Le CSE du 10 octobre était l'occasion de faire le bilan de la rentrée 2024 et de questionner la politique éducative mise en œuvre. Dans sa déclaration, SUD éducation a rappelé ses revendications pour réparer l'école et a interpellé le ministère sur le financement de l'école privée et sur l'urgence de publier les nouveaux programmes d'éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle, sans céder aux pressions de l'extrême droite.
Déclaration de SUD éducation
En cette rentrée 2024, malgré les nombreuses alertes, la feuille de route ministérielle n’a pas été renouvelée et la menace du “choc des savoirs” pèse toujours sur un service public d’éducation déjà en souffrance. Cette réforme décidée unilatéralement par Gabriel Attal a pourtant été largement combattue par les personnels et les parents d’élèves l’an passé, à tel point que le ministère a renoncé à imposer partout la mise en œuvre de groupes de niveau et a mis en suspens une série de mesures visant à faire du brevet un diplôme obligatoire pour entrer en classe de seconde.
La généralisation des évaluations nationales et l’enseignement en groupes en 6e et en 5e en français et en mathématiques mis en œuvre contre l’avis des personnels à la rentrée 2024 sont largement décrié·es et présentent déjà un bilan très négatif. Les personnels ont fait de leur mieux pour subvertir ou pour refuser ces mesures qui nient l’expertise professionnelle des enseignant·es, aggravent le tri social et désorganisent les établissements scolaires. SUD éducation revendique leur abrogation.
Alors que la mobilisation des personnels avait conduit Nicole Belloubet à ralentir voire à suspendre l’application des autres mesures du “choc de savoirs”, vous nous indiquez que “le navire ne changera pas de cap”. Cela pose un grave problème démocratique, la politique d’Emmanuel Macron menée par Gabriel Attal, ministre de l’Éducation nationale puis Premier ministre, a subi une défaite indéniable. Si le gouvernement s’entête à imposer ses mesures de tri social (transformation du DNB, sélection à l’entrée en seconde…) alors il s’expose à une situation de blocage au sein de l’école dont il sera le seul responsable.
Dans les lycées professionnels, après quelques semaines de cours, on constate que la rentrée s'est de nouveau effectuée sous le signe du chaos : postes non pourvus aux concours de recrutement, annualisation des heures de soutien au parcours, explosion des effectifs dans les filières industrielles. Des enseignant·es stagiaires ou contractuel·les pallient comme ils le peuvent la carence en personnels, criante dans certaines équipes d'enseignement professionnel et dans les unités de formation pour apprenti·es. Aux plus précaires, les directions imposent la mission de professeur·e principal·e,délaissée par les collègues en raison du nombre croissant de tâches liées à la mission et des briques de "Pacte".
La mise en œuvre précipitée d'une réforme majoritairement rejetée par les personnels montre l'absence d'anticipation de la hiérarchie. Au fil des ministères, les réformes se succèdent et sont détricotées les unes après les autres, sans réelle perspective pédagogique pour les élèves. Au lieu des indispensables créations de postes, les collègues sont surchargé·es de missions par le biais du "Pacte".
Pour SUD éducation, l’école a été profondément abîmée par la politique éducative d’Emmanuel Macron : des réformes engagées par le ministre Blanquer jusqu’au “choc des savoirs” du ministre Attal, la politique éducative mise en œuvre a transformé et dévalué le métier d’enseignant·e. Les évaluations nationales, les groupes de niveau, les méthodes imposées et les manuels labellisés tendent à transformer les enseignant·es en exécutant·es et à dégrader le métier. On ne demande plus aux enseignant·es d’élaborer, de concevoir, de réfléchir mais d’appliquer et d’exécuter des directives ministérielles.
De même, dans les lycées, entre la casse du groupe classe en filière générale et les pressions autour de l’évaluation dans le cadre du contrôle continu, les réformes ont transformé le métier d’enseignant·e. Les élèves n’ont plus le temps d’apprendre et sont soumis·es à un rythme intense de bachotage et d’évaluation.
Désormais, l’école a besoin d’être réparée par des mesures fortes et qui emportent l’adhésion de tous les personnels :
- la baisse du nombre d’élèves par classe, pour nos conditions de travail et les conditions d’études de nos élèves ;
- la création d’un statut pour les AESH, indispensable pour combattre la précarité et construire une école vraiment inclusive ;
- l’augmentation des salaires, indispensable pour renforcer l’attractivité des métiers de l’éducation ;
- la refonte de la carte de l’éducation prioritaire avec le retour des lycées et l’augmentation de ses moyens ;
- l’arrêt du financement de l’école privée avec de l’argent public.
À défaut de garantir un même accès au service public d’éducation par un abondement de moyens dans les territoires les plus défavorisés, l’État et les collectivités territoriales subventionnent en effet abondamment l’enseignement privé. Pourtant, la publication des indices de position sociale (IPS) a montré que les établissements privés sont largement responsables du manque de mixité sociale dans les établissements publics : quand un collège favorisé est situé près d’un collège défavorisé, dans 85% des cas c’est un établissement privé. De ce fait, l’État finance la mise en concurrence de l’école publique et sa dégradation en payant pour garantir aux élèves des milieux favorisés l’entre-soi d’une scolarité ségréguée. L’argent public doit être utilisé pour combattre les inégalités et garantir l’accès à un même service public d’éducation pour toutes et tous et non pour aggraver les inégalités sociales et scolaires.
Enfin, nous nous alarmons du fait que la publication des projets de programme d’éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle (EVARS) a été retardée de novembre 2023 à mars 2024 et que ceux-ci n’ont jamais été portés à l’avis du CSE. Alors que l’école a un rôle majeur à jouer dans la protection des enfants en informant et en construisant des réponses éducatives et pédagogiques, cette procrastination fait le jeu des réseaux d’extrême droite, réactionnaires et LGBTIphobes, qui se sont organisés pour s’opposer à ces nouveaux programmes. Ainsi le “syndicat de la famille”, issu du mouvement de la “Manif pour tous”, a organisé des actions devant les rectorats de Nantes, Montpellier, Bordeaux, Orléans, Paris, Toulouse, Aix-en-Provence… Nous avons également en tête les violences qui ont eu lieu en Belgique en septembre 2023 et nous nous souvenons du “Jour de retrait”, un mouvement réactionnaire qui avait vu le jour en France en 2014 et dont l’action avait poussé le ministère à renoncer aux ABCD de l’égalité. La crainte de la mobilisation de l’extrême droite contre un enseignement émancipateur, destiné à protéger les enfants des violences, ne doit pas guider l’action de notre ministère.