Il y a 80 ans, en mai 1944, les déporté·es enfermé·es dans le camp des familles dites tziganes d'Auschwitz Birkenau et désigné·es comme prisonnier·es Z sont averti·es que leur liquidation est programmée pour le 16 mai 1944. Le jour dit, les prisonnier·es Z, armé·es de bêches, haches, pieds de biche et montants de lits, refusent de sortir des baraques et défendent aux nazis d'y entrer. Malheureusement, quelques mois plus tard, le 2 août 1944 le plan d'élimination était mis en œuvre et 4 000 rroms, principalement des femmes et des enfants, étaient assassiné·es par les nazis.
Alors qu’aujourd’hui des groupes de personnes sont stigmatisées en raison de leurs origines ou religion –supposées ou réelles– à la fois par l’État, des partis et personnalités politiques de droite et d'extrême-droite et par les médias, l'anniversaire de cette “révolte des Tziganes” du camp d'Auschwitz Birkenau nous donne l’occasion de rappeler ce que les politiques qui véhiculent du racisme produisent et à quel point les personnes rroms sont victimes de discriminations et persécutions en France. Ces discriminations concernent l'accès aux droits fondamentaux que sont le logement, la santé, l'éducation. Ainsi, une personne rrom a aujourd'hui en Europe une espérance de vie inférieure en moyenne de 10 ans (9 ans pour les hommes, 11 ans pour les femmes) à celle de la population en générale. Dans son dernier rapport, la Défenseure des droits indiquait être régulièrement saisie pour des refus de scolarisation concernant des enfants rroms, refus qui se font souvent sous le prétexte d'un logement ou hébergement non stable même si les textes réglementaires stipulent que, concernant l'hébergement, une attestation sur l'honneur suffit à inscrire un enfant à l'école (décret du 29 juin 2020 obtenu notamment grâce à l’action du collectif « Une école pour tous » dont l’avocate française rrom Anina Ciuciu est la marraine).
Concernant les persécutions, régulièrement des bidonvilles rroms –bidonvilles qui, il faut le rappeler, ne sont pas un choix d'habitat mais une solution d'auto organisation autonome de survie– sont victimes d'incendies criminels. Régulièrement, des enfants meurent dans ces incendies comme Mélissa 8 ans à Bobigny en 2013 et d'autres enfants dont on ne connaîtra jamais les noms mais qui sont morts dans des camps incendiés à Lille, Carrière sous Poissy.... La liste des incendies criminels ces dernières années est longue : Massy dans le 91, La Fauceille dans le 66, Limoges... des centaines d'incendies ont lieu chaque année pour lesquels de véritables recherches de responsabilité n'ont même pas vraiment lieu. De toute façon, ne permettre à des êtres humain·es d'autre choix pour vivre que d'établir des campements de fortune dans des lieux pollués ou reculés ou dangereux tels des bords d'autoroutes, est criminel en soi. Une fois de plus le lien entre racisme d’État et racisme diffusé et banalisé socialement est étroit. État qui, en 1912, a instauré une pièce d'identité spécifique, le carnet anthropométrique d'identité, qui obligeait les personnes dites nomades à être photographiées et mesurées en différents points de leur corps de façon humiliante selon la même méthode, celle d'Alphonse Bertillon, qui a servi pour la condamnation de Dreyfus.
En 1940, c'est l'État français qui a permis d'interner les personnes dites tziganes dans des camps d'internement spécifiques en décrétant leur assignation à résidence comme les étranger·ères, tout comme pour les communistes ! C'est aussi l'État français qui est responsable du fait que les nomades soient resté·es jusqu'en mai 1946 enfermé·es dans ces camps où les conditions de vie étaient terribles, soit un an après la fin de la guerre ! Si, en Allemagne, l'objectif était l'élimination physique de toutes les personnes dites tziganes, en France, les persécutions et cet internement ont été motivées principalement par un objectif : contraindre les personnes nomades à se sédentariser et à abandonner les caractéristiques de modes de vie non reconnus et combattus car échappant au contrôle de l’État.
La volonté d'éliminer symboliquement des catégories de personnes de la société, de leur interdire visibilité, organisation et mode de vie différents est une spécificité française qui fait aujourd'hui comme hier le terreau du racisme et du fascisme. Il est intolérable qu’il soit permis que des êtres humain·es soient désigné·es et perçu·es comme « Autres » et ne jouissent pas des mêmes droits que tout le monde.
Les personnes et catégories de personnes minorisées ont souvent dû gagner par la lutte leur droit d'exister et de vivre sans être discriminées. La mémoire de toutes les résistances tout comme celle de toutes les persécutions est importante. En tant que syndicat de l'éducation, nous nous devons donc de la diffuser afin de lutter pied à pied contre toutes les formes de discriminations. Concernant les rroms, comme pour les mineur·es non accompagnée·es, nous sommes en tant que personnel·les de l’éducation en première ligne tant leur droit à la scolarisation est bafoué en France.
SUD éducation à organiser collectivement, avec les premièr·es concerné·es, la lutte pour la scolarisation des enfants rroms