Pour consulter la brochure n°92 - Changer l'école, pas le climat ! - cliquez-ici.
Parmi les 7 milliards de repas servis chaque jour dans des restaurants collectifs, 33,7% sont servis dans le cadre scolaire et universitaire. L’alimentation est un enjeu central de la reconversion écologique et sociale de la société. Il faut changer radicalement de mode d’approvisionnement, transformer nos pratiques alimentaires et lutter contre le gaspillage. Néanmoins, on s’aperçoit que sur le terrain, nombre de cantines scolaires et universitaires sont très en retard et n’ont pas engagé les transformations nécessaires. Les cantines scolaires et universitaires dépendent des collectivités territoriales et des CROUS, la politique de territorialisation des missions de services publics (la restauration scolaire) renforce les inégalités sociales, car les moyens des collectivités comme des CROUS sont très hétérogènes. Les collectivités ou les CROUS les plus pauvres ne parviennent pas à mettre en place une politique ambitieuse de transformation écologique des services de restauration, faute de moyens. Trop souvent, la reconversion écologique des cantines repose sur le volontarisme et l’engagement de quelques membres du personnel sensibilisés aux enjeux environnementaux. Ces personnes se battent pour proposer une alimentation plus écologique alors qu’il faut une politique publique volontariste pour impulser partout ces transformations.
Quel impact environnemental pour les cantines scolaires et universitaires aujourd’hui ?
Evaluer le coût environnemental du gaspillage alimentaire
En 2018, l’ADEME (l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie) a dénoncé la situation des cantines scolaires : un établissement scolaire jette en moyenne 44 kilos de nourriture à chaque repas, soit 115 grammes par plateau. Ce sont les aliments dont l’impact énergétique est le plus important qui sont les plus jetés (la viande, le poisson). L’Ademe montre également que le gaspillage est moins important lorsque les repas sont préparés sur place que dans les cuisines centrales. Par ailleurs, les cantines centrales génèrent énormément de déchets liés à l’emballage des plats qui seront ensuite transportés et réchauffés dans les établissements scolaires. Cela induit aussi des trajets supplémentaires et donc une pollution supplémentaire pour ces repas. L’Ademe estime le coût du gaspillage à 0,27 euro par repas dans les écoles, et cette somme s’élève à 0,36 euro par repas au collège.
En finir avec l’agriculture industrielle intensive
L’éducation à l’alimentation et le développement d’une alimentation issue des circuits courts est un enjeu primordial pour garantir notre santé, celle des élèves et pour agir contre la crise environnementale. Il faut relocaliser l’agriculture. La plupart des produits servis dans les cantines sont issus de l’agriculture industrielle, qui entraîne la déforestation de nombreuses zones de la planète détruisant des réserves de carbone, une pollution des sols et des nappes phréatiques à cause de l’utilisation de pesticides et impacte fortement la santé des agriculteurs·trices et de leur famille.
La France est le troisième consommateur de pesticides dans le monde. Par ailleurs, la filière élevage prise dans sa globalité est responsable, selon les sources, de 14,5 à 51% des émissions de gaz à effet de serre. Et les ONG s’accordent à dire que l’agriculture industrielle conventionnelle est responsable de près de 50% des émissions mondiales de gaz à effet de serre. L’utilisation des énergies fossiles pour le transport des marchandises aggrave ce coût environnemental.
Loi Egalim : une loi peu ambitieuse et sous-appliquée !
La loi « Équilibre dans le secteur agricole et alimentaire » (Egalim) adoptée le 1er novembre 2018 prévoit, à partir du 1er janvier 2022, une obligation pour les cantines scolaires d’introduire un minimum de produits bio et de qualité. Celle-ci a été amendée et renforcée par la loi AGEC en février 2020, puis par la loi Climat et Résilience, publiée en août 2021. La loi EGALIM comprend 5 mesures qui ciblent la restauration collective d’établissements en charge d’une mission de service public (source Ademe) :
“La diversification protéique, visant à promouvoir la diversité alimentaire et à réduire les impacts environnementaux de l’alimentation, par le biais d’une alimentation plus végétale” : dans ce cadre, les cantines doivent proposer au moins une fois par semaine un menu végétarien. De plus, à compter du 1er janvier 2023, les collectivités doivent proposer au moins un repas végétarien quotidien si plusieurs menus sont proposés. Un repas végétarien a une empreinte environnementale 4 fois inférieure à un repas comprenant de la viande bovine. Par ailleurs, le Programme National Nutrition Santé recommande de diminuer la consommation de viande et de charcuterie pour aller vers une alimentation plus riche en végétaux. Selon Greenpeace, en 2020, 73 à 89% des villes proposaient dans leur cantine un menu végétarien hebdomadaire dans les cantines contre 59% des collèges et 52% des lycées.
