Déclaration de SUD éducation au CSA du 13 juin 2023

Monsieur le Ministre, Mesdames et Messieurs les membres du CSA,

ces derniers mois ont vu un mouvement social d’une ampleur rarement vue dans le pays. Les personnels de l’Éducation nationale y ont joué leur part, avec des centaines de milliers de grévistes dans notre ministère lors des dates auxquelles l’intersyndicale appelait. La mobilisation continue ; partout, les représentant·es du gouvernement sont interpellé·es lors de leurs déplacements. SUD éducation s’en félicite et appelle, avec l’Union syndicale Solidaires et plus largement l’intersyndicale interprofessionnelle, à une nouvelle journée de grève et de manifestations le 6 juin prochain.

Dans ce contexte, les organisations syndicales de l’éducation ont refusé de siéger dans les instances. Ce CSA ministériel est le premier auquel nous siégeons de nouveau. Ce refus collectif de participer aux instances constituait un signal évident.

Il n’en est pourtant rien : le ministère poursuit la mise en œuvre des mesures dénoncées par la profession dans son ensemble et d’imposer une série de réformes contre les personnels et le service public.

Il en va ainsi au premier chef des annonces présidentielles concernant la voie professionnelle.

Plutôt que de prendre de véritables mesures contre l’inflation, contre la pauvreté et pour l’autonomie de la jeunesse, il s’agit de sous-payer les élèves en stage, avec des indemnités variant de 1,4 € de l’heure pour les élèves de 2de professionnelle à 2,8 € en terminale. De même, l’allongement des périodes de stage des élèves engendrera la perte de centaines d’heures d’enseignement.

L’urgence est à préparer les emplois qualifiés de demain, et à la planification la transition écologique. Le gouvernement choisit à la place l’adaptation des filières à la demande patronale locale. Les annonces, si elles se traduisent dans les faits, conduiront à une casse sociale qui, si elle est sans précédent, n’est pas sans exemple. La réduction des spécialités en STI il y a une dizaine d’années s’est faite au prix d’une souffrance au travail intense. Une opération similaire, répétée pour des dizaines de filières en enseignement professionnel, conduira à une dégradation importante des conditions de travail pour des milliers de personnels. Incidemment, PE et PLP sont des métiers différents, et hautement qualifiés. Les propos du ministre, invitant les collègues à se reconvertir par exemple comme PE, sont une insulte à la dignité professionnelle des collègues et traduisent un profond mépris aussi bien pour les enseignant·es que pour les usagers et usagères du service public.

