SUD éducation a porté les revendications des personnels largement mobilisés lors de ce CSE du 3 avril 2024 au lendemain de la journée de grève nationale contre le Choc des savoirs.
La déclaration de SUD éducation
Mesdames et Messieurs,
Hier, le mardi 2 avril, les personnels étaient à nouveau massivement mobilisés contre la réforme Choc des savoirs. Le premier ministre Gabriel Attal a choisi d’imposer sa réforme Choc des savoirs contre l’avis de l'ensemble de la communauté éducative. Cette mainmise de Matignon pose un problème démocratique : notre interlocutrice, la ministre de l’Éducation nationale est désavouée par le Premier ministre. Nous faisons le constat que Madame la Ministre n’est jamais venue en CSE depuis sa nomination alors même qu’elle entend appliquer des mesures qui ont reçu un avis défavorable de cette instance. Quand on impose une réforme contre les personnels, la moindre des choses est à minima d’essayer de la défendre dans le cadre des instances de dialogue social. Ou bien si cette réforme est indéfendable car, comme nous le pensons, il s’agit d’une réforme de tri social, il faut y renoncer avant de faire encore plus de mal à l’école publique.
Si le ministère a reculé sur l’usage du terme de « niveau » pour parler des groupes mis en place en 6e et 5e, le cadre imposé est trop rigide et l’esprit de tri social reste dans le texte sur l’organisation des enseignements de français et de mathématiques. Les autres textes vont dans le même sens : la classe prépa-seconde est une classe de relégation, véritable instrument de décrochage scolaire, visant à instaurer une sélection à l’entrée en seconde générale comme professionnelle. La transformation du brevet prévue pour la session 2025 laisse présager un tri social fort à la sortie du collège et une sélection à l’entrée du lycée. Dans le premier degré, la généralisation des évaluations nationales, la labellisation des manuels et la politique des savoirs fondamentaux poursuivent l’entreprise de casse de la dimension pédagogique fondamentale du métier d’enseignant-e. Le ministère entend standardiser leur enseignement pour que le rôle des enseignant-es se borne à évaluer et trier les élèves.
Les récentes rumeurs selon lesquelles l’enseignement privé pourrait être dispensé de l’organisation des enseignements de français et de mathématiques en groupes est alarmante. Une telle différence de traitement entre le privé et le public serait une offense insupportable pour toute l’école publique et un nouveau signe de mépris qui confirmerait la logique de tri social de cette réforme. Pendant que les élèves seraient triés et affectés dans des classes de relégation où les attentes sont nivelées vers le bas dans l’école publique, les élèves du privé, dont l’origine sociale est plus favorisée et plus homogène, auraient eux accès à un enseignement leur permettant de poursuivre leurs études. Nous souhaitons que le ministère réponde explicitement à cette question : l’enseignement privé sera-t-il dispensé de l’obligation d’appliquer le texte sur l’organisation en groupe des enseignements de français et de mathématiques ?
Nous le répétons à SUD éducation, cette réforme s’oppose en tous points aux objectifs que l'on devrait se fixer pour une réelle école inclusive. Si l'école inclusive est annoncée comme une priorité gouvernementale, toutes les mesures qui sont prises actuellement vont à l'encontre d'une école qui faciliterait l'accueil des élèves à besoins spécifiques. Les normes scolaires sont sans cesse renforcées, elles ont pour effet de ségréguer celles et ceux qui n’entrent pas dans la norme.
Les évaluations nationales sont déconnectées des réalités de classe. Elles mettent déjà en difficulté de nombreux élèves qui n'y mettent aucun sens. Si elles sont systématisées, les élèves en situation de handicap, les élèves en grande difficulté, les élèves allophones se retrouveront encore davantage écarté·es de la norme scolaire ainsi imposée. Les méthodes pédagogiques imposées ne peuvent que desservir l'école inclusive. Nous avons besoin de pouvoir nous adapter aux élèves en face de nous, par le choix de méthodes et de nos pédagogies. Nous ne pouvons calquer une seule façon d'enseigner et d'apprendre pour tous et toutes les élèves.
Là encore, la mise en avant d'attendus de fin d'année scolaire voire de repères trimestriels contre la logique de cycle dans le 1er degré est un retour en arrière scientifique et une mesure validiste. Le Premier ministre et la ministre semblent oublier que les apprentissages se fixent sur le temps long, que le rythme d'apprentissage de chacun·e est essentiel à prendre en compte si l'on veut respecter les besoins des élèves. Pour SUD éducation, la course à la performance scolaire, paramétrée et évaluée à chaque niveau d'âge, est une vision productiviste de l'école.
