Paris, le 12 mai 2023
M. le Ministre,
comme vous le savez, l’école fait actuellement l’objet de pressions et de menaces croissantes de la part de groupes d’extrême-droite.
Nous avons pu répertorier un certain nombre de situations inquiétantes à travers l’ensemble du territoire. Certaines d’entre elles sont documentées et ont fait l’objet d’une attention médiatique ; dans d’autres cas les personnels visés ont souhaité que la situation ne s’ébruite pas. Dans tous les cas, cela constitue à notre sens de graves atteintes à la laïcité et en particulier à l‘article 12 de la charte de la laïcité à l’école. Voici quelques éléments de continuité que nous avons pu repérer.
Les auteurs de pressions peuvent aller de l’extrême-droite parlementaire à divers groupuscules d’ultra-droite, même si l’on constate une activité particulière de l’association “Parents vigilants”, faux-nez du parti d’Eric Zemmour, Reconquête !.
En général, ce sont les cours ou activités prévues par des enseignant·es qui sont visées : sorties scolaires, contenus des cours, ateliers et conférences organisées dans les établissements. Les thématiques visées sont toujours les mêmes : la lutte contre les LGBTIphobies et les droits des personnes migrantes.
Le mode opératoire est également bien identifié. Une personnalité d’extrême-droite dénonce sur les réseaux sociaux tel cours ou telle activité, s’ensuit une campagne de harcèlement en ligne, allant parfois jusqu’à la publication du nom et de l’adresse d’enseignant·es visées, et parfois d’un rassemblement.
En tant que syndicats de l’éducation, nous sommes particulièrement inquiets à deux titres.
D’une part, comme nous l’avons déjà écrit ensemble en amont de la campagne présidentielle, nous considérons que l’école doit être un rempart contre toutes les formes d’intolérances et de discriminations, et nous refusons que les activités et enseignements proposées dans les écoles et établissements fassent l’objet de la pression de la part de forces réactionnaires et obscurantistes.
D’autre part, les collègues et communautés éducatives visées sont dans ces situations plongées dans une inquiétude inacceptable. Au-delà, nous sommes inquiets de la montée de la violence des groupuscules d’extrême-droite, et craignons un passage à l’acte dont serait victime un·e de nos collègues.
Nous pensons qu’au-delà d’expressions publiques que vous avez pu avoir et que nous avons actées positivement, il est urgent que l’administration fournisse un cadre précis permettant à ces agissements de cesser et à nos collègues d’être protégés. Par exemple, l’accès à la protection fonctionnelle doit être facilité, les plaintes doivent être systématiquement déposées et les projets éducatifs soutenus par l’ensemble de la chaîne hiérarchique. Il nous semble qu’une circulaire adressée à l’ensemble des échelons hiérarchiques identifiant les risques, la réaction à avoir et les outils institutionnels à déclencher pourrait être le cadre réglementaire adéquat. L’Éducation nationale doit en effet tout mettre en oeuvre afin d’assurer au mieux la protection des agents et de garantir la laïcité des enseignements, y compris dans le cadre de dépôts de plainte, de poursuites judiciaires et de mesures de protection des établissements contre les auteurs·rices de pressions et menaces.
Nous souhaitons avoir une audience auprès de vous à cette fin, dans l’objectif d’un échange de vue et de la définition d’une méthode permettant d’aboutir à une telle circulaire.