1. Constat
Plus de quinze ans après l’adoption de la loi de 2005, il est temps d’en tirer un premier bilan. Si SUD éducation salue la volonté d’ouvrir l’école à toutes et tous les élèves, la communication ministérielle actuelle, qui prétend que l’objectif de la loi est atteint, apparaît comme une mystification de plus, et même comme un mensonge à dénoncer. Des milliers d’élèves sont chaque année sans solution de scolarisation, alors même que Blanquer a prétendu à l’occasion du quinzième anniversaire de la loi qu’aucun⋅e élève ne resterait sans solution. Parmi celles et ceux qui bénéficient de notifications MDPH, ce ne sont parfois que quelques heures hebdomadaires qui sont octroyées. Contrairement aux promesses des PIAL, en cas d’absence de l’AESH, les élèves restent sans accompagnement.
Les conditions de travail, les contrats et la rémunération des AESH sont toujours aussi scandaleuses, alors que le ministère prétend régulièrement mettre en œuvre des avancées : contrats à temps partiels imposés, rémunération généralement au SMIC malgré des grilles indiciaires disparates d’une académie à l’autre, précarité contractuelle... Les simulacres d’avancée, notamment en ce qui concerne les grilles ou la durée de 3 ans des contrats, correspondent en réalité à la normalisation de la précarité voulue dans la loi de transformation de la Fonction publique. Cela ancre toujours plus le métier d’AESH dans la relation contractuelle et l’éloigne de ce qu’il devrait être : un emploi statutaire. Ces différences de statut avec les enseignant·es, entraîne des disparités de conditions de travail, qui ont des effets sur l’accueil des élèves. Il nous apparaît fondamental que le syndicat veille à porter le questionnement autour des enjeux de pouvoir et de la hiérarchie implicite que cela engendre. Dans une dynamique de conscience de classe, nous devons requestionner la place des enseignant·es en terme de domination, afin de repenser la proximité avec les collègues AESH.
Ces dernièr·es ne sont, en temps normal, pas responsables des enfants, en l’absence des enseignant·es. Exigeons un statut de responsabilité pour tou·tes avec l’instauration d’un statut d’éducateur·trice scolaire spécialisé·e, pour aller plus loin que les seules considérations financières.
La formation initiale et continue des enseignant·es est toujours très insuffisante. Quasiment aucun temps de formation n’est prévu dans le cadre des Master MEEF concernant la prise en charge des élèves en grande difficulté ou relevant du champ du handicap. Pour les enseignant·es spécialisé·es, le passage au CAPPEI a représenté une perte de qualification, avec en particulier une baisse du nombre d’heures de formation. SUD éducation dénonce également le fait que la formation CAPPEI a disparu dans certains départements, ce qui impose aux candidat·es de se préparer seul·es (passage en «candidat·e libre») à une certification qui nécessite pourtant l’acquisition de compétences et de connaissances très pointues. Pour les enseignant·es dit·es sans spécialité qui accueillent des élèves à besoins particuliers, aucun temps d’échange ou de co-formation n’est prévu, pas plus qu’un temps de préparation des cours lié aux adaptations des documents par exemple. Les formations institutionnelles dans le cadre de la formation continue sont insuffisantes. Et, pour les enseignant·es du secondaire, la diminution des DHG contraint parfois leur établissement à choisir de stopper l’intervention d’enseignant·es titulaires d’un CAPPEI auprès des élèves des classes ULIS. Les bénéfices de formations déjà amoindries sont alors de fait encore plus limités.
De ce fait, l’inclusion est parfois juste un mot vide de sens car le placement physique à l’intérieur d’un même lieu, la classe dite ordinaire, ne signifie pas forcément inclusion au sens originel du terme (adaptation du milieu aux besoins spécifiques de l’élève). Des enfants peuvent, faute d’accompagnement, faute de formation, faute de moyens (effectifs allégés, matériel adapté...) se retrouver dans un espace d’exclusion interne à l’intérieur d’une classe ordinaire, par exemple, ne pas participer aux activités communes. Ce sont les « exclus de l’intérieur ».
C’est pourquoi, pour SUD éducation, l’inclusion pour être pleinement effective doit être totalement repensée et avec elle l’École dans son ensemble. Car l’inclusion scolaire invite à la baisse les effectifs des classes afin de permettre une réelle différenciation et la mise en place de pédagogies coopératives. L’accompagnement des élèves en situation de handicap peut et doit aussi se faire par les pairs afin de favoriser aussi à terme une inclusion sociale et non seulement scolaire.
