emparent tout comme des rectorats. Cela repose une fois de plus sur quelques personnes qui tentent avec peu de moyens de faire vivre ce dispositif qui s’est généralisé sans moyens. Une fois que les personnels qui portent ce dispositif obtiennent leur mutation, il ne se passe plus rien dans les établissements où il faut tout reconstruire, tout recommencer. Il y a urgence à former tous les personnels pour lutter efficacement contre le harcèlement.
Mais c’est un dispositif chronophage. Il nécessite beaucoup de temps aussi bien pour la formation, que pour la prise en charge d’un·e harcelé·e ou présumé·e harcelé·e.
Certain·es collègues sont convoqué·es pour des formations en distanciel pendant les vacances. Beaucoup de formations sont réduites à des ressources numériques ou à de la formation en distanciel.
La question de la rémunération se pose également : soit des chef·fes d’établissement proposent une IMP ou des HSE. La rémunération demeure insuffisante et dépend du/de la bon vouloir du chef.fe d’établissement.
Dans le premier degré, la mise en œuvre de pHARe est encore balbutiante et, quand ce programme est déployé, la formation préalable relève trop souvent du bricolage (quelques heures prises sur les 18h de formation continue ou sur les temps de conseils). Parfois, il existe une réelle formation sur le temps de service mais uniqument pour des « pilotes » alors que tous les personnels éducatifs devraient être formés pour pouvoir lutter efficacement contre le harcèlement.
Ces mesures ne sont pas à la hauteur des enjeux et la lutte contre le harcèlement scolaire doit se traduire par un climat scolaire serein, sans violence ni entre élèves, ni entre personnels qui passe par le recrutement massif des personnels, la mise en place de formations de qualité et la banalisation de temps de service pour construire collectivement des projets, à l’occasion notamment de la journée de lutte contre le harcèlement scolaire.
Il ne s’agit pas de faire en sorte que les enseignant·es soient pleinement responsables de la gestion et de la résolution des situations de harcèlement. En revanche, il est indispensable que tous les personnels en lien direct avec les élèves soient en mesure de détecter les signaux du harcèlement et aient pleinement connaissance des procédures à suivre pour leur donner suite.
Nommer les violences et le harcèlement LGBTQIphobes, racistes, sexistes, validistes
De plus, il faut être en mesure de nommer les violences et le harcèlement LGBTQIphobes, racistes, sexistes, validistes que subissent certain·es élèves, comme Dinah, jeune fille racisée et lesbienne, qui s’est suicidée en 2022. En France, 10% des élèves (soit environ 700 000 élèves) sont victimes de harcèlement. Les tentatives de suicide et les pensées suicidaires sont plus élevées chez les victimes de harcèlement scolaire (12 % et 36 %). 25% de l'absentéisme concerne des élèves victimes de harcèlement. Les LGBTIphobies en milieu scolaire et universitaire tuent. Les jeunes victimes d’homophobie et de transphobie sont 2 à 7 fois plus touché·es par le suicide que les autres jeunes.
Il faut de la concertation, de la formation, de la prévention
Les arrestations spectaculaires en milieu scolaire ne permettent pas de lutter efficacement contre le harcèlement scolaire. Le déplacement des élèves harceleurs est une réponse uniquement répressive alors que la solution réside dans la prévention et donc dans la formation des équipes éducatives et dans la formation des élèves mais aussi dans la mise en place de dispositifs appropriés par tou·tes.
La lutte contre le harcèlement doit relever de dynamiques professionnelles collectives au sein des établissements. À ce titre, il faut du temps et de la concertation pour échanger entre collègues, construire des projets et améliorer le climat scolaire. La banalisation de demi-journées pour permettre aux équipes de construire de tels projets, à l’occasion notamment de la journée de lutte contre le harcèlement scolaire qui a lieu le premier jeudi après les vacances d’automne est à ce titre un levier pertinent.
Pour lutter contre le harcèlement scolaire, SUD éducation demande la réduction des effectifs dans les classes et des établissements à taille humaine.
SUD éducation revendique davantage de personnels médico-sociaux avec notamment une infirmière et une assistante sociale par établissement et l’accès aux visites médicales auxquelles ont droit tous les élèves. Avec un médecin pour 12 000 élèves, l’accompagnement médical des élèves est très insuffisant. Actuellement les élèves peuvent bénéficier de 8 séances gratuites. Les familles cessent le suivi après les 8 séances, faute de moyens. SUD éducation revendique la gratuité des séances chez le·la psychologue pour les élèves qui souhaitent bénéficier d’un accompagnement.
Pour lutter contre le cyberharcèlement, il faut former les élèves, les parents et les personnels à l’usage du numérique et des réseaux sociaux. Il est inutile d’ajouter des sanctions supplémentaires du type confiscation du téléphone dans la mesure où l’élève aura toujours accès à un autre téléphone. Pour les réseaux sociaux, tant que les règles ne seront pas claires et les mêmes pour les adultes et les enfants, il sera bien inutile de prendre des mesures sur l’accès aux réseaux sociaux par les élèves qui trouveront toujours des moyens pour contourner les interdictions. Il faut donner accès sur la prévention, l’éducation de tous et toutes.
SUD éducation revendique :
- la création de postes dans la médecine scolaire et l’assistance sociale :
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- 1 infirmerie ouverte sur tout le temps scolaire dans chaque établissement
- 1 assistant·e de service social à temps plein dans chaque établissement et leur déploiement dans le premier degré.
- le renforcement de la médecine scolaire avec des visites obligatoires pour tous·tes les élèves.
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- des créations de postes pour réduire les effectifs par classe et renforcer les vies scolaires :
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- limiter les effectifs par classe avec au collège : 20 élèves maximum en collège ordinaire, 16 en éducation prioritaire, 12 en SEGPA.
- des dédoublements nationaux sur la moitié des horaires d’enseignement dans toutes les matières.
- au moins 1 CPE dans tous les collèges quel que soit le nombre d’élèves
- 1 CPE pour 120 élèves dans les collèges ordinaires et 1 pour 100 en éducation prioritaire.
- en plus du ou de la CPE, 1 personnel de vie scolaire pour 50 élèves en collège ordinaire et 2 pour 50 en éducation prioritaire
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- la formation initiale et continue sur le harcèlement scolaire :
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- des vraies formations à l’identification et la prise en charge des situations de harcèlement dans les écoles et les établissements scolaires avec des intervenant·es extérieur·es et non pas du saupoudrage avec des kits ou des formations à distance
- les formations qui doivent prendre en compte de manière spécifique les oppressions sexistes, racistes, LGBTQIphobes, validistes
Pour lutter contre le harcèlement scolaire, il faut des moyens humains et matériels . SUD éducation porte des propositions pour transformer en profondeur le service public d’éducation. Le harcèlement scolaire tue. La violence n'a sa place dans aucune école et aucun établissement scolaire