Le CSA du 21 janvier était notamment consacré à la prise en charge des AESH par l’État pendant la pause méridienne. À cette occasion, SUD éducation a dressé un bilan de l'école inclusive 20 ans après la loi de 2005.
Mesdames et messieurs les membres du CSA,
Ce CSA se tient à quelques semaines de l’anniversaire de la loi du 11 février 2005 qui prévoit que "le service public de l’éducation assure une formation scolaire, professionnelle ou supérieure aux enfants, aux adolescents et aux adultes présentant un handicap ou un trouble de la santé invalidant”. 20 ans après : où en est-on ?
Un récent rapport de la Cour des comptes dresse un bilan intéressant de certaines réalités de notre système scolaire actuel. S’il constate que le nombre d'élèves handicapé·es accueilli·es à l'école ne cesse de croître – réussite quantitative que SUD éducation salue également –, il répond majoritairement par la négative à l'ensemble des questions qui sont posées au sujet du manque de transformation du système scolaire afin de répondre à l’objectif d’inclusion scolaire, sur la garantie de performance, d’efficacité et d’équité de la politique nationale d’inclusion scolaire, des objectifs de réussite scolaire et d’insertion sociale et professionnelle des élèves en situation de handicap.
Le rapport pointe les difficultés que nous dénonçons depuis des années à SUD éducation : les manques de moyens, de formation, les inégalités territoriales, la question du statut des AESH… Pire que cela, le rapport indique clairement que le ministère de l’Éducation nationale n'est pas en mesure de suivre la trajectoire des élèves en situation de handicap de manière satisfaisante, ni de mesurer leurs résultats ou leur bien-être.
Les conséquences sont désastreuses et le Ministère en porte la responsabilité. Une partie des personnels voient à présent l’école inclusive comme une dégradation de leurs conditions de travail et certain·es sont de plus en plus séduit·es par des discours et des revendications validistes et réactionnaires de mise à l’écart des élèves handicapé·es.
Le texte présenté aujourd’hui pour avis aux organisations syndicales met au jour l’incapacité du ministère à engager une politique d’inclusion scolaire globale et cohérente. Ce texte clarifie le rôle de chacun dans un contexte où les collectivités territoriales et l’Éducation nationale se renvoyaient la balle, y compris devant les juges administratifs, pour savoir qui était responsable de la prise en charge des élèves, néanmoins il n’est suffisant ni pour améliorer véritablement les conditions d’accès à l’école des élèves en situation de handicap ni pour sortir les personnels AESH de la précarité dans laquelle les maintient l’Éducation nationale.
Le ministère de l’Éducation nationale s’entête à faire l’école inclusive par petits bouts déconnectés les uns des autres en traitant les situations qui lui semblent les plus urgentes, laissant aux personnels une impression d’improvisation constante. Le déploiement de l’école inclusive manque de moyens, on ne cesse de le répéter, mais également de transparence et d’objectifs clairs. Le ministère a choisi d’expérimenter les PAS dans 4 départements à la rentrée 2024 pour une montée en puissance dans 4 autres à la rentrée prochaine : néanmoins le ministère de l’Éducation nationale n’a pas encore été capable de présenter concrètement aux organisations syndicales comment fonctionne un PAS, au moins dans leur expérimentation, comment sont utilisés les 25 postes attribués par PAS à la rentrée 2024 puisqu’il semble que la circulaire du 3 juillet 2024 ne prévoit pas un telle quantité de moyens par PAS. De même, les PAS font l’objet d’une expérimentation sans qu’un véritable bilan des PIAL n’ait été produit : c’est pourtant un impératif.
Il en est de même dans l’ouverture des ULIS : l’objectif d’une ULIS par collège d’ici 2027 sera-t-il atteint ? Quelle stratégie pour ouvrir des ULIS en lycée général et technologique pour lutter contre la surreprésentation des élèves en situation de handicap en lycée professionnel ?
Nous avons la même interrogation concernant les ouvertures d'unités d’enseignement externalisé : alors que l’on considère que les élèves d’IME doivent être scolarisés en milieu ordinaire en UEE, où sont les moyens pour mettre en œuvre cet objectif ? Peut-on encore aujourd’hui se satisfaire que des dizaines de milliers d’élèves n’aient que 6 heures d'école en moyenne par semaine ? Ces inégalités d’accès au droit à l’école sont-elles encore acceptables pour un ministère qui crie haut et fort depuis des années que l’école inclusive est une priorité ?
Enfin, comme le répète souvent SUD éducation, les dispositifs de gestion des moyens ou les dispositifs éducatifs ne suffisent pas, il faut agir pour transformer les conditions d’étude en classe, c’est pourquoi SUD éducation porte la mise en oeuvre d’une véritable formation initiale et continue qui permette aux personnels de construire un enseignement accessible à tous les élèves et de transformer le regard qu'ils et elles portent sur le handicap mais également le regard qu'ils et elles portent sur leur métier. Il ne peut y avoir d’école inclusive dans une école qui valorise la compétitivité et qui fixe des normes sans prendre en compte celles et ceux qui ne peuvent s'y conformer. L’école pour toutes et tous doit avoir à cœur les principes d'émancipation et de justice sociale et les pédagogies qui les portent.
Cette refonte de la formation continue ne peut se faire sans l’assentiment des personnels et en dégradant leurs conditions de travail. Le ministère a beaucoup à faire pour regagner la confiance des personnels : il est temps d’aider les personnels dans leurs missions et non de les acculer en exigeant plus que ce dont ils sont capables.
D’autres pays ont ainsi trouvé des solutions pour permettre aux personnels de mieux adapter l’école aux besoins des élèves en baissant le nombre d’élèves par classe lorsqu’un ou plusieurs élèves en situation de handicap y sont scolarisés par exemple, ou encore par l’intervention en classe d’enseignant·es spécialisé·es en plus de l’enseignant·e déjà présent·e.
En France, nous avons la chance de voir intervenir des personnels AESH, des personnels qui, malgré la grande précarité qu’elles subissent, font tenir l’école inclusive debout. Leurs conditions de travail et leurs salaires constituent un scandale. Quoi qu’en dise le ministère, leur salaire reste trop bas et ce ne sont pas les soi-disant revalorisations ni l’accompagnement des élèves sur le temps du midi qui permettront d’améliorer la situation.
Il faut un statut de la fonction publique pour ces personnels, c’est indispensable. Nous avons la chance de pouvoir faire de l’accompagnement des élèves en situation de handicap, un vrai métier d’éducateur ou d’éducatrice spécialisé·e en milieu scolaire capable d’accompagner les élèves en situation de handicap dans leur scolarité et d’appuyer les enseignant·es dans les adaptations pédagogiques à mettre en place.
SUD éducation appelle l’ensemble des personnels à soutenir les revendications des personnels AESH et à se mobiliser pour gagner une véritable école inclusive. Notre organisation syndicale est prête à participer à toutes les concertations qui permettront de construire une stratégie ambitieuse pour l’école inclusive, c’est pourquoi nous regrettons que la promesse de l’ex-ministre Gabriel Attal d’inviter les organisations syndicales représentatives au comité national de suivi de l’école inclusive n’ait jamais jamais été tenue.
Pour conclure, SUD éducation souhaite le réaffirmer avec force : il n’y a pas d'élève inadapté·e à l’école, il n’y a qu'une école inadaptée à l’accueil de toutes et tous et il est urgent que la France respecte le droit international - la Convention internationale des droits des personnes handicapées qu'elle a pourtant signée - et les droits de l’homme sur la question du handicap.