Nous étions invité-es à rencontrer le nouveau DGRH du MESR, Boris Melmoux-Eudes qui a succédé à V. Soetemont en ce début d’année. Pour rappel, la DGRH est commune aux 3 ministères (MESR, MEN, J&S) et nous étions convié-es pour le versant MESR (nos camarades de Sud éduc et de Solidaires J&S ayant dû être reçu-es par ailleurs sur leur périmètres respectifs). B. Melmoux-Eudes arrive à la DGRH après plusieurs années passées au Cabinet de Amélie de Montchalin lorsqu’elle était secrétaire d’État chargée des affaires européennes, puis ministre de la Transformation publique et plus récemment, ministre de la Transition écologique.
Notre délégation était composée de Christine Buisson & Janique Guiramand pour SudRE et de Kevin Le Tétour pour Sud éduc.
- Melmoux-Eudes (BME) était accompagné de Hélène Caplat-Lancry (HCL, Service A2 de la DGRH : Gestion, arrêtés, décrets, pour les carrières des statutaires d’enseignement – Appui et conseil du CNU – Cogestion avec le ministère de la santé des hospitalo-universitaires) et de David Herlicoviez (DH, Service C de la DGRH : service des personnels ingénieurs, administratifs, techniques, sociaux et de santé et des bibliothèques).
Nous avons fait le choix de ne pas « perdre de temps » en abordant des sujets politiques (comme par exemple la réforme des retraites), pour lesquels nous savions que nous n’aurions pas de réponse, mais plutôt de nous focaliser sur des questions plus précises pour lesquelles la DGRH avait toute compétence. Nous nous doutions aussi que le DGRH nouvellement arrivé, n’aurait pas encore saisi toute la complexité de notre secteur…
Le DGRH introduit en indiquant qu’il souhaite un dialogue fluide avec nous sur les différents sujets.
Situation des collègues précaires :
– Mise en œuvre de la mensualisation du paiement des vacations dans les universités :
L’ESR emploie de plus en plus de vacataires[1]. Après des années de luttes des précaires de l’enseignement supérieur et de la recherche, l’article 11 de la Loi de programmation de la recherche (LPR) prévoyait la mise en place d’une mensualisation du paiement des vacations (extrait de l’article L.952-1 du code de l’éducation modifié par la LPR : « La rémunération des chargés d’enseignement vacataires et des agents temporaires vacataires est versée mensuellement ») ; cet article devait entrer en vigueur au plus tard le 1er septembre. Cependant, une note de service de la DGRH, publiée le 4 juillet 2022, semble offrir aux universités la possibilité de ne pas mettre en place cette mensualisation prévue par la loi. En effet elle propose d’en restreindre le périmètre à « une minorité d’agents qu’il convient d’identifier », au motif qu’une « majorité de vacataires (serait) salariée ou retraitée » ; ainsi pour l’administration, il ne serait pas nécessaire de leur appliquer la mensualisation.
D’autre part, la note de la DGRH évoque la règle du paiement « après service fait » qui impliquerait, en pratique, « un délai minimum de deux mois pour les établissements RCE, pour lesquels la DRFIP assure la paie à façon ». Enfin, cette note invite les établissements à octroyer une « rémunération minimale » (à la minorité de vacataires, identifiée préalablement, qui n’est ni salariée ni retraitée), puis à régulariser leur paye en fin de contrat. Nos syndicats pensent que cette note de la DGRH ne peut que freiner la mise en œuvre d’une des très maigres avancées de la LPR que constituait cette mensualisation du paiement des vacataires, en fournissant aux universités toutes sortes de justifications et de méthodes pour ne pas l’appliquer.
HCL répond qu’une précision auprès des établissements sera faite et qu’en ce qui concerne les délais de paiement, elle attend des retours de la DAF (direction des affaires financières) et que si on identifiait des blocages ou dysfonctionnement il ne fallait pas hésiter à les faire remonter.
– De manière plus globale, nous demandons une meilleure prise en compte de la situation des collègues vacataires par le ministère, avec par exemple des éléments plus détaillés les concernant dans le rapport social unique du ministère, et pas juste 3 lignes comme c’est actuellement le cas. Nous rappelons au passage que nous sommes favorables à une véritable contractualisation des vacataires.