“Des produits de qualité et/ou durables dans les assiettes, pour améliorer la qualité et durabilité des produits servis en restauration collective, et contribuer à la structuration de filières plus durables” : les restaurations scolaires ont pour obligation d’avoir, au 1er janvier 2022, à minima 20% de produits bio et à minima 50% de produits répondant aux autres critères (issus du commerce équitable, label rouge, AOP, IGP), et 100% pour les viandes et poissons.
Les objectifs d’au moins 20 % de bio dans la restauration collective pour 2022 ne pourront être atteints faute de moyens suffisants. Nous n’en sommes respectivement qu’à 4,5% en 2020 !
“L’information des convives et l’affichage, afin d’engager les restaurants vis-à-vis de leurs convives et de contribuer à la sensibilisation de ceux-ci quant aux actions mises en œuvre”
“L’interdiction de certains contenants ou ustensiles en plastiques, afin de limiter les risques sanitaires et de réduire les quantités de déchets” : on peut exiger des restaurations scolaires publiques la suppression totale de l’utilisation du plastique à compter du 1er janvier 2025.
“La lutte contre le gaspillage alimentaire, afin de réduire les déchets et les coûts associés au gaspillage”.
Ces 5 mesures cibles constituent une évolution sur laquelle s’appuyer, néanmoins on remarque que l’État n’a pas mis en œuvre les moyens nécessaires pour les appliquer, la situation reste très hétérogène selon les cantines et les personnels doivent se mobiliser pour obtenir des avancées.
Quelles possibilités d’action collective ?
Des interpellations : motions et courriers des personnels !
La loi Egalim est peu ambitieuse, néanmoins nous pouvons l’utiliser pour mettre l’État et les services décentralisés face à leurs responsabilités et pour mobiliser les personnels.
La loi prévoit en effet des modalités de contrôle des produits proposés dans les restaurations collectives dont on peut se saisir pour mener des actions collectives sur le terrain.
La loi Egalim énonce que “Les gestionnaires, publics et privés, des services de restauration scolaire et universitaire [...] sont tenus de respecter des règles, déterminées par décret, relatives à la qualité nutritionnelle des repas qu’ils proposent et de privilégier, lors du choix des produits entrant dans la composition de ces repas, les produits de saison. Les règles relatives à la qualité nutritionnelle des repas sont publiées sous la forme d’une charte affichée dans les services concernés.”
Vous pouvez entamer dans un premier temps des demandes de contrôle de la qualité de la nourriture conformément à la loi Egalim. Il est primordial de discuter collectivement avec tous les personnels de l’établissement ou de l’école des doutes que vous pouvez avoir sur la qualité nutritionnelle des repas afin de rédiger des courriers collectifs à votre hiérarchie et à la collectivité territoriale dont dépend votre service de restauration scolaire.
De même, la loi prévoit un accès renforcé à l’information au sujet de la qualité des produits :
“Article L230-2 (Code rural et de la pêche maritime) :
L’autorité administrative compétente de l’état peut, afin de disposer des éléments nécessaires à l’élaboration et à la mise en œuvre de la politique publique de l’alimentation, imposer aux producteurs, transformateurs et distributeurs de produits alimentaires, quelle que soit leur forme juridique, la transmission de données de nature technique, économique ou socio-économique relatives à la production, à l’importation, à la transformation, à la commercialisation et à la consommation de ces produits.”
Utilisons cet article pour exiger d’obtenir les informations quant à la provenance et la qualité des produits consommés dans les cantines scolaires et universitaires.
Des mobilisations collectives !
Le gouvernement refuse de mettre en œuvre les moyens nécessaires pour engager une véritable reconversion écologique de la société. Notre rôle d’organisation syndicale est, d’une part, de dénoncer la vitrine verte de la politique gouvernementale et, d’autre part, de construire des résistances et des propositions sur le terrain pour impulser ce mouvement de reconversion écologique. Les courriers et motions peuvent permettre de construire du collectif pour ensuite organiser des réunions d’information syndicale, des réunions publiques, de contacter la presse, d’organiser des rassemblements…
Pour SUD éducation, il est primordial que les personnels élaborent sur leur lieu de travail leurs revendications. Construisons nos plateformes revendicatives !
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Exemple de plateforme revendicative (n’hésitez pas à utiliser les revendications de SUD éducation)
Pour les cantines scolaires : ...
Pour l’origine des produits servis dans les cantines : ...