L’inclusion invite à repenser l’organisation du temps et de l’espace scolaire, les programmes et les évaluations. Elle invite à repenser l’organisation des équipes, les temps de concertation, de formation des personnels. Enfin, elle invite à repenser l’école au-delà de la seule visée de l’insertion professionnelle et de la recentrer sur les enjeux de coopération et d’émancipation au bénéfice de tou·tes les enfants comme des adultes.
Les PIAL, mis en place à la rentrée 2019, sont un exemple de la politique du gouvernement. En vitrine, une avancée pour les personnels et les élèves avec des moyens supplémentaires ( orthophoniste, ergothérapeute ) et une meilleure gestion des personnels, en réalité c’est un dispositif qui accroît encore la flexibilité des contrats des AESH. Ils et elles peuvent être nommé·es sur des zones géographiques étendues pour un nombre réduit d’heures et dans plusieurs établissements. Ces déplacements accroissent encore la précarité. Ces personnels sont nommés auprès d’élèves d’âges variés, scolarisé·es de la maternelle au lycée et présentant des situations de handicap totalement différentes allant de la dyslexie au handicap moteur en passant par l’autisme. Ils et elles doivent faire face à des situations rendues d’autant plus difficiles de par leur diversité et ce, sans formation.Les AESH peuvent être licencié·es s’ils ou elles refusent d’intégrer un PIAL ou de changer d’école d’affectation...
Les établissements et dispositifs spécialisés (IME, ITEP, IMPRO, SESSAD, hôpitaux de jour) font les frais d’une politique d’inclusion qui se fait à moyens constants. Or, parfois, l’inclusion à tout prix met les élèves, les personnels et les parents dans une situation de grande souffrance, et les établissements médico-sociaux représentent la meilleure solution : leur démantèlement généralisé est de ce point de vue inacceptable.
Ces établissements médico-sociaux doivent pouvoir continuer à accueillir des enseignant·es spécialisé·es, et SUD
éducation n’accepte pas la bascule de plus en plus fréquente et sans réflexion de leurs postes vers des postes ULIS. Au contraire, ces établissements doivent bénéficier de moyens supplémentaires, notamment en postes fixes d’enseignant·es.
Le manque de moyens alloués au RASED et leur disparition programmée empêchent une réelle prise en charge de la grande difficulté scolaire. Ce qui a pour conséquence, entre autres, d’aggraver la situation de nombreux·ses élèves et de provoquer parfois un glissement vers le champ du handicap, avec ou sans aide.
Les moyens RASED devraient pouvoir exister aux côtés de l’inclusion sans cet effet de glissement, qui ne permet pas une identification réelle des besoins et conduit à des processus d’orientation parfois erronés. Par exemple, l’inclusion à marche forcée d’élèves non scolarisé·es antérieurement et non lecteurs·trices sans moyens conséquents d’accompagnement (UPE2A à effectifs limités) est de plus en plus souvent compensée par une prise en charge par les RASED. Dans un contexte où leurs moyens sont en constante diminution cela pèse sur la prise en charge de tou·tes les élèves qui ont des difficultés.
A l’université, l’accompagnement des étudiant·es en situation de handicap (ESH) relève de quelques personnels ou enseignant·es référent·es alors qu’il devrait être pris en charge collectivement. La question du handicap étant une question sociale et non purement médicale, elle ne peut pas être du seul ressort des Services de Santé mais doit faire l’objet de discussions collectives régulières, de prises en charge par l’ensemble de la communauté universitaire : étudiant·es, personnels de santé et sociaux, EC…
Pour une réelle politique inclusive, il faut que des heures soient dégagées à des enseignant·es pour assurer une réelle prise en compte des ESH dans leurs formations. Les services de santé (médecins, infirmiers·ères, psychologues…) et les pôles handicaps sont sous-dotés et, dans ces derniers, la formation à l’accompagnement est trop souvent mise de côté.
La prise en charge des ESH ne peut se résumer à mettre en place quelques accès PMR ou par l’octroi d’un 1/3 temps trop automatique, mais à l’inclusion dans tous les aspects des études et de la vie universitaire des ESH.
Les universités sont par ailleurs très loin d’embaucher 6% de personnels en situation de handicap comme la loi l’oblige. Comment une université qui ne souscrit pas à ses obligations d’inclusion peut-elle mener une réelle politique envers les ESH?