– Concernant la revalorisation des contractuel-les, nous rappelons notre demande récurrente que les revalorisations salariales des CDD et CDI qui doivent accompagner celles des titulaires, s’adressent à l’ensemble des contractuel-les et pas seulement aux nouveaux contrats et ce quel que soit le contrat : y compris les contrats doctoraux (ce qui doit être le cas à partir de janvier 2023), mais aussi l’ensemble des contrats financés sur ressources propres qui constituent une grande partie des contrats dans la recherche. Nous n’avons, par exemple, jamais pu savoir si c’est ce qui a effectivement été fait lors des revalorisations en parallèle de l’augmentation du point d’indice (alors que c’était un engagement de Guerini). Nous avons posé plusieurs fois la question à V. Soetemont sans jamais avoir de réponse claire. De fait, cette question se pose à chaque fois que les barèmes de rémunération des contractuel-les dans les établissements sont revus (il y a actuellement une mobilisation en cours à ce sujet à l’Inserm). Et elle pose aussi la question des différences de traitement entre les établissements, avec les risques d’une recherche du moins disant afin de garder les contractuel-les plus longtemps…
Le DGRH prend note ; il découvre qu’il peut y avoir des contrats sur ressources propres…
– Nous demandons, comme nous l’avons fait à plusieurs reprises, que les contractuel-les « LRU » (art L954-3 du code de l’éducation) et code de la recherche (L431-2-1 du code la recherche) puissent bénéficier des mêmes droits que l’ensemble des contractuel-les et donc relever du décret 86-83. Nous expliquons que certain-es se voient refuser certains droits comme le remboursement de la protection sociale complémentaire ou la prime de fin de contrat, pour la seule raison qu’il n’y a aucun cadre règlementaire pour l’application de ces contrats.
BME nous dit qu’ils vont regarder et qu’il comprend qu’y a un sujet général sur tous ces sujets.
Mise en œuvre des lignes directrices de gestion (LDG) et de l’accord égalité F/H
Nous demandons à avoir accès à des données de bilan couvrant bien l’ensemble du personnel. Il n’est pas acceptable que sous couvert de déconcentration et d’autonomie des établissements on ne puisse pas avoir accès aux éléments de bilan pour les adjoint-es techniques (leur gestion esy déconcentrée au niveau académique). Comment dans ces conditions être en mesure de savoir si les orientations des LDG ministérielles sont réellement suivies.
DH confirme que ces données n’avaient pas encore été recueillies auprès des établissements, mais qu’elles devraient être introduites dans les prochains bilans des LDG.
Accord télétravail
Nous rappelons l’amendement que nous avons porté concernant les jours de présence sur site, qui devraient prendre en compte les situations de temps partiel. Il s’agit de rajouter « pour un agent à temps plein » à la phrase « Sauf si la personne en télétravail relève des situations particulières visées à l’article 16 du présent accord, elle doit être présente au minimum chaque semaine deux jours sur son lieu habituel de travail. » ; c’est ce qui découle de la proratisation de l’autorisation des 3j max de télétravail pour un temps plein (1,5 jours de télétravail pour un 50% et 2,5 pour un 80%). De fait, c’est ce qui est prévu dans l’accord télétravail au niveau de la fonction publique. Ne pas le faire serait donc moins disant par rapport à cet accord.
BME nous dit que c’est lui qui a rédigé l’accord au niveau FP…
DH confirme le refus de l’amendement au motif que l’accord souhaite privilégier le bon fonctionnement du service.
BME dit qu’il va voir, mais que le conseil d’Etat a statué que c’est aux services de décider ; l’accord MESR peut donc être en deçà de celui au niveau FP. Il ajoute qu’il veut avancer assez vite sur le télétravail : une dernière réunion aura lieu avec des textes communiqués avant, ensuite il sera ouvert à la signature pendant 3 semaines.
Nous rappelons notre position : nous sommes très vigilant-es sur la mise en œuvre du télétravail et avons conscience des risques que cela peut engendrer. Mais nous savons aussi qu’il y a une forte attente des collègues. Il ne faut pas que le télétravail détruise les collectifs de travail. Nous pensons que c’est au plus près du travail réel que cela doit s’organiser et ce, de manière collective dans les services, ce qui sous-entend de la subsidiarité. Ce ne doit pas être une négociation en tête à tête avec un chef de service.
BME : ok avec la subsidiarité.
