Le ministère de l’Éducation nationale a présenté devant le Conseil Supérieur de l’Éducation de nouveaux textes d’application de la réforme de la voie professionnelle contre laquelle s’est mobilisée SUD éducation.
On observe déjà les deux effets de cette réforme : d’abord les enseignant-e-s des lycées professionnels ont vu leur charge de travail considérablement augmenter. Ensuite le nombre d’heures de cours pour les élèves a diminué, en particulier dans les enseignements disciplinaires et pour les élèves les plus fragiles, les CAP. Il sera donc de plus en plus difficile pour les élèves de continuer leurs études dans le supérieur après l’obtention du bac pro.
Les textes présentés par le ministère qui ont reçu un avis défavorable du Conseil Supérieur de l’ Éducation marquent une étape supplémentaire dans la dégradation de l’enseignement professionnel.
• Dévaloriser les diplômes de la voie professionnelle c’est rendre nos élèves plus vulnérables sur le marché du travail
Le ministère vide les diplômes et attestations de leur contenu, c’est la cas pour le CACES (certificat d’aptitude à la conduite en sécurité) par exemple, pour créer dans un même temps une nouvelle épreuve au nom cosmétique et anachronique de « chef d’œuvre ».
En fait, il n’est pas d’actualité de revaloriser le lycée professionnel, sinon de manière très superficielle. Pour le ministère, l’enjeu est de déqualifier les futur-e-s travailleurs et travailleuses. En effet, le ministère a décidé la suppression du BEP. Le BEP permettait jusqu’alors aux élèves qui n’obtenaient pas le Bac Pro ou qui arrêtaient leurs études avant le Bac Pro de sortir du système scolaire avec un diplôme reconnu dans le monde du travail et rattaché à une grille salariale. Mais c’est également une déqualification de toute la population active qui ne dispose que d’un BEP et qui risque progressivement de voir ce diplôme disparaître des conventions collectives ou de ne plus pouvoir prétendre aux concours des emplois catégorie C qui exigent un diplôme niveau 3 minimum : CAP ou BEP.
• Six nouvelles « Familles des métiers », pour SUD éducation c’est toujours NON
Le ministère poursuit sa réorganisation des formations en « famille des métiers » en ajoutant six nouvelles familles aux quatre créées en septembre 2019 sans prendre en compte les oppositions et les bilans négatifs émis par les organisations syndicales.
La réorganisation en « famille des métiers » engendre une déspécialisation des formations professionnelles : on remarque que la famille « Alimentation » regroupe un nombre de métiers bien différents et les élèves qui s’engagent dans cette voie ne seront pas certain-e-s d’avoir une place dans la spécialisation qui les intéresse.
L’instauration des « familles de métiers », avec la seconde professionnelle indéterminée, contraint les élèves à préparer leur bac en 2 ans seulement. Elles risquent également d’accroître le nombre d’élèves qui subissent leur orientation pourtant déjà très élevé (42 % en CAP et 28 % en Bac Pro).
Il est évident que cette réforme n’a pas pour objectif d’améliorer l’insertion professionnelle des élèves ni de favoriser la poursuite d’études, mais au contraire d’adapter l’enseignement professionnel au bassin économique local et de promouvoir la flexibilité des futur-e-s travailleurs et travailleuses qui pourraient passer d’un métier à l’autre.
Mais cette réorganisation a surtout permis de mutualiser les moyens d’enseignement en regroupant les sections et de supprimer des postes dans les académies alors même que le nombre d’élèves augmente et que les effectifs dans certaines sections sont pléthoriques .
• Le Livret Scolaire Numérique : une nouvelle surcharge de travail pour les personnels
La réforme de la voie professionnelle a considérablement dégradé les conditions de travail des enseignant-e-s. Entre la mise en place des familles de métiers ou encore la co-intervention et autre chef d’œuvre, le temps de travail des enseignant-e-s a explosé. Et cela va continuer avec la mise en place du Livret Scolaire Numérique dans la délivrance du baccalauréat professionnel. Le ministère transpose un dispositif qui a pourtant déjà montré ses limites dans la voie générale et technologique à la voie professionnelle.
À partir de septembre 2020, les enseignement-e-s devront se familiariser avec un nouvel outil informatique (encore un !) afin d’entrer les notes des classes de première d’ici juin 2021 afin qu’elles servent à l’obtention du bac en juin 2022.
Le ministère demande aux enseignant-e-s de faire le double de travail en remplissant dans le Livret Scolaire Numérique des compétences qui pour certaines, sont déjà évaluées au cours de l’année, pour d’autres, nécessitent des installations qui sont absentes des établissements scolaires (en EPS par exemple).
Ce livret Scolaire Numérique s’apparente plus à un outil de flicage des élèves qu’à une avancée pédagogique et n’est pas sans évoquer le livret ouvrier du XIXe siècle.
On peut enfin s’interroger sur l’efficacité des outils qui seront mis en place par le ministère. Pour l’instant les outils institutionnels présentent tous des limites certaines : installations informatiques insuffisantes dans les établissements, saturation des serveurs, faible ergonomie, données stockées par des entreprises privées… On peut légitimement s’attendre au pire avec ce nouvel outil.