SUD éducation revendique l’abandon de cette réforme qui en plus d’être une réforme de tri social est aussi une réforme validiste.
Enfin, nous souhaitons rappeler au ministère le fiasco de la réforme du bac Blanquer qui n’a jamais pu être appliquée. Écouter davantage les personnels aurait sans doute permis d’éviter des années de débâcle et de maltraitance pour les élèves et les personnels qui ont subi l’incurie de ce ministère. On ne réforme pas l’Éducation nationale contre les personnels.
Les personnels ne revendiquent pas davantage de tri social, ils veulent de meilleurs salaires, moins d’élèves par classe et une meilleure formation, c’est pourquoi ils étaient en grève hier et c’est pourquoi ils continueront de se mobiliser.
Les voeux intersyndicaux
SUD éducation a participé à l'écriture et à la présentation de deux voeux.
- Voeu intersyndical contre le Choc des savoirs
Ce voeu est présenté par la FSU, l'UNSA, FO, la CFDT, la CGT éduc'action, SUD éducation et la FCPE.
Le Premier ministre et la ministre de l’Education nationale ont décidé de passer en force et d’imposer les mesures « Choc des savoirs » dans la précipitation. Les premiers textes qui ont été publiés confirment que le « Choc des savoirs » est une réforme de tri social qui sanctionne les élèves en difficultés scolaires ou sociales, les élèves des Segpa, les élèves allophones mais aussi les élèves en situation de handicap, alors que le rôle de l’école publique est, au contraire, de donner de véritables moyens pour combattre les difficultés scolaires ou sociales.
Les groupes rigides au collège, la classe prépa 2nde et la sélection à l’entrée du lycée avec le DNB couperet renforcent les inégalités et génèrent un système scolaire à deux vitesses dans le modèle d’une école passéiste au détriment des élèves les plus fragiles et socialement défavorisés. Ces mesures, ainsi que la labélisation des manuels sont une attaque à la professionnalité enseignante et à la liberté pédagogique.
Les mesures choc des savoirs vont considérablement aggraver des conditions de travail des personnels déjà dégradées (le manque de moyens, les bâtis dégradés et les réformes successives, imposées dans la précipitation et inapplicables). Le ministère a choisi de passer en force malgré des avis défavorables du CSE : c’est une forme de mépris qui vient abîmer un peu plus le dialogue social et contribue à miner la démocratie sociale.
Le CSE demande à la ministre de l’Éducation Nationale d’abandonner les mesures « choc des savoirs » et d’ouvrir avec les représentant.es des personnels un dialogue constructif pour permettre à l’Ecole publique et laïque de faire réussir tous les élèves.
- Voeu intersyndical pour l'école inclusive
Ce voeu est présenté par la FSU, l'UNSA, la CFDT, la CGT éduc'action, le Snalc, SUD éducation et la FCPE.
Le CSE rappelle que l’acte 2 de l’école inclusive se met en place sans tenir compte de la réalité de la situation actuelle de la scolarisation des élèves en situation de handicap ou à besoins éducatifs particuliers et sans bilan de la mise en œuvre de l’acte 1. Le système éducatif est à un point de rupture. Les situations de souffrance des élèves, des personnels enseignants et AESH ne peuvent plus être niées, il est urgent d’en tenir compte dans les réformes à venir.
Le CSE exige que l'éducation nationale garantisse aux personnels et aux élèves les moyens nécessaires notamment pour l’inclusion des élèves en situation de handicap : concertation institutionnalisée sur le temps de service, baisse des effectifs des classes, moyens humains supplémentaires systématiques (éducateurs, enseignant.es spécialisé.es, moyens RASED, accompagnement individuel et mutualisé, PDMQDC….), formations ambitieuses sur temps de service, et accès aux soins des élèves qui en ont besoin.
Depuis plusieurs mois nos organisations alertent sur l’extrême urgence de donner les moyens humains et matériels et la nécessité de travailler à un projet sur le long terme pour repenser l’École inclusive. Ce sujet relève d’une politique ambitieuse qui doit être pensée à l’échelle interministérielle avec les personnels de l’Éducation nationale, les personnels du médicosocial, des collectivités territoriales et des associations qui militent pour les droits des enfants en situation de handicap.
Afin de mieux appréhender les réalités de l’école inclusive et des besoins de ceux qui la font, le CSE demande que soit modifié le décret 2020-515 du 4 mai 2020, en y ajoutant la représentation syndicale et les représentants des usagers FCPE dans les membres de droits des comités départementaux de l’école inclusive.