Le ministre Blanquer a annoncé en grande pompe des prétendues “consultations” amenées à se tenir dans les académies en amont des états généraux du numérique les 4 et 5 novembre prochains à Poitiers. Le ministre continue ouvertement à se féliciter d'une prétendue “continuité pédagogique et administrative” durant le confinement et la période qui l'a suivi, dont SUD éducation dresse au contraire un bilan catastrophique.
Le sous-équipement des personnels, les dysfonctionnements massifs des infrastructures informatiques dans l'Éducation nationale au moment où le besoin était le plus pressant sont un constat largement partagé par les personnels. Au-delà, l'injonction à aller toujours plus avant dans la présence du numérique à l'école revêt un enjeu important. C'est pour le ministre Blanquer un moyen de s'attaquer à ce qui fait la professionnalité des enseignant-e-s, la pédagogie, et un moyen pour tout le gouvernement de faire entrer de plus en plus massivement les entreprises multinationales à l'école pour se partager un marché colossal, sans aucune considération pour les enjeux écologiques.
Les enjeux pédagogiques : un alibi au service des orientations libérales du ministère
Le numérique pédagogique s’est imposé à toute la profession à partir du confinement sans qu’elle ait eu le temps d’une réflexion sur son usage, ses conséquences et les limites inhérentes. Le ministre Blanquer a répété continuellement “tout est prêt”. Pourtant, les problèmes techniques se sont vite multipliés montrant là l’impréparation totale du ministère, obligeant les collègues à se saisir rapidement de moyens de faire classe, sans pour autant les protéger. Mais comment faire cours derrière son ordinateur ? Quels sont les moyens à disposition ? Permettent-ils d’avoir une pédagogie coopérative et émancipatrice ?
L’usage du numérique - d’autant plus s’il se veut émancipateur - ne s’improvise pas. Il faut appréhender les difficultés, connaître les différents outils et leurs fonctionnalités, réfléchir à différents moyens de pallier à l’absence du vivant, du réel dans la relation pédagogique. La précipitation imposée n’a pas permis de créer un espace de discussion au sein des équipes, de réflexion pour chaque collègue qui a dû bricoler du mieux qu’il ou elle pouvait. Pire, elle a même conduit les personnels, contraints de trouver des solutions fonctionnelles hors des outils proposés par l’institution, à se tourner vers les solutions propriétaires des grandes entreprises transnationales du numérique parmi lesquelles Google et Microsoft par exemple. Or c’est avec ces mêmes entreprises, qui ciblent particulièrement ce qu’elles appellent le marché de l’éducation, que le ministère et les universités passent de juteux contrats.
Aujourd’hui, Blanquer cherche à capitaliser sur le travail des collègues pour penser le numérique à l’école. Si le numérique ne peut remplacer la réalité de notre métier, il n’en reste pas moins une dimension importante, ne serait-ce que parce que nos élèves l’utilisent quotidiennement. Il faut donc se saisir de ce moment pour entamer une réflexion de fond sur l’usage pédagogique du numérique en classe et en dehors, pour qu’il soit une aide et non pas barrière à nos pratiques pédagogiques, qu’il soit à la fois émancipateur et coopératif.
Le ministère ne prend pas en compte les impératifs écologiques
La question de l’usage du numérique en pédagogie se double d’une question écologique. L’empreinte environnementale du numérique ne cesse de s’accroître. Le numérique est responsable de 4 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre, dont un quart sont dues aux centres de données, 28% aux infrastructures réseau, et près de la moitié aux équipements des consommateurs tels que les smartphones, tablettes et micro-ordinateurs.
L'école ne fait pas exception. On ne compte plus les divers “plans numériques” qui se sont succédé, conduisant à l'achat de matériels périssables tels que des tablettes, des TBI (souvent rendus incompatibles avec les systèmes d'exploitation libres), des micro-ordinateurs de mauvaise qualité achetés dans le cadre de marchés par les collectivités territoriales.
La production de ces équipements produit une quantité importante de gaz à effets de serre (environ 330 kg de CO2 pour un ordinateur portable), et requiert de nombreux métaux rares, dont l'extraction est non seulement polluante, mais également extrêmement dangereuse pour les mineur-euse-s et les populations environnantes. De même, le stockage et le traitement massifs des données dans des centres de données, comme ceux d’Amazon à qui l’Éducation nationale confie la gestion des données liées aux évaluations nationales, consomme une importante quantité d’électricité, encore souvent issue de centrales à charbon.
SUD éducation revendique :
- L’abandon des partenariats des ministères de l’Éducation nationale et de l’Enseignement supérieur et de la recherche avec les GAFAM
- L’utilisation d’outils numériques libres, développés avec le soutien de l’administration, sur des plateformes matérielles prévues pour durer ;
- Le recrutement de personnels titulaires formés à l’entretien et la maintenance des matériels en nombre suffisant ;
- une utilisation raisonnée des outils numérique, construite par les personnels eux-mêmes et non pour répondre aux injonctions ministérielles et aux souhaits du patronat.