Les personnels de l’Éducation nationale s’apprêtent à retrouver le chemin de leurs écoles et de leurs établissements scolaires, or l’inquiétude domine. SUD éducation a alerté le ministère de l’Éducation nationale l’an passé : l’école est à un point de bascule.
Elle ne s’est pas remise ni des 8000 suppressions de postes dans le second degré depuis l’arrivée au pouvoir de Macron en 2017, ni de la pénurie de professeurs des écoles, ni des réformes de casse de l’école publique engagées par Blanquer puis Attal.
Des réformes Blanquer au Choc des Savoirs : une école du tri social et de la maltraitance !
La mise en œuvre à marche forcée du Choc des Savoirs avec la généralisation des évaluations nationales dans le premier degré et l’enseignement du français et des mathématiques en groupes en sixième et en cinquième font l’objet de fortes résistances dans les écoles et les collèges puisque l’ensemble de la communauté éducative continuent de les dénoncer. Les personnels s’emploient, sur le terrain, à appliquer “le moins possible” l’injonction à casser les groupes classe en français et en mathématiques en créant le moins de groupes possibles et en constituant des groupes hétérogènes. De même, dans les écoles, les personnels se préparent à refuser de faire passer les évaluations nationales à la rentrée prochaine.
La mise en œuvre du Choc des Savoirs montre que cette réforme s’inscrit pleinement dans la continuité des réformes Blanquer : le Choc des Savoirs poursuit la politique des savoirs fondamentaux qui met l’accent sur certaines disciplines et certains moments de la scolarité sans prendre en compte le parcours des élèves dans sa globalité. Les dédoublements en grande section, en CP et en CE1 en éducation prioritaire a eu pour effet de gonfler le nombre d’élèves par classe dans les autres niveaux et à imposer une organisation standardisée des écoles au mépris des projets pédagogiques des équipes et des contraintes bâtimentaires locales. De même, l’accent mis au collège sur le français et les mathématiques au collège retire des moyens aux autres disciplines.
La politique des savoirs fondamentaux témoigne d’une vision étriquée des apprentissages mais surtout de l’aggravation d’une école à deux vitesses : celle des savoirs fondamentaux, du “lire-écrire-compter” pour les élèves des quartiers populaires, et celle de la richesse disciplinaire et des opérations cognitives complexes pour les élèves plus favorisé·es. Cette logique de tri social domine dans le Choc des Savoirs avec tout un ensemble de mesures qui évaluent, trient, sanctionnent les élèves (généralisation des évaluations, groupes de niveau, réforme du DNB, classe prépa-seconde…) et poursuivent les réformes des lycées et de Parcoursup.
Cette politique éducative, et en particulier les évaluations nationales et Parcoursup aggrave le mal-être et l’anxiété chez les jeunes. Les évaluations nationales, standardisées, ne respectent pas l’hétérogénéité des rythmes d’apprentissage et de développement des élèves, elles s’opposent à l’objectif d’une école plus inclusive en imposant des normes et des repères annuels contre la logique des cycles.
Éducation prioritaire à l’abandon
La France est pointée du doigt par les études internationales car son école est une des plus inégalitaires de l’OCDE. C’est la conséquence de la casse des politiques sociales : sortie des lycées de l’éducation prioritaire, baisse des dotations en éducation prioritaire, classes surchargées, pénurie de personnels médico-sociaux, casse de la formation initiale et continue… l’éducation prioritaire subit de plein fouet les effets des réformes Blanquer-Attal et du manque de moyens. Depuis plusieurs années, le ministère annonce une refonte de la carte de l’éducation prioritaire de 2015 sans que les annonces ne soient suivies des faits. Les collèges des académies de Mayotte, la Réunion, la Guadeloupe, Lille, Amiens, Nancy-Metz et Créteil sont les plus mal classés : parmi les 80 collèges de la Réunion, 25 ont un IPS (indice de positionnement social) qui ne correspond pas à leur classement, et c’est à Mayotte que la situation est la plus alarmante puisque sur 21 collèges, 8 sont classés en REP alors que leur IPS, est semblable à celui des collèges de REP+ de métropole.
Les classements en éducation prioritaire doivent être revus afin de répondre aux inégalités sociales et néocoloniales pour le cas des départements hors de France hexagonale que subissent les élèves des territoires les plus défavorisés.
Sans moyens, pas d’école inclusive ni de lutte contre les discriminations
Alors que l’école devrait construire la société démocratique de demain en luttant contre les discriminations et en s’engageant dans la reconversion écologique de la société, le gouvernement poursuit son entreprise libérale de casse du service public d’éducation et fait de l’école inclusive, de la lutte contre le harcèlement scolaire et les discriminations une vitrine mensongère de sa politique. L’augmentation du nombre d’élèves en situation de handicap à l’école de 35% depuis 2017 est une avancée pour le droit des enfants d’accéder à l’école, néanmoins les moyens humains et matériels pour les accueillir sont très insuffisants. Le ministère de l’Éducation nationale poursuit sa logique de mutualisation des moyens et refuse d’accorder sa politique salariale à l’objectif d’inclusion. Il n’y aura pourtant pas d’inclusion réussie à l’école sans la reconnaissance du métier d’AESH par la création d’un vrai statut de la Fonction publique, sans l’intervention de personnels médico-sociaux dans l’école et sans formation des personnels.
