Fiche juridique : Lutte contre les violences sexistes et sexuelles et égalité professionnelle

Les Violences Sexistes et Sexuelles, qu'est ce c'est ?

Les agissements sexistes

L'article L133-1 du code général de la fonction publique consacre qu'« Aucun agent public ne doit subir d'agissements sexistes, définis comme tout agissement lié au sexe d'une personne, ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant. »
Les agissements sexistes peuvent prendre différentes formes, et le niveau de gravité peut varier en fonction du contexte. Quelques exemples : donner des surnoms ou interpellations familières, faire des remarques ou blagues sexistes, assimiler un sexe à certaines compétences, interrompre régulièrement les personnes d’un même sexe ou leur donner moins régulièrement la parole, etc.

Les violences sexistes et sexuelles 

Les violences sexistes et sexuelles comprennent l'injure, la diffamation, l'outrage sexiste, le délit de captation d'images impudiques, la diffusion de messages contraires à la décence, l'exhibition sexuelle, le harcèlement sexuel, l'agression sexuelle et le viol.
Les violences sexistes et sexuelles constituent des délits ou des crimes définis dans le code pénal et peuvent donner lieu à des condamnations pénales : amendes ou peines d'emprisonnement.

Les discriminations et le harcèlement moral liées aux violences sexistes et sexuelles

Concernant les discriminations, elles peuvent prendre différentes formes dont les  discriminations liées au sexe et le harcèlement moral lié à un harcèlement sexuel. De la même manière que les violences sexistes et sexuelles, ces agissements sont punis par la loi et engagent la responsabilité administrative de leur auteur.

Les obligations qui incombent à l'administration

L'administration a la responsabilité de protéger ses agent et de leur garantir des conditions d'exercice à même de préserver leur santé et leur intégrité physique. C'est l'article L136-1 du code général de la fonction publique (CGFP) qui précise cette obligation. Par ailleurs, en vertu des dispositions de l'article L.4121-1 du code du travail (dont le livre 4 s’applique également à la fonction publique), l'employeur est tenu de prendre toutes les dispositions pour assurer la sécurité physique et mentale de ses employé·es. Concernant plus particulièrement les VSST, l'administration a des obligations plus précises définies par la réglementation.

 L'obligation de prévention

Former les agent·es public·ques au traitement des violences sexistes et sexuelles
La circulaire du 9 mars 2018 relative à la lutte contre les violences sexuelles et sexistes dans la fonction publique prévoit la mise en place « d'une formation initiale et continue dédiée à la prévention et à la lutte contre les violences sexuelles et sexistes. » Cette offre de formation est prioritairement destinée aux agent·es en situation d'encadrement, aux personnels de ressources humaines et aux représentant·es du personnel.
Toutefois, en parallèle, le texte prévoit la mise en place « de dispositifs d’information, de communication et de sensibilisation sur la prévention et le traitement des situations de violences. » Ces dispositifs doivent s'adresser à tou·tes les agent·es de la fonction publique et ont pour objectif d'informer et de sensibiliser sur « les situations de violence, la qualification juridique de celle-ci et les acteurs à mobiliser. »

L'obligation de signaler et d'orienter

La mise en place d'une cellule d'écoute ou dispositif équivalent

L'article L135-6 du code général de la fonction publique rend obligatoire la mise en place « d'un dispositif ayant pour objet de recueillir les signalements des agent·es qui s'estiment victimes d'atteintes volontaires à leur intégrité physique, d'un acte de violence, de discrimination, de harcèlement moral ou sexuel, d'agissements sexistes, de menaces ou de tout autre acte d'intimidation ».

Le décret n° 2020-256 du 13 mars 2020 relatif au dispositif de signalement des actes de violence, de discrimination, de harcèlement et d'agissements sexistes dans la fonction publique précise dans son article 1er les missions du dispositif : recueil des signalements, orientation des agent·es vers des services et professionnels adaptés, orientation des agent·es vers les autorités compétentes pour prendre toute mesure de protection fonctionnelle.

