Monsieur le Ministre, Mesdames et Messieurs les membres du CSA,
Nous tenons à réaffirmer ici liminairement que SUD éducation porte le projet d’une autre école pour une autre société. SUD éducation lutte pour une école plus égalitaire, laïque, publique, véritablement gratuite, débarrassée des discriminations LGBTIphobes, racistes et antisémites. Son projet est celui d’un système éducatif émancipateur et coopératif. C’est pour ce projet d’école que nous défendons que les personnels ont choisi de nous confier leur suffrage lors des élections professionnelles et nous ont conduit⋅es à siéger en CSA ministériel.
Le 19 janvier, deux millions de personnes ont manifesté contre la réforme des retraites.
Le 31 janvier, deux-millions-huit-cent-mille de personnes ont battu le pavé pour exprimer leur refus du projet de réforme du gouvernement. Il n’y avait jamais eu de manifestations aussi massives dans le pays. Le 7 février a montré la détermination des personnels à l’occasion de l’ouverture du débat parlementaire. Samedi, la manifestation s’annonce historique et pourrait dépasser celles du 19 et du 31 janvier. Si samedi, le nombre, dans la rue, ne suffit pas à faire retirer cette réforme impopulaire, alors nous montrons d’un cran.
Le gouvernement ne parvient pas à convaincre, car le projet de réforme est fondamentalement injuste. Il pénalise aussi bien celles et ceux qui ont commencé à travailler tôt que celles et ceux qui ont commencé à cotiser à l’issue de leurs études. Les femmes seront particulièrement impactées par la réforme.
C’est pourquoi les personnels de l’éducation ont été massivement en grève et pris part aux cortèges. Ils resteront mobilisés jusqu’au retrait.
En s’entêtant dans son projet, le gouvernement fait le jeu de l’extrême droite qui espère prospérer sur la désespérance sociale.
Dans l’éducation, le projet gouvernemental agit comme un révélateur des inégalités et des difficultés que rencontrent les personnels de l’éducation. Elle est un coup de plus porté aux personnels qui n’ont de cesse de dénoncer des salaires de plus en plus insuffisants. Les annonces quant à la future revalorisation salariale ont mis le feu au poudre, après le projet de réforme du lycée professionnel qui, au-delà de dégrader encore une fois les conditions de travail des enseignant⋅es et d’étude des élèves, conduira à une nouvelle réduction des qualifications des élèves, pour le plus grand profit du patronat.
D’abord, les personnels AED et AESH, dont les salaires sont scandaleusement bas, ne sont pas concernés par les annonces salariales. Pourtant, à quelques jours de l’anniversaire de la loi de 2005, on fait le constat que le bilan de l’école inclusive reste très insatisfaisant : les personnels ne sont pas assez formés et les élèves ne sont pas accompagnés à hauteur de leurs besoins, faute de recrutements suffisants d’AESH. Les bas salaires et la dégradation des conditions de travail depuis la généralisation de la mutualisation dans les Pial conduisent à d’importantes difficultés de recrutement dans les départements. Il n’y aura pas d’école inclusive digne de ce nom tant que les personnels AESH ne bénéficieront ni d’un vrai statut, ni d’un vrai salaire à temps plein.
Ensuite, la revalorisation “socle” s’annonce déjà insuffisante pour pallier les pertes de salaires dues au gel du point d’indice durant près d’une décennie et à l’inflation. Il faut certes revaloriser les personnels en début de carrière, car leurs salaires sont trop bas. SUD a déjà eu l’occasion de porter ses revendications. Néanmoins, il faut également éviter un effet de tassement des grilles qui laisserait un goût amer aux personnels en milieu de carrière mais aussi à ceux qui en fin de carrière ne connaissent plus d’évolution salariale après l’échelon 11.
Il est donc nécessaire de revaloriser inconditionnellement tous les salaires de plusieurs centaines d’euros, et plus fortement les plus bas salaires. Par ailleurs, ce sont sans doute les annonces concernant le “pacte” qui ont le plus heurté les personnels. Comment peut-on demander aux personnels de travailler davantage ? Les personnels alertent sans cesse leur hiérarchie sur leurs conditions de travail qui se sont dégradées ces dernières années : ils doivent pallier le manque de personnels médico-sociaux, les classes sont trop chargées, les enseignantes et enseignants renouvellent de plus en plus leurs pratiques pédagogiques pour s’adapter aux besoins des élèves dans le cadre de l’école inclusive, les services en lycées ont été désorganisés par les réformes Blanquer… Vous ne pouvez pas supprimer cette années 1500 postes après les milliers du quinquennat précédent et exiger dans le même temps davantage de travail.
On observe à cet égard que la politique de missions et d’heures supplémentaires est une des principales causes des inégalités salariales. Le “Pacte” va avoir pour conséquence d’accroître le décrochage salarial pour toutes celles et ceux qui ne peuvent pas augmenter leur temps de travail : les personnels du 1er degré, les femmes, les personnels handicapés.
En 2023, les personnels attendent une autre politique salariale, plus égalitaire, dans notre ministère. Les personnels ne veulent plus de ces réformes venues d’en haut, des annonces brutales et des injonctions pédagogiques. La suppression de la technologie en 6e et les notes ministérielles au sujet des savoirs fondamentaux ont été extrêmement mal reçues par les personnels. Ces notes mettent en concurrence les programmes d’une part et les objectifs quant aux “compétences clés”, celles des “savoirs fondamentaux” de l’autre. Ce sont bien les inégalités et l’école à deux vitesses qui se renforcent. Le ministère réserve les programmes disciplinaires pour les élèves des établissements hors éducation prioritaire et le “minimum”, c’est-à-dire les “savoirs fondamentaux” de mathématiques et de français, pour les élèves d’éducation prioritaire. Cette politique éducative contredit votre discours, Monsieur le Ministre, sur la réduction des inégalités. Plutôt que de baisser le nombre d’élèves par classe pour faire mieux réussir tous les élèves, vous choisissez la mise en œuvre de dispositions de vitrine qui confortent l’idée selon laquelle les objectifs scolaires sont moindres dans les quartiers populaires.
Ce n’est pas en culpabilisant les enseignant·es que l’éducation nationale remédiera aux inégalités scolaires. Il faut un plan d’urgence pour l’éducation : recrutement de professeur·es des écoles titulaires, remplacement systématique des enseignant·es absent·es, reconstitution des RASED avec des enseignant·es spécialisé·es, une vraie politique de prévention des violences avec le recrutement de personnels médico-sociaux, moins d’élèves par classe dans toutes les classes et des vrais moyens pour l’école inclusive.