De plus, malgré l’urgence, la mise en place d’une véritable politique de lutte contre le racisme demeure un des grands manquements de l’Éducation nationale. Au-delà de son inaction, le ministère ne cesse de stigmatiser les élèves et les personnels non-blancs par des mesures ou déclarations favorisant les idées réactionnaires, autoritaires et islamophobes.
De même, faute de moyens et de volonté politique, l’Éducation nationale ne parvient pas à dispenser les 3 séances annuelles obligatoires d’éducation à la sexualité pourtant essentielle dans la lutte contre les violences sexuelles, sexistes et LGBTIphobes. Au moins 85% des élèves ne bénéficient pas de séances obligatoires. À l’image de l’éducation à la sexualité, la lutte contre le harcèlement scolaire, priorité de Gabriel Attal, ne parvient pas à se déployer au-delà des annonces médiatiques faute de moyens, de personnels et de formation des équipes.
Attractivité des métiers : l’échec de Gabriel Attal
Face aux grandes difficultés de recrutement des personnels enseignants, AESH et médico-sociaux, Gabriel Attal a fait du renforcement de l’attractivité de nos métiers une priorité, et à nouveau c’est un échec cuisant dont l’école paiera le prix fort. L’Éducation nationale peine à recruter des personnels AED et AESH pourtant essentiels à la scolarité des élèves en raison de la grande précarité que le ministère leur impose.
Pour améliorer l’attractivité des métiers d’enseignant·e et de CPE, le ministère de l’Éducation nationale a défini trois axes de travail pour l’année 2023-2024 : les conditions de travail, les salaires et l’entrée dans le métier. La réforme de la formation initiale a été abandonnée sans doute faute de budget, la politique de revalorisation Socle s’est révélée très insuffisante et n’a pas eu de véritable impact sur le niveau de vie des enseignant·es, les conditions de travail ont continué de se dégrader sous le poids des réformes imposées et du manque de moyens. En effet, les suppressions de poste ont conduit à entraver la mobilité des personnels et à surcharger les classes. Dans le premier degré, les non remplacements constituent une surcharge de travail insupportable pour les personnels. Les réformes éducatives imposées et la casse de la formation initiale et continue des personnels a conduit à une détérioration du rapport des personnels à leur métier qui dégrade leurs conditions de travail et leur santé. La politique des savoirs fondamentaux, des évaluations nationales et du “choc des savoirs" dépossède les professeur·es des écoles de leur métier et en fait des exécutant·es et non des concepteur·trices de leur enseignement. L’entreprise de casse de la dimension pédagogique fondamentale du métier d’enseignant·e participe à la déconsidération de nos professions.
Bâti scolaire : l’urgence écologique et sanitaire toujours minimisée par l’Éducation nationale
SUD éducation poursuit son travail d’information et de mobilisation autour des questions bâtimentaires. L’Éducation nationale est, en effet, confrontée à un double défi : celui de la nécessaire reconversion du bâti scolaire face à l’urgence écologique et au dérèglement climatique mais aussi le désamiantage du bâti scolaire. La vétusté de ces bâtiments implique une dégradation grandissante des matériaux de construction, qui libère de plus en plus de fibres d’amiante dans l’air. L'amiante est un matériau hautement cancérogène qui peut provoquer des maladies mortelles dès la première exposition. En France, il a été interdit en 1997. 85% des écoles et établissements scolaires et universitaires ont été construit avant cette date, il y a donc de l'amiante dans la plupart d'entre eux. SUD éducation mène une campagne offensive pour alerter sur les dangers de l’amiante et contraindre l’Éducation nationale à assumer ses obligations de protection de la santé et de la sécurité des personnels et des élèves. Il y a là un enjeu de santé publique majeur !
PLF 2025 : comment financer l’école ?
Face aux défis que doit relever l’école, le gouvernement doit faire des choix budgétaires forts à l’occasion du Projet de Loi de Finances 2025. Financé à 75% par l’argent public, l’enseignement privé consomme 10,5% du budget de l’éducation en 2022 (10,4 milliards d’argent public, son budget a augmenté de 27% entre 2014 et 2024, davantage que le budget du public. La casse du service public d’éducation profite à l’enseignement privé dont la fréquentation est en augmentation : en 2022, ce sont 21,6 % des élèves de 15 ans qui étaient scolarisés dans des établissements privés contre 16,4 % en 2018. Le taux d’élèves scolarisés dans le privé est aujourd’hui deux fois plus élevé à Paris que dans la moyenne nationale, et pourrait y devenir majoritaire d’ici dix ans. De même, près de 40% des lycéen·nes bretons sont scolarisé·es dans des établissements catholiques privés sous contrat.
L’Éducation nationale organise et finance la ségrégation scolaire : lorsqu’un collège favorisé est situé près d’un établissement défavorisé, dans 85% des cas c’est un établissement privé. Ainsi la présence de l’établissement privé nuit à la mixité sociale.
Pour SUD éducation, il y a urgence à mettre sur la table le sujet du financement de l’enseignement privé à l’occasion des débats sur le budget 2025 afin de garantir un vrai service public d’éducation laïque sur tout le territoire.