Alors que les universités sont encore largement fermées, les étudiant-e-s dans une précarité sociale, une détresse psychologique et une incertitude pédagogique sans précédent ; alors que l’ensemble de la communauté tient à bout de bras un enseignement supérieur et une recherche que le ministère vient d’affaiblir, précariser et libéraliser encore plus via la Loi de Programmation de la Recherche, pourtant rejetée massivement par la communauté ; la ministre a tenté un contre-feu médiatique digne de son collègue de l’Éducation nationale.
Que la ministre reprenne les termes de l’extrême-droite à travers sa dénonciation du mythe, du fantasme de « l’islamo-gauchisme » marque une fois de plus la volonté du gouvernement de mise au pas de l’Université et de son personnel. Nous avons déjà connu ces derniers mois une volonté de restriction des libertés académiques, de la recherche, de criminalisation des mobilisations universitaires de la part de ce gouvernement. Cette fois-ci, toutes les limites sont franchies.
En demandant au CNRS (et donc ses agent-e-s) à travers l’Alliance Athéna de mener des enquêtes sur des « courants de recherche », la ministre piétine les fondements même de la recherche publique. C’est d’ailleurs le sens du refus de l’alliance Athéna et du CNRS de conduire de telles études qui, pour citer le communiqué de l’alliance Athéna « ne reposeraient pas sur le respect des règles fondatrices de la pratique scientifique, qui conduiraient à remettre en question la pertinence ou la légitimité de certains champs de recherche, ou à mettre en doute l’intégrité scientifique de certains collègues. »
Mme Vidal veut-elle instituer une police de la pensée ? Interdire certaines thématiques de recherche (telles les études postcoloniales ou décoloniales, les travaux portant sur les discriminations raciales, etc.) comme c’est le cas dans certaines universités en Hongrie, Brésil ou Roumanie ?
Derrière ces propos, il y a plus que le « gauchisme », la stigmatisation de l’Islam et de ses pratiquant-e-s, ou supposé-e-s comme tel-les. Ce n’est pas un hasard si la ministre a professé ces attaques au moment où se discutait le projet de loi contre les « séparatismes », projet de loi stigmatisant et discriminatoire. La rhétorique est classique dans cette période de crise sanitaire, économique et sociale : masquer les responsabilités de l’État et du ministère dans la situation dramatique dans laquelle se trouve l’Université et la recherche aujourd’hui et allumer des contre-feux.
À travers les projets de loi « séparatismes » et « sécurité globale », le gouvernement s’attaque frontalement à nos libertés fondamentales ; à travers les propos de la ministre, il menace aujourd’hui les libertés académiques et la possibilité d’un enseignement et d’une recherche critiques.
Pour SUD Éducation et SUD Recherche EPST : Tout gouvernement qui se prétend démocratique doit accepter les critiques nées de l’analyse scientifique de ses actions. S’attaquer à l’université c’est s’attaquer à un lieu de construction d’un savoir critique. Les libertés académiques et de recherche sont fondamentales et non négociables, pour un ESR émancipateur et débarrassé d’injonctions idéologiques comme économiques et ce d’où qu’elles viennent. Nous réaffirmons notre opposition aux lois « séparatisme » et « sécurité globale » comme à la LPR.