Le ministre de l’Éducation nationale a prévu d’annoncer prochainement ses mesures concernant la “mixité sociale”, grande priorité de son ministère. Il déclare vouloir combattre les inégalités scolaires mises au jour par les classements internationaux. Ceux-ci montrent que les inégalités scolaires résultent fortement des inégalités sociales et que l’école, en France, ne les réduit pas. Or la “mixité sociale” telle que l’entend le ministre s’apparente davantage à des cadeaux à l’enseignement privé et à un abandon de l’éducation prioritaire.
Que sait-on des futures annonces de Pap Ndiaye?
Pap Ndiaye prévoit de revoir la sectorisation des collèges et de créer des binômes de collèges à partir des expérimentations parisiennes ou toulousaines. Or les personnels qui ont subi ces expérimentations en font un constat très négatif. D’abord, à Paris, à moyens constants, la mise en place des secteurs multi-collèges ont davantage ressemblé à un plan de communication qu’à une politique de réduction des inégalités. Les modalités de montée alternée, de spécialisation et de fusion d’établissements ont largement dégradé les conditions de travail des personnels et les conditions d’accueil des élèves.
À Toulouse, ce sont deux collèges d’un quartier populaire qui ont fermé et qui ont vu leurs élèves transférer dans différents quartiers de la ville. C’est une désertion des services publics d’un quartier populaire où vivent 16 000 personnes sans collège. Derrière les plans de “mixité sociale”, ce sont les populations des quartiers populaires et les personnels qui sont déplacés et maltraités.
Pourtant le ministre persiste à vouloir créer des binômes de collèges peu éloignés géographiquement mais socialement éloignés plutôt que de donner de vrais moyens à l’éducation prioritaire pour garantir un service public de qualité partout et empêcher la fuite des élèves vers les collèges privés. L’annonce de l’ouverture de seulement 16 sections internationales dans les collèges d’éducation prioritaire est à ce titre très insuffisante.
Pour rendre les établissements d’éducation prioritaire plus attractifs pour les populations plus favorisées qui se tournent vers l’enseignement privé, il faudrait d’abord baisser le nombre d’élèves par classe, recruter des personnels à hauteur des besoins et financer véritablement l’offre de formation.
Les choix du ministre au sujet de l’éducation prioritaire sont largement contestés par les personnels qui réclament le retour des lycées dans l’éducation prioritaire. Au contraire, dans le cadre de la refonte de la carte de l’éducation prioritaire prévue pour 2024, le ministre veut favoriser l’entrée des écoles et établissements ruraux dans l’éducation prioritaire. Or la dernière enquếte de la DEEP montre que la ruralité ne semble pas avoir d’impact en soi sur les résultats des élèves mais plutôt sur leurs choix d’orientation. Les écoles et collèges ruraux défavorisés relèvent d’ailleurs déjà de l’éducation prioritaire.
Enfin, la grande gagnante de la future politique de “mixité sociale” du ministre sera l’école privée. Un protocole d’accord avec l’enseignement catholique sous contrat est en cours de négociation. Alors que la publication des Indices de Positionnement Social des collèges et des lycées montrent de grandes inégalités sociales entre les élèves du public et du privé, le ministre entend “exiger du privé sous contrat qu’il favorise la mixité sociale des élèves” en accueillant davantage d’élèves de milieux défavorisés. Pour l’encourager, il s’agira d’alléger les coûts de la scolarité dans le privé, par exemple le coût de la cantine en attribuant les mêmes aides sociales des collectivités territoriales pour les familles qui scolarisent les enfants dans le privé et d’attribuer des bonus financiers aux établissements privés qui accueillent un public mixte socialement.
Alors que l’enseignement privé est déjà financé à 73% par l’argent public, le ministre prévoit de le financer encore davantage par le biais de sa politique de “mixité sociale”. C’est une instrumentalisation de la lutte contre les inégalités au profit de l’enseignement privé.
L’Éducation nationale organise et finance la ségrégation scolaire : lorsqu’un collège favorisé est situé près d’un établissement défavorisé, dans 85% des cas c’est un établissement privé. Ainsi la présence de l’établissement privé nuit à la mixité sociale.
Au contraire SUD éducation revendique :
-
des moyens aux écoles et collèges de l’éducation prioritaire,
-
le retour des lycées dans l’éducation prioritaire,
-
la socialisation des établissements privés.
La “mixité sociale” est une vitrine, mobilisons-nous pour l’égalité sociale !