Alors que la situation des étudiant-es et des universités avait été complètement oubliée dans sa conférence de presse du 7 janvier, le premier Ministre a annoncé, le 14 janvier, la reprise des travaux dirigés en demi-groupe, uniquement pour les étudiant-es de licence 1re année, à compter du 25 janvier. Cette annonce est loin de répondre à l’urgence de la situation catastrophique que vivent des dizaines de milliers d’étudiant-es, et on ne peut que comprendre leur déception face à cette annonce. En fait, après plusieurs mois de fermeture totale des campus l’année dernière, et désormais plusieurs semaines pour cette année universitaire, il est indispensable que les universités rouvrent largement et que le Ministère propose des mesures d’ampleur pour les étudiant-e-s, jusqu’à présent délaissé-e-s et méprisé-e-s par ce gouvernement. Tous les indicateurs sont au rouge et l’ensemble de la communauté universitaire a pleinement conscience de la détresse étudiante : décrochage, destruction des liens sociaux et pédagogiques, isolement, pertes d’emplois et de revenus, voire de logement, épuisement physique et mental, détresse psychologique croissante… jusqu’à la mort volontaire. Cette situation est d’autant plus scandaleuse qu’elle met en lumière et aggrave les inégalités sociales, y compris entre les étudiant-es des universités et celles et ceux des classes préparatoires ou des BTS qui continuent à aller en cours. D’autres part, dans plusieurs universités, les présidences ont imposé des examens en présentiel, après des mois d’enseignement à distance, pour sauvegarder la prétendue « valeur des diplômes », sans prendre réellement en compte les risques sanitaires encourus. Dans certaines universités où les étudiant-e-s se sont mobilisé-e-s contre cette situation, la seule réponse a encore une fois été le refus du dialogue et la répression par les forces de l’ordre ou des sociétés de sécurité privées.
Pour les enseignant-e-s, le confinement, la fermeture des universités et le recours à l’enseignement en distanciel, engendrent un épuisement professionnel, une perte du sens pédagogique, une surcharge de travail, des liens individuels distendus avec les étudiant-e-s. Pour l’ensemble du personnel, le télétravail à outrance peut aussi faire des dégâts importants : perte des liens sociaux dans les laboratoires et services, déséquilibre des temps professionnels et personnels, surcharges de travail, troubles musculo-squelettiques et risques psycho-sociaux, quand ce n’est pas le contrôle accru par la hiérarchie ou par les pairs.
Pour SUD éducation et Sud Recherche EPST il est urgent que le gouvernement et les universités organisent dès à présent un véritable retour des étudiant-e-s et du personnel sur site tout en garantissant leur sécurité sanitaire, et en maintenant la possibilité pour les personnes vulnérables de s’isoler si elles le souhaitent. Cela implique d’y mettre les moyens nécessaires. Un programme d’investissement d’ampleur doit être lancé pour la rénovation des systèmes de ventilation des locaux (incluant des capteurs de CO2 pour le contrôle de la ventilation), pour constituer des stocks d’équipements de protection (masques FFP2, gel hydro-alcoolique), pour faciliter l’accès au dépistage. Cela ne pourra se faire que par un engagement financier et humain massif : si des milliards sont trouvés pour soutenir des entreprises (qui pour certaines ne se privent pas de licencier), il doit en être de même pour l’enseignement supérieur et la recherche.
Nous demandons le respect des principes garantis par le code de l’éducation, à savoir l’égalité d’accès au service public d’éducation, qui va de pair avec l’égalité de traitement des usagers, mais aussi avec le principe de gratuité de tous les degrés de l’éducation, bafoué en permanence par un gouvernement qui, par exemple, refuse de prendre en compte la charge économique des outils numérique en distanciel pour les étudiant-e-s et le personnel. Nous demandons enfin le respect de la neutralité commerciale normalement garantie par le code de l’éducation, en arrêtant les subventions publiques à l’égard de plateformes privées pour l’enseignement distanciel (licences privées, “zoom rooms”, etc.).
Bien entendu, l’accueil des étudiant-es dans des conditions sanitaires dignes, nécessite aussi de renforcer les moyens humains par l’embauche de statutaires.
Le 24 décembre la Loi de programmation de la recherche a été promulguée, et ce, malgré l’opposition massive qui continue de s’exprimer dans la communauté. La réunion de ce jour a d’ailleurs pour objet la mise en œuvre de la loi au travers de futurs décrets et arrêtés ; mise en œuvre dont on a découvert le calendrier par voie de presse, et au sujet de laquelle nous n’avons reçu le document préparatoire que ce matin. Ce qui au passage est totalement inacceptable.
Concernant la loi, comme nous l’avons déjà maintes fois répété, elle est loin de répondre aux attentes. En l’échange de presque rien, elle détruit presque tout. Pour ce qui est des moyens, il est clair que ceux programmés sont loin d’être suffisants : l’objectif de 1% de PIB promis pour 2030 ne sera vraisemblablement pas atteint, et donc a fortiori les 1.25% fixés fin septembre par la commission européenne !
D’autre part, le mode d’attribution de ces maigres moyens au travers du renforcement de l’agence nationale de la recherche, alors que ce sont des crédits de base récurrents pour les laboratoires et les services que demande la communauté, va aggraver encore plus la précarité dans le secteur et génère un gaspillage et une compétition inutile tout en appauvrissant la diversité et la qualité de la recherche. Les CDI de mission vont condamner nombre de nos collègues à la précarité à vie, les chaires de professeurs ou directeurs juniors vont créer des inégalités entre les collègues et des distorsions dans les laboratoires.
Nous ne cesserons de le répéter, l’enseignement supérieur et la recherche ont besoin de postes statutaires et nous réclamons la titularisation de tou-tes les précaires de l’ESR qui le souhaitent.
La crise sanitaire a montré l'importance d'une recherche publique autonome et de long terme qui ne peut être garantie que par l’emploi statutaire et un financement public pérenne. Les moyens existent : chaque année ce sont plus de 6.5Mds de crédits d’impôts recherche qui sont distribués quasiment sans aucun contrôle à des entreprises qui pour certaines, comme Sanofi, licencient leur personnel de R&D afin d’engranger toujours plus de bénéfices. C’est intolérable.
Pour toutes ces raisons, nous serons mobilisé-es le 26 janvier prochain, au côté des collègues de l’Éducation nationale, pour imposer nos revendications : la réouverture des universités aux étudiant-e-s avec les moyens nécessaires, contre la LPR, pour des créations de postes pérennes, l’amélioration de nos salaires et de nos carrières et pour défendre nos conditions de travail et d’études. Le 4 février, journée de grève et de mobilisation interprofessionnelle intersyndicale, sera aussi l’occasion de combattre ce gouvernement qui fait payer la crise aux travailleurs-euses et à la jeunesse.