Pour les personnels qui travaillent dans les cantines : ...
Les revendications de SUD éducation pour des restaurations scolaires et universitaires agroécologiques
La réduction de la consommation de viande et de poisson, leur remplacement par des alternatives végétariennes et la mise en place, pour les personnels, de formations à la création de menus végétariens.
Le renforcement des filières locales et biologiques dans la restauration scolaire avec pour objectif le 100 % bio, sans hausse du prix du repas pour les familles
La fin des cantines centrales et le retour à des cantines sur site, et la création d’une plateforme mettant en relation les producteurs bio et locaux et les établissements et mairies
La création de postes d’agent·es fonctionnaires pour mettre en œuvre la reconversion écologique dans les cantines.
Modèle de courrier collectif
Objet : bilan loi Egalim et restauration scolaire
Madame/Monsieur le/la Président·e du Conseil régional de [nom],
Madame/Monsieur le/la Présidente du Conseil départemental de [nom]
Madame/ Monsieur le/la responsable de la caisse des écoles de [ville], du SIVU de [localité],
Madame/ Monsieur le/la président·e du CROUS?
Conformément à la loi Egalim du 30 octobre 2018 et de la loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, les personnels de l’école/collège/lycée [nom - ville] s’interrogent de la qualité des repas servis dans le service de restauration scolaire.
[au choix, selon la situation locale]
Nous avons en effet pu constater l’absence de repas végétariens hebdomadaires,
Alors que le service de restauration collective de l’école/collège/lycée/université proposent plusieurs menus, un menu végétarien n’est pas systématiquement proposé.
De même, contrairement aux préconisations de la loi Egalim, les repas servis à la cantine ne respectent pas la saisonnalité ainsi [donner un exemple de repas “hors saison”].
Nous souhaitons connaître la part de produits issus de l’agriculture biologique dans notre service de restauration collective car la loi prévoit un minimum de 20% de produits bio et de 50% de produits d’autres critères (commerce équitable, label rouge, AOP, IGP…) à partir du 1er janvier 2022.
Nous ne disposons pas actuellement d’informations quant à la provenance des aliments consommés dans notre cantine : quelle est la part de produits issus d’une agriculture locale et de circuits courts?
Ensuite, nous avons remarqué que le plastique est encore largement utilisé dans notre service de restauration collective, nous souhaiterions savoir quelle quantité de plastique est utilisée et comment l’administration prévoit de le remplacer.
Enfin, nous souhaiterions connaître le volume moyen jeté à l’issue d’un repas ainsi que le type de produit le plus jeté afin de pouvoir engager des actions de lutte contre le gaspillage alimentaire.
Nous restons disponibles pour échanger avec vos services au sujet du diagnostic que nous sollicitons par le présent courrier auprès de vos services.
Nous vous prions d’agréer notre attachement sincère à la santé de tou·tes ainsi que notre considération pour la reconversion écologique des services de restauration scolaire.
Signature
Motion auprès du Conseil Départemental, de la mairie et/ou du Conseil d’Administration dans le 1er degré et/ou du Président du Crous
Nous personnels de [ l’école/du collège/du lycée/de l’université… ]
La transformation écologique de notre société est un enjeu central dans la situation actuelle de crise climatique que nous connaissons. Le rapport du GIEC sorti en août 2021 doit alerter notre administration et permettre de prendre des mesures fortes pour préserver le climat.
Néanmoins, nous observons dans notre [ école / collège / lycée / université ] que les objectifs portés par la loi Egalim ne nous semblent pas respectés. Nous nous adressons à vos services afin d’obtenir un bilan complet des actions environnementales mises en oeuvre au sein de notre service de restauration scolaire au sujet :
de l’objectif de 20% de produits bio et de 50% de produits de qualité au 1er janvier 2022,
de la lutte contre le gaspillage,
de l’objectif d’amélioration de la qualité nutritionnelle des repas.
Enfin, nous revendiquons :
- La réduction de la consommation de viande et de poisson, leur remplacement par des alternatives végétariennes, et la mise en place de formations, pour les personnels, à la création de menus végétariens.
- Le renforcement des filières locales et biologiques dans la restauration scolaire avec pour objectif le 100 % bio, sans hausse du prix du repas pour les familles
- La fin des cantines centrales et le retour à des cantines sur site, et la création d’une plateforme mettant en relation les producteurs bio et locaux et les établissements et mairies.
Nous restons disponibles pour échanger avec vos services et nous espérons pouvoir rapidement avancer sur ces propositions qui sont des nécessités pour garantir la santé des personnels, des élèves et pour engager notre collectivité dans une démarche écologique et sociale.
Signature