L'article 3 du même décret dispose que l'administration doit « informer sans délai l'auteur du signalement de la réception de celui-ci, ainsi que des modalités suivant lesquelles il est informé des suites qui y sont données ».
Par conséquent, tout signalement doit faire l'objet d'une réponse de la part de l'administration sous peine d'engager sa responsabilité pour faute.

 

La mise en place d'un circuit RH de traitement des signalements 

La circulaire du 9 mars 2018 relative à la lutte contre les violences sexuelles et sexistes dans la fonction publique ajoute également « la mise en place d’un circuit RH de prise en charge permettant d’accompagner les agents victimes. »
Ce processus de traitement des signalements doit notamment reposer sur l'utilisation d'une fiche de signalement proposée en annexe de la circulaire du 9 mars 2018.

L'obligation de diligenter une enquête 

L'enquête administrative
Dans le cadre du traitement d'un signalement, la circulaire du 9 mars 2018 prévoit que « Lorsque des faits constitutifs d’une violence sexuelle ou sexiste sont signalés par un agent, l’administration doit dans les délais les plus brefs, notamment : - Procéder à une enquête interne ».
La cour administrative d'appel de Douai explicite dans son arrêt du 5 juillet 2005, n° 04DA0055, ce que constitue une enquête interne : « l'administration est en droit de rechercher, en recueillant tous les témoignages qu'elle juge nécessaires, les éléments de nature à établir les agissements fautifs de ses agents ». L'enquête a donc pour objectif de démontrer la matérialité des faits signalés et de mettre en lumière les manquements de l'agent auteur de la violence. Elle peut donner lieu à un rapport adressé à l'autorité ayant pouvoir de sanction en vue d'une procédure disciplinaire. Toutefois, les poursuites disciplinaires ne peuvent viser que des faits et non de simples présomptions ou rumeurs.

Le Défenseur des droits donne des précisions quant à la qualité des enquêteur·ices dans une décision du 20 avril 2020 : l'administration doit s’assurer « que les enquêteurs présentent les garanties de compétence et d’impartialité requises » et souligne par ailleurs la nécessité que les enquêteur·ices soient formé·es.

Le rapport d'enquête s'appuie sur des preuves matérielles directes (messages, mails de l'auteur présumé, etc.) et indirectes (mails, messages de la victime relatant les faits, récits de collègues, etc.). L'administration peut prendre en compte des éléments plus subjectifs, comme un changement de comportement brutal ou des indices laissant apparaître une souffrance au travail (Guide violence sexiste 2022).

L'obligation de protéger l'agent·es

Les mesures conservatoires

Lorsque les faits reprochés présentent un caractère suffisant de ressemblance et de gravité, des mesures dans l'intérêt du service peuvent être engagées, telles que des mesures conservatoires. L'auteur des faits peut être suspendu sur le fondement de l'article L531-1 du CGFP : « Le fonctionnaire, auteur d'une faute grave, qu'il s'agisse d'un manquement à ses obligations professionnelles ou d'une infraction de droit commun, peut être suspendu par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire [...] ». Cette suspension est prononcée pour une durée de 4 mois maximum, sauf si l'agent·e fait l'objet de poursuites pénales. Dans ce cas, la suspension de l'agent·e peut être prolongée (article L. 531-4 du CGFP). L'administration peut aussi décider de prendre envers l'auteur des faits une mesure de mutation d'office en considération de l'intérêt du service.

La protection des victimes et témoins

L’article L.133-3 du CGFP consacre la protection des victimes et témoins de violences sexistes et sexuelles en mentionnant qu'« Aucun agent public ne peut faire l'objet de mesures mentionnées au premier alinéa de l'article L. 135-4 pour avoir : Subi ou refusé de subir les faits de harcèlement sexuel […] ou de harcèlement moral ».
Cette protection a été rappelée par le Conseil d’État dans un arrêt du 19 décembre 2019, n° 419062 : la victime de harcèlement sexuel ne peut pas se voir imposer une mesure dans l'intérêt du service, excepté si aucune autre mesure prise à l'égard de l'auteur des violences ne permet d'atteindre le même but.

