Au printemps dernier, le Ministre de l’Éducation nationale faisait parvenir à tous les DASEN les conclusions d’un rapport de l'Inspection Générale de l’Éducation, du Sport et de la Recherche (IGÉSR), portant sur « L’organisation, le fonctionnement et l’évaluation des effets des réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté ».
La recommandation n°1 de ce rapport appelle à « redéfinir la place du RASED dans le cadre d’une nouvelle circulaire ministérielle ». Or, à ce jour, les organisations représentatives des professionnels des RASED (associations et syndicats) n’ont pas été consultées et le rapport n’a pas été porté à la connaissance du public.
Bien que reposant sur des entretiens avec des personnels d’une quinzaine de départements seulement et sur des questionnaires envoyés aux DASEN, ce rapport se veut « suffisamment documenté pour pouvoir énoncer un certain nombre de pistes d’évolution souhaitable » afin d’adapter les RASED à une école plus « inclusive ».
Le rapport se termine par une liste de 11 recommandations censées s’appuyer sur les constats qu’il détaille mais qui semblent davantage relever d’une commande ou d’une orientation ministérielle prise de longue date, ayant pour résultat d’altérer considérablement le rôle et les missions des RASED.
Si les inspecteurs généraux pointent une reconnaissance des RASED largement partagée tant par les enseignants que par les familles, aucune conclusion n’est tirée de cette « image positive et motivante » !
Les inspecteurs généraux tirent, d’observations parcellaires et de propos rapportés, des hypothèses puis des conclusions parfois sans aucun lien de cause à effet.
Ce qui leur permet, par exemple, de recommander aux inspecteurs un pilotage qui s’apparente davantage à un contrôle serré des équipes, pour toujours plus de rendement : une politique du chiffre plutôt qu’une « école de la confiance », tellement prônée par notre ministre !
Le rapport s’attaque ensuite frontalement aux pratiques des professionnels des RASED, en dénonçant les aides directes apportées aux enfants hors de la classe, sans évoquer une seule fois les fondements qui motivent les enseignants spécialisés à proposer l’aide la plus adaptée aux besoins de l’élève (individuelle ou en groupe, dans ou hors la classe).
De même, si la mission d’inspection note « une implication réelle des RASED aux côtés des enseignants », c’est pour immédiatement privilégier la fonction de personne-ressource au détriment des autres missions.
Sans argumentaire convaincant, il est aussi reproché une trop grande séparation entre les aides relationnelles et pédagogiques, le rapport invitant « à une réelle porosité entre ces approches », indifférenciation que nous dénonçons avec vigueur depuis la refonte de la formation de l’enseignement spécialisé de 2017 (CAPPEI).
Plus loin, l’IGÉSR relève l’absence d’enseignants spécialisés dans certains territoires, ou évoque des enseignants « désorientés, débordés, [manquant]de moyens » … mais n’en tire aucune conclusion en termes de moyens humains, diminués drastiquement d’un tiers depuis 2008 !
Rappelons aussi qu’à la rentrée 2020, 1463 postes de RASED étaient vacants ou occupés par des personnels non formés.
On notera par ailleurs que les conclusions de ce rapport n'évoquent pas les psychologues de l’Éducation nationale, composante à part entière des RASED.
Serait-il déjà acté qu'il n'y aura plus que des enseignants « spécialisés » polyvalents d'un côté et des psychologues de l'autre... mais plus de RASED ?
Nous ne sommes pas dupes : sous prétexte d’école inclusive, ce rapport dessine des orientations visant à modifier profondément la place, le rôle et les missions des professionnels des RASED, poursuivant une logique économique destructrice, avec le fameux triptyque :
- Effacer ou indifférencier les spécialisations (pédagogiques ET relationnelles) ;
- Cantonner les enseignants spécialisés dans le rôle de « personne-ressource », tels des « experts-pompiers » ... malléables, flexibles et polyvalents ;
- Supprimer les aides directes au plus près des élèves, au profit d’un saupoudrage
d’aides indirectes.
Le Collectif national RASED, réuni ce jour en assemblée, réclame de toute urgence une audience à Monsieur le ministre de l’Éducation nationale afin de rendre compte de ses positions sur le rapport de l’IGÉSR et d’obtenir des clarifications sur ses intentions.
Paris, le 25 novembre 202