Après les rentrées 2020 et 2021 marquées par la persistance de la pandémie, l’absence de protocoles et une précarité étudiante explosive, cette rentrée 2022 se fera une fois de plus dans des conditions dégradées et difficiles tant pour les personnels que les étudiant·es.
73 000 étudiant·es supplémentaires en 2021-2022, plus de 35 000 cette année, soit plus de 100 000 de plus en deux ans dans les établissements de l’ESR. Parallèlement, plus de 1000 postes d’EC ont été supprimés sous le 1er quinquennat Macron. Depuis 2010, la population étudiante a augmenté de 24 % pendant que le recrutement des enseignants-chercheurs (EC) a lui baissé de 45 % ! Ces suppressions de postes enferment les non-titulaires dans une précarité sans fin, dont la LPR entend généraliser le principe, cependant que le taux d’encadrement s’est effondré de 12 % entre 2008 et 2021, avec bien évidemment des disparités criantes entre CPGE et universités et des inégalités sociales et territoriales. Bref, un enseignement supérieur à deux vitesses qui se structure et s’enracine de plus en plus, entre des Licences délaissées ou verrouillées par leur capacité d’accueil et quelques Masters ou formations élitistes à plusieurs milliers d’euros qui concentrent la majorité des financements et des ressources.
Un boom d’étudiant·es prévisible qui va se coupler avec une vague de départs à la retraite de personnels tout aussi prévisible, et donc une crise du recrutement annoncée sur les emplois les moins bien rémunérés. Avec le gel du point d’indice des fonctionnaires pendant vingt ans qui a fait perdre 20 % de leurs ressources aux personnels et un rattrapage famélique de 3,5 %, du point d’indice déjà largement absorbé par l’inflation avant même sa mise en place, les métiers de l’ESR vont attirer de moins en moins. Ainsi, la revendication historique de l’échelle mobile des salaires (indexation des salaires sur l’inflation) reprend aujourd’hui toute son actualité. La paupérisation de nombreux personnels, la précarité structurelle pour les vacataires qui attendent encore la mensualisation promise de leur rémunération, la vétusté des locaux… toutes ces conditions dégradées qui dégradent le service public de l’ESR. Cette précarisation quasi complète du métier a d’ailleurs des conséquences sur l’Education Nationale et la jeunesse dans son ensemble : dans les instituts de formation des professeurs (INSPE), le recours massif aux contractuels (voire au job dating) a définitivement supplanté le recrutement sur concours (désormais repoussé après le M2 et quasi inatteignable dans les conditions actuelles d’études), détruisant toute formation des enseignant.es, qui se retrouvent sans préparation devant les élèves.
C’est dans ce contexte que, loin des préoccupations quotidiennes des personnels et des étudiant·es, le ministère persiste et amplifie sa politique en faveur de quelques établissements d’excellence et sa fétichisation de la performance sur le marché mondial de la recherche. Alors même que le gouvernement chinois ne s’y référera désormais plus, la publication du classement de Shanghai cet été a de nouveau suscité satisfecit et marche forcée vers la marchandisation de l’ESR : classer, quantifier les travaux de recherche pour leur donner une valeur et pour cela évaluer, tout le temps. Des évaluations constantes qui permettent par la suite d’inégales répartitions des moyens.
Alors que tout l’été nous avons vu les conséquences écologiques désastreuses d’un système en crise, le gouvernement a validé sa feuille de route et annoncé l’ampleur des attaques : continuation de la liquidation du droit du travail et de l’assurance chômage, continuation de la fiscalité en faveur des plus riches sous couvert d’efficacité économique au détriment du financement des services publics et de la transformation sociale et écologique. En un mot, faire payer la crise aux salarié·es et poursuivre le démantèlement des services publics dont l’éducation et l’enseignement supérieur. Un choix de société que l’on retrouve dans l’ESR : la suppression du Crédit Impôt Recherche (qui bénéficie à quelques grandes entreprises et n’a aucun bénéfice pour la recherche) permettrait par exemple d’amener toutes les Licences à un financement identique aux CPGE.
Si le gouvernement annonce sa feuille de route, nous devons annoncer la nôtre aussi : une date de mobilisation interprofessionnelle et intersyndicale est à l’ordre du jour pour le jeudi 29 septembre pour défendre nos salaires, nos retraites et nos conditions de travail. Tout le mois de septembre, nous devons aller à la rencontre de nos collègues, organiser partout où c’est possible des réunions, des AG pour discuter et agir. SUD éducation, dans l’ESR comme dans l’ensemble de l’éducation mais aussi en interpro, se mobilisera et agira pour construire le rapport de force large et efficace pour faire aboutir nos revendications.