2. Revendications - SUD éducation revendique pour les élèves et les familles
Pour SUD éducation, l’inclusion doit cesser d’être un mensonge servi aux élèves et à leurs familles :
- chaque élève doit avoir une solution de scolarisation adaptée qui ne soit pas motivée par des contraintes budgétaires ou par les dispositifs disponibles,
- chaque élève doit pouvoir être suivi·e et pris·e en charge, autant que nécessaire, par les personnels spécialisés du RASED et cela tout au long de sa scolarité
- les familles doivent pouvoir être accompagnées sur le plan médico-social, ce qui nécessite des créations de postes d’assistant·es de service social, d’infirmier·es et de médecins scolaires en nombre suffisants.
- dans les classes, la double inscription dans les dispositifs et les classes d’origine doit être systématiquement respectée (dans le cadre d’une baisse généralisée des effectifs dans les classes)
- reconnaissance par les collectivités territoriales des élèves scolarisé·es en EMS, en particulier pour les aides attribuées par les collectivités (CD, communes, régions…).
Au-delà de l’école, c’est bien l’ensemble du service public de santé et médico-social qui doit être renforcé dans tous les territoires, avec une offre de soin permettant à tou·tes les élèves d’être pris en charge correctement.
SUD éducation porte une série de mesures pour améliorer les conditions de travail des élèves et par conséquent les conditions d’accompagnement des élèves en situation de handicap :
- la création d’un véritable statut de fonctionnaire d’Éducateur·trice Scolaire Spécialisé·e pour les AESH afin de reconnaître leur rôle d’éducatif et leur métier,
- un salaire à l’entrée dans le métier : 1700€ nets (conformément aux revendications de l’Union syndicale Solidaires pour le SMIC) et l’accès aux mêmes primes (éducation prioritaire), indemnités et pondérations (éducation prioritaire et affectation multiple) que les titulaires quelle que soit la durée du contrat,
- un temps plein avec 24h max avec élèves et le reste pour la prise en compte de tout le travail invisible (préparation, suivi, coordination, formation...)
- l’arrêt des PIAL
- des moyens pour une véritable formation initiale et continue adaptée aux spécificités des différents handicaps rencontrés dans les écoles
- des affectations respectueuses des élèves et des personnels : affectation sur 2 établissements au maximum, respect des notifications MDPH…
SUD éducation revendique pour les enseignant·es :
- pour les enseignant·es sans spécialité, il faut du temps de co-formation, du temps de concertation, du temps dédié aux rencontres et régulations avec les familles et les différent·es professionnel·les intervenant autour de l’élève, afin d’accueillir et accompagner efficacement tous les élèves, quel que soit leur profil.
- un budget commande augmenté pour le matériel pédagogique de la classe (ainsi qu’une prise en compte de nombre de photocopies allouées), une limitation du nombre d’élèves dans la classe
- une prise en compte des besoins particuliers dans la formation initiale de l’ensemble des enseignant·es, et une disponibilité accrue de la formation continue sur temps de travail
- l’intégration des établissements médico-sociaux (IME, ITEP) aux réseaux d’éducation prioritaire, avec attribution des primes et conditions statutaires correspondantes.
Dans l’Enseignement supérieur, SUD éducation revendique:
- le recrutement conséquent et la formation de personnels au sein des services de médecine préventive et des structures handicap
- des dotations horaires et une formation pour les EC assurant le suivi des ESH
- une réflexion et prise en charge collective des ESH par l’ensemble de la communauté universitaire
- l’obligation pour les universités d’employer 6% de personnels en situation de handicap.
3. L’intervention de SUD éducation
Les AESH sont aujourd’hui autour de 132 000 dans l’Éducation nationale, et leur nombre va inévitablement aller croissant. Pourtant, leur rémunération, leurs conditions de travail et leurs droits sont toujours aussi indigents. De ce fait, ils et elles s’organisent de plus en plus afin de faire valoir leurs droits. SUD éducation est ainsi très présent dans un nombre important de collectifs AESH, et a été à l’initiative de mobilisations dans un certain nombre de départements.
Pourtant, la visibilité de SUD éducation auprès des AESH est encore trop fragile au niveau national, et il s’agit de la renforcer.
SUD éducation fait de la syndicalisation des AESH une priorité. Cela implique d’améliorer notre communication auprès des AESH (envois Ostic, tournées, matériel spécifique, réseaux sociaux).
La formation syndicale est également un enjeu important pour faire respecter les droits des personnels AESH.
SUD éducation se montrera particulièrement volontariste dans les luttes des AESH et plus largement autour de l’inclusion. SUD éducation continuera à se présenter comme favorable à l’inclusion auprès des personnels. SUD éducation poursuit son implication dans les collectifs de défense des précaires. SUD éducation continuera à porter dans l’intersyndicale nationale ses mandats d’initiatives concernant l’inclusion et les AESH.