La « méthode de Singapour », qu’est-ce que c’est ?

Dans son message à destination des enseignant·es et dans le dossier de presse relatif au “choc des savoirs”, le ministre Attal met clairement en avant la "méthode de Singapour" pour les mathématiques. Cette méthode serait donc intégrée dans la réécriture des programmes de l’école primaire :

Dès la rentrée prochaine, la révision des programmes de l’école primaire nous permettra d’adopter progressivement la méthode de Singapour pour les mathématiques, anticipant par exemple l’apprentissage des fractions et des nombres décimaux dès la classe de CE1. Cette méthode, désormais appliquée par 70 pays, a fait ses preuves. 

 

D’où vient cette méthode ?

La “méthode de Singapour” désigne un ensemble de principes didactiques et de méthodes d’enseignement mis en application dans la Cité-État de Singapour à partir des années 80 sous l’impulsion d’un institut créé spécialement pour développer, de manière centralisée, des outils à destination des enseignant·es et des élèves. La volonté de mettre en place un programme d’enseignement centralisé, basé sur la recherche en didactique, répond à la volonté des autorités singapouriennes d’élever le niveau général des élèves afin de soutenir le développement économique.

 

Les outils développés à Singapour ne se limitent pas aux mathématiques mais c’est l’enseignement des mathématiques qui a mis le système éducatif singapourien sous le feu des projecteurs à partir des années 90 : en 1995, Singapour s’est classée première aux évaluations TIMSS et, en 2008, elle s’est classée première aux évaluations PISA.

 

En quoi consiste-t-elle ?

L’enseignement des mathématiques à Singapour, dont l’approche a été vulgarisée sous le nom de “méthode de Singapour”, repose sur deux principes :

  • une méthode utilisant des représentations visuelles des quantités mathématiques ainsi que des relations entre ces quantités et recourant à des manipulations réelles pour figurer les opérations arithmétiques ;

  • un cadre d’apprentissage des mathématiques qui place en son centre la résolution de problèmes et qui prend en compte les concepts à utiliser, les compétences à travailler, les attitudes à avoir, les opérations de métacognition à développer et les processus cognitifs à mobiliser.

Quels sont les problèmes ?

Les principes développés dans l’enseignement des mathématiques à Singapour, qui s’appuie sur la manipulation d’objets puis sur la représentation schématique et enfin sur l’abstraction, correspondent plutôt bien à notre souci pédagogique de rendre les tâches scolaires plus concrètes pour les élèves, et notamment pour les élèves qui n’ont pas été familiarisé·es très jeunes avec les attendus de l’école.

Cependant, la fétichisation de cette “méthode de Singapour”, dont l’efficacité affichée sert d’ores et déjà d’argument de vente pour des éditeurs scolaires, fait courir le risque d’une mise en œuvre simpliste, par une réécriture des programmes qui ne s’accompagnerait d’aucune politique de formation initiale et continue des enseignant·es.

Le choix de mettre en avant cette “méthode”, qui n’est finalement pas très différente d’autres approches dans l’enseignement des mathématiques, peut également avoir un impact sur la liberté pédagogique des enseignant·es et se traduire par des injonctions à utiliser le “bon” manuel, qui aura préalablement été labellisé par l’institution et commandé massivement avec l’aide de l’État.

Nous ne sommes pas des exécutant·es de méthodes prônées par le ministère. À SUD éducation, nous revendiquons une liberté pédagogique, qui n’est réellement possible que si les enseignant·es disposent d’une formation solide, que ce soit lors de la formation initiale ou pendant la formation continue tout au long de leur carrière. Ce n'est qu'à cette condition que les enseignant·es peuvent s'adapter aux élèves et élaborer une pédagogie pour faire réussir tou·tes les élèves.

Imposer une méthode, quels qu’en soient les résultats aux évaluations internationales, n'est pas pour nous gage d'émancipation et de réussite pour les élèves.