La protection fonctionnelle

L'article L135-1 du CGFP consacre le droit à la protection fonctionnelle pour tout·e agent·e public·que victime de violences, y compris les violences sexistes et sexuelles, dans le cadre de ses fonctions. « La collectivité publique est tenue de protéger l'agent public contre les atteintes volontaires à l'intégrité de sa personne, les violences, les agissements constitutifs de harcèlement, les menaces, les injures, les diffamations ou les outrages dont il pourrait être victime sans qu'une faute personnelle puisse lui être imputée. Elle est tenue de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté. »
L'article L134-6 du même code prévoit le déclenchement de la protection fonctionnelle à titre conservatoire, c'est-à-dire sans passer par la demande de l'agent·e, si l'administration constate un risque manifeste pour la personne de l'agent·e. La protection fonctionnelle recouvre des obligations de prévention (l'administration doit mettre en œuvre toute action pour faire stopper les violences), d'assistance juridique (aide dans les procédures engagées), et de réparation des préjudices subis.

L'obligation de sanctionner l'auteur des faits

L’article L. 530-1 du CGFP dispose que « toute faute commise par [un agent public] dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions l’expose à une sanction disciplinaire sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale ». Autrement dit, les juridictions pénales et administratives étant indépendantes, l'auteur de violences sexistes et sexuelles peut être poursuivi et condamné pénalement et, dans le même temps, faire l'objet d'une sanction disciplinaire.

Délai

En vertu des dispositions de l'article L. 532-2 du CGFP : « Aucune procédure disciplinaire ne peut être engagée au-delà d'un délai de trois ans à compter du jour où l'administration a eu une connaissance effective de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits passibles de sanction. » Il existe donc un délai réglementaire qui s'applique à l'administration pour déclencher la procédure. A contrario, il n'existe pas de délai réglementaire qui pourrait être opposé à l'administration pour la tenue d'un conseil de discipline. En revanche, le Défenseur des droits a précisé que l'administration est tenue de ne pas retarder la sanction disciplinaire au motif de l'existence d'une procédure pénale (rapport relatif à la lutte contre les discriminations et à la prise en compte de la diversité de la société française dans la fonction publique).

Les fautes

La procédure disciplinaire doit être engagée en cas d'agissements fautifs de l'agent, tels que les violences sexistes et sexuelles.
Elle peut également être engagée lorsque l'agent commet des violences sexistes et sexuelles en dehors de son temps de travail et que cela nuit à la réputation du service public. Le Conseil d'État a d’ailleurs arrêté « que le comportement d'un fonctionnaire ou d'un militaire en dehors du service peut constituer une faute de nature à justifier une sanction s'il a pour effet de perturber le bon déroulement du service ou de jeter le discrédit sur l'administration. » (CE, 15 juin 2005, 261691).
De la même manière, si un agent est poursuivi pénalement dans un cadre privé, il peut faire l'objet d'une procédure disciplinaire. C'est l'administration qui apprécie si le comportement fautif de l'agent constitue une faute au regard des obligations auxquelles il est soumis.

En outre, l’article L. 321-1 du CGFP dispose que « nul ne peut avoir la qualité de fonctionnaire si les mentions portées au bulletin n° 2 de son casier judiciaire sont incompatibles avec l’exercice des fonctions. ». Cependant, la révocation d'un·e agent·e qui commet une infraction pénale mentionnée dans le bulletin n° 2 n'est pas automatique. C'est l'administration qui prend une décision au regard de la gravité des faits reprochés et de la nature des fonctions de l'agent.