(NDLR : nous devons peut-être essayer de trouver une formulation qui mette en balance le prorata et le maintien du bon fonctionnement du service…)
Sujets liés à la santé et aux conditions de travail
– Fin des ASA Covid pour les personnes vulnérables au 31 janvier 2023.
Selon l’article 33 de la Loi 2022-1157, ces autorisations d’absences spéciales peuvent être accordées jusqu’au 31 janvier 2023. Est-il prévu de les prolonger.
DH répond que c’est en fait la circulaire de septembre 2021 qui traite ces cas pour les personnes de la FP.
Le DGRH n’a pas d’information à ce sujet, mais nous indique que dans le privé toutes les dispositions particulières liées au Covid vont être suspendues et qu’il est probable qu’il en soit de même pour la fonction publique… De fait quelques jours après, un projet de note de service levant toutes ces dispositions à partir du 28 février a circulé.
– Dossier Prions
Nous rappelons que nous sommes toujours en attente de la mise en œuvre d’une des recommandations du rapport d’audit qui demandait à ce que le comité d’éthique se prononce sur la nécessité d’avertir les collègues ayant travaillé avec ces pathogènes, des risques encourus. Le comité s’étant déclaré incompétent en la matière (NDLR : ce qui est surprenant vu qu’il s’était déjà exprimé sur cette question par le passé…), le ministère avait promis – par l’intermédiaire de sa Direction générale à la recherche et à l’innovation – de mettre en place un comité ad’hoc pour traiter la question… On l’attend toujours. Il y a derrière ceci toute la question de la nécessité de mettre en place un suivi médical de ces collègues.
BME nous répond qu’il est au courant du dossier, de l’audit et du moratoire qui avait été mis en place. Il nous dit que les personnes qui se pensent concernées peuvent aller consulter, mais que la question reste de savoir s’il faut aller chercher les personnes qui ne sont pas au courant : question qui sera tranchée par le comité ad’hoc.
Nous soulignons qu’il n’est pas acceptable que la situation traîne comme ça ; que derrière il y a des personnes et des inquiétudes.
Violences sexistes et sexuelles au sein de nos établissements
Nous évoquons la situation au collège de France rapporté dans Libé le 20 janvier. Nous soulignons qu’il est pour nous totalement inacceptable que la direction de l’employeur de l’agent incriminé, en l’occurrence le CNRS, dise attendre les suites judiciaires pour éventuellement saisir la commission disciplinaire, alors que les deux procédures sont indépendantes. Nous dénonçons la lenteur du traitement de cette affaire, la victime ayant dû se battre pour obtenir la protection fonctionnelle de son employeur, l’Inserm. Même si le fait que plusieurs tutelles soient impliquées peut compliquer les choses, le traitement de ce dossier est inadmissible et nous demandons au ministère d’intervenir.
BME n’a pas connaissance du dossier ; il semble surpris d’apprendre que dans un même institut peuvent se côtoyer des agent-es avec différents employeurs… HCL dit qu’elle va se retourner auprès du CNRS pour en savoir plus.
Nous revenons aussi sur le cas de notre collègue doctorante harcelée par un chercheur invité au musée du Quai Branly où la direction a fait en sorte que le contrat de la personne arrive à son terme pour s’éviter d’avoir à le sanctionner (voir notre communiqué). Là encore, c’est totalement inacceptable. Nous demandons le respect de l’esprit des textes sur les violences sexistes et sexuelles.
Concernant le cas de harcèlement sexuel au Quai Branly, le DGRH dit qu’il ne pourra pas faire grand-chose vu que ça ne relève pas de son ministère. Nous lui répondons que la collègue est contractuelle doctorante dans une université et que ça relève donc bien de son champs et que bien entendu nos camarades de Sud culture ont interpelé aussi le ministère de la culture.
Nous terminons en disant que les situations de souffrances au travail risquent fort de se multiplier dans le contexte actuel de restructurations permanentes et d’expérimentations (et de sortie d’expérimentations) à tout crin.
[1] Le dernier bilan social du MESR fait état de 127 952 chargé-es d’enseignement vacataires (CEV) et agent-es temporaires vacataires (ATV), auxquels s’ajoutent 27 933 agent-e-s vacataires non-enseignants ayant effectué 1 904 619 heures, soit l’équivalent de 1 185 ETP.