Dans son discours devant l’Assemblée nationale, le Premier ministre Édouard Philippe annonçait que les élèves du lycée professionnel faisaient partie des élèves « prioritaires » pour le retour en classe, car plus à risque face au décrochage. Alors qu’en est-il des 650 000 élèves de la voie professionnelle ?
Un nombre d’élèves décrocheurs qui a explosé pendant le confinement
Cette crise a mis au jour les fragilités sociales et scolaires des élèves de lycée professionnel : pour une majorité des élèves, le travail en autonomie à la maison était impossible. Les chiffres concernant le décrochage pendant et après la période de confinement sont largement sous-estimés. Aux difficultés de travailler des gestes professionnels à distance sans matériel, ni professeur, s’est ajouté un accès très inégal au numérique.
Pour les personnels, les difficultés à « suivre » leurs élèves à distance pendant le confinement se sont additionnées, en plus d’une situation déjà intenable au quotidien. L’application à marche forcée de la réforme de la voie professionnelle a fragilisé et a perturbé l’organisation des lycées professionnels. La réorganisation en famille des métiers représente une difficulté supplémentaire pour l’orientation à distance des élèves cette année. Les inquiétudes des enseignant-e-s au sujet de l’obtention des diplômes de leurs élèves ainsi que les possibilités de poursuite d’études sont fortes.
Des inégalités amplifiées par le contrôle continu !
Le ministère de l’Éducation nationale a annoncé le remplacement des épreuves terminales du baccalauréat par les CCF. Lorsqu’il n’y a pas de notes de CCF, les épreuves terminales sont remplacées par la moyenne des 1er et 2d trimestre de terminale.
La question des examens et du recours au contrôle continu et au CCF interrogent. Entre les périodes de PFMP et la période de confinement, les élèves n’ont eu que peu de contact avec les établissements scolaires et leurs enseignant-e-s cette année. Ils et elles n’ont pas bénéficié de véritables temps d’apprentissage scolaire. Les CCF constituent une évaluation trop précoce qui ampute les temps de cours, dont le volume horaire des matières générales a aussi été fortement réduit suite à la réforme de la voie professionnelle. Ce choix de remplacer les épreuves terminales par un contrôle continu conduit les équipes à tenter de « bidouiller » localement afin de ne pas pénaliser les élèves avec une ou des notes qui ne sont pas représentatives du niveau des élèves.
La voie professionnelle : toujours sacrifiée
Cette crise met au jour les limites du projet ministériel d’un enseignement professionnel au service du patronat et de la réduction des coûts qui est induit par les réformes successives (famille des métiers, mixité des publics, réduction drastique de la taxe d’apprentissage, montée en puissance de l’apprentissage, suppression du BEP, qui était pourtant un diplôme qualifiant indexé sur la grille salariale). En fragilisant le fonctionnement des établissements, en mettant en difficultés les personnels, cette politique a accentué les inégalités dont la conséquence, en cette période de confinement, se manifeste par le décrochage massif de nos élèves. L’obtention du diplôme serait sanctionnée par des notes obtenues il y a plusieurs mois. Les inégalités sociales et face au numérique constituent un mur entre les élèves et les établissements scolaires de la voie professionnelle. Le peu de ressources proposées par le Cned dans le dispositif « Ma classe à la maison » pour les enseignements des filières professionnelles est notable à cet égard.