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L’écoféminisme que nous défendons se veut anticapitaliste, radical et décolonial. Il permet de faire le lien entre l’exploitation de la planète, des ressources naturelles, des corps des femmes, des travailleurs·ses et des corps racisé·es, le capitalisme, les violences faites aux femmes et le néo-colonialisme. Il ne s’agit pas d’une vision essentialiste de la femme qui serait forte parce qu’elle donne la vie et que c’est naturel pour elle de s’occuper des autres et de la nature (pensée qui existe dans certains courants éco-féministe).
Dans les pays du Sud globalisés, ce sont les femmes qui subissent de plein fouet les conséquences du changement climatique de la destruction des écosystèmes, engendrées par les projets « coloniaux, capitalistes, mortifères, patriarcaux » (Myriam Bahaffou). En cas de catastrophe naturelle, « les décès chez les femmes sont jusqu’à quatorze fois plus élevés », relève Médiaterre.
Ce sont elles aussi, les travailleuses précaires de l’agriculture, la main-d’œuvre pas chère que la révolution verte a ignorées. Sans accès aux machines, aux formations, aux prêts, au matériel, leurs exploitations sont plus modestes que celles des hommes, et elles dépendent plus qu’eux des ressources naturelles. Ce sont toujours les femmes qui parcourent des distances de plus en plus grandes, à cause des sécheresses à répétition et de la déforestation, pour aller chercher l’eau ou le bois nécessaires au foyer. Garantes de la sécurité alimentaire de leur famille, ce sont les premières touchées par la famine.
C’est de l’urgence climatique que naît le mouvement dans les années 70-80 en Inde, notamment autour de la lutte de Vandana Shiva. Cette physicienne et philosophe s’est opposée à l’agriculture intensive et la pollution chimique qui mettaient en danger la santé, les villages et les communautés. Dans ce cadre, elle s’est battue contre la privatisation de l’eau sur les barrages sur le Gange.
Dans son premier livre, Staying alive, elle théorise sa réflexion sur le développement, l’écologie et le genre et ainsi montre que le modèle occidental d’essor technologique et économique, fondé sur l’exploitation des femmes et de la nature, conduit l’humanité sur la voie de l’autodestruction.
Parallèlement en France, Françoise d’Eaubonne milite activement dans les lutte anti-nucléaire (participation au sabotage de la centrale nucléaire de Fessenheim) et anime au sein du MLF le groupe « Ecologie et féminisme ». Dans son livre, elle développe le concept d’écoféminisme et en crée le terme. Dans les années 1980, des féministes anglo-saxonnes, principalement aux USA, mènent également des luttes anti-nucléaire, dont l’action la plus spectaculaire est la Women’s Pentagon Action.
C’est alors le début de la théorisation occidentale du mouvement écoféministe qui n’est jusqu’à lors pas revendiqué comme tel dans les pays du Sud global.
Jusqu’à aujourd’hui, il existe des luttes écoféministes comme les actions du collectif Les bombes atomiques dans la lutte antinucléaire de Bure. Malgré la répression, la résistance et la lutte s’y organisent toujours.
« Ce ne sont pas nos exfoliants maison qui amélioreront le sort des paysannes indiennes, ni nos lombricomposteurs qui reconfigureront un système patriarcal et capitaliste destructeur. » Myriam Bahaffou
De nombreuses figures de luttes qu’on pourrait qualifier d’écoféministes se battent dans leur pays contre l’extractivisme en mettant en lumière l’exploitation des femmes racisées, qui en sont les premières victimes.
Parmi elles, beaucoup de très jeunes filles ont été invisibilisées par les médias et les gouvernements, contrairement à la Suédoise blanche Greta Thunberg dont on reconnaît l’importance du combat :
- Autumn Peltier qui milite dès l’âge de 7 ans, en 2013 dans une réserve au Canada pour l’accès à l’eau (qui est à la charge des femmes) et la défense des peuples premiers
- Vanessa Nakate, Ougandaise qui dénonce les conséquences de l’exploitation des pays d’Afrique par les pays occidentaux.
- Licypriya Kangujam a commencé à militer elle aussi à l’âge de 7 ans contre la pollution de l’air en Inde. Elle fait campagne en 2020 pour rendre obligatoires les cours sur le réchauffement climatique dans les écoles et obtient gain de cause auprès du gouvernement.
Pour conclure, comme le montre Silvia Federici dans Caliban et la sorcière, les hommes dominants contrôlent le corps des femmes, des travailleurs et des travailleuses et la Terre. Dans la société capitaliste, patriarcale et coloniale, on exploite la nature et ses ressources naturelles, le corps des femmes et plus particulièrement celui des plus précaires dans le monde.
BIBLIOGRAPHIE ÉCOFÉMINISME
Livres
- Myriam BAHAFFOU, Feu ! Abécédaire des féminismes présents, Libertalia, article « Écoféminisme radical »
- Françoise D’EAUBONNE, Le féminisme ou la mort, 1974 ; rééd. 2020, Le Passager Clandestin, préface de Myriam Bahaffou et Julie Gorecki
- Silvia FEDERICI, Caliban et la sorcière, Entremonde
- Emilie HACHE, Reclaim, Cambourakis, 2016
- Vandana SHIVA et Maria MIES, Ecoféminisme, Harmattan
- Vandana SHIVA Staying alive, Zed Books (en anglais)
- Eau et féminisme, petite histoire croisée de la domination des femmes et de la nature, coord par Lia MARCONDES, La Dispute, 2011
- Paula ANACAONA, AMARAL Claudia, Solitude la flamboyante, Anacaona Éditions, 2020
Articles
- Nora BOUAZZOUNI, “Comment l’impératif écologique aliène les femmes”, Slate http://www.slate.fr/story/180714/ecologie-feminisme-alienation-charge-morale
- Jeanne BURGART GOUTAL, « L’écoféminisme et la France : une inquiétante étrangeté ? », revue Cités 2018/1, n° 73
Podcasts
- L’Afro-écologiste, « la chaîne qui parle d’écologie et de véganisme d’un point de vue décolonial et afro-centrique. » https://anchor.fm/afroecologiste
- Charlotte BIENAIMÉ, Un podcast à soi, « Écoféminisme, 1er volet : défendre nos territoires », « Écoféminisme, 2ème volet : retrouver la terre » https://www.arteradio.com/son/61662635/ecofeminisme_1er_volet_defendre_nos_territoires_21
https://www.arteradio.com/son/61662820/ecofeminisme_2eme_volet_retrouver_la_terre_22
- Rokhaya DIALLO et Grace Ly, Kiffe ta race, épisode #77 « Véganisme, écoféminisme… des trucs de Blanc·hes ? » https://www.binge.audio/podcast/kiffetarace/veganisme-ecofeminisme-des-trucs-de-blanc%25c2%25b7hes
Collectifs
- Les bombes atomiques, Collectifs féministes et antinucléaires https://bombesatomiques.noblogs.org/