Rencontre de SUD éducation et SUD Recherche avec Philippe Baptiste, ministre chargé de l’Enseignement supérieur et la Recherche : une feuille de route toujours très libérale

A peine 2 mois après une précédente bilatérale avec Patrick Hetzel, nos organisations syndicales ont échangé avec le nouveau ministre chargé de l’ESR auprès d’Élisabeth Borne. L’occasion pour nous de noter la constance des réponses libérales des gouvernements et de nos ministères aux crises que traversent l’Enseignement supérieur et la Recherche.

Dans une “situation politique compliquée” et “sans programme politique élaboré en amont”, le ministère travaille sur 2 agendas. Un premier à court terme afin d’établir un budget en repartant du précédent projet de loi de finance de 2025, avec des “conséquences potentiellement dommageables pour la recherche” aux dires même du ministre. Selon lui, les négociations sont âpres avec Bercy et Matignon et l’ESR ne bénéficiera pas de rallonge. Exit donc des financements pour répondre à la paupérisation des étudiant·es, un investissement pour les formations et des budgets pérennes pour la recherche.

Selon le ministère des finances, la moitié des 4,8Md€ de réserves des établissements seraient mobilisables, ce que conteste le ministère qui compte toutefois pouvoir engager “quelques centaines de millions”.

Dans un second temps, le ministre pense ouvrir les sujets de l’Enseignement supérieur privé et l’apprentissage pour lesquels il souhaiterait plus de régulation, de la réforme des études de santé et la question des logements étudiants… En libéral convaincu, le ministre souhaite rapprocher les formations de 1er cycle avec les Régions pour “se projeter sur l’emploi local pour les formations courtes”. Un Enseignement supérieur au service du marché de l’emploi, au détriment des formations et du service public.

En ce qui concerne la recherche, Philippe Baptiste considère qu’il n’est pas nécessaire de multiplier les appels à projet internes aux établissements mais, comme ses prédecesseur·es, défend l’ANR et les plans d’investissements d’avenir et souhaite inciter les équipes de recherche et les ONR à se tourner davantage vers l’Europe (à travers les bourses ERC et le programme-cadre Horizon Europe). Comme pour les formations, le ministre défend un rapprochement entre les laboratoires de recherche et le privé et bien évidemment, il n’est pas question de toucher au Crédit Impôt Recherche qui pour lui devrait aider à ce rapprochement.

En ce qui concerne les libertés académiques et d’expression, il est à noter cependant que le nouveau ministre tranche avec son prédécesseur et le ministre de l’intérieur en défendant le droit des étudiantes à porter le voile à l’université et en n’attaquant pas, pour le moment, la légitime solidarité avec le peuple palestinien qui s’exprime sur les campus.

 

Pour nos organisations, nous avons rappelé lors de cette rencontre nos revendications et les colères qui s’expriment dans nos établissements :

  • L’Enseignement supérieur et la recherche publics sont en crise, les budgets de ces dernières années sont les plus faibles depuis 20 ans. Avec 60 universités sur 75 en déficit et des mesures gouvernementales non compensées (“Guérini”, CAS pension…), le maintien de l’emploi, la rénovation du bâti et l’existence même de formations sont en danger. C’est intolérable.
  • Le nombre d’étudiants et d’étudiantes ne cesse d’augmenter et les effectifs de personnel ne suivent pas : le taux d’encadrement s’effondre, la dépense publique par étudiant·e continue de baisser avec des inégalités sociales de plus en plus criantes… Il est temps de proposer un budget à hauteur de 3% du PIB et qui permette de sortir de cette crise. 
  • Pendant ce temps, l’Enseignement supérieur privé lucratif et l’apprentissage ne cessent de progresser, à grand renfort d’argent public et grâce à une visibilité sur Parcoursup. Pour SUD éducation et SUD Recherche, il est temps d’en finir avec ce transfert d’argent public vers des formations privées et de le réinjecter dans le service public. 
  • Du côté de la recherche publique, les moyens ne sont pas non plus au rendez-vous ; malgré les effets d’annonce des gouvernements successifs, ils sont loin d’atteindre les objectifs qu’ils se sont eux-mêmes fixés. Par contre les entreprises de destruction de ce service public vont bon train, en instaurant par exemple la concurrence à tous les étages au nom d’une prétendue excellence, la dernière en date étant la labellisation annoncée par la direction du CNRS de 25% laboratoires “keylabs” bénéficiant de moyens renforcés au détriment des 75% restant. A noter que notre nouveau Ministre n’a rien trouvé à redire à celà. SUD éducation et SUD Recherche revendiquent des moyens pérennes pour les laboratoires et les services attribués de façon récurrente et à la hauteur des besoins.
  • La précarité des personnels de l’ESR est devenue la norme et le mode de fonctionnement normal de nos établissements. Les vacataires sont toujours payé·es sous le SMIC et la mensualisation garantie par la LPR toujours pas effective, malgré nos relances successives du Ministère. Les contractuel·les deviennent plus nombreux·ses que les titulaires. Pour SUD éducation et SUD Recherche, il faut titulariser tou·tes les contractuel·les qui le souhaitent. 
  • Comme tou·tes les agent·es publics, nous subissons un gel des salaires inacceptable depuis plus de 20 ans et la seule marge de manœuvre réside dans des régimes indemnitaires inégalitaires et qui induisent notamment des discriminations de genre. Pour nos organisations, il faut abroger le RIPEC et le RIFSEEP, revaloriser l’indiciaire par l’attribution de points supplémentaires et garantir l’égalité salariale femmes/hommes. 
  • Toutes ces crises de l’ESR dégradent les conditions de travail de tou·tes les collègues, leur font perdre le sens de leur travail et mettent en danger leur santé. Il est temps que les établissements et le ministère en prennent la mesure en garantissant le droit à la santé et la sécurité des agentes et des agents, notamment en redonnant des moyens à une médecine du travail à l’heure actuelle exsangue et en construisant les mesures de préventions et de protection.

Les ministres passent, mais les personnels de l’ESR restent et continuent de subir des conditions de travail, de formation et de recherche dégradées. La colère exprimée lors de la journée de mobilisation et de grève le 5 décembre dernier saura se faire entendre de nouveau si le ministre et ses donneur·euses d’ordre n’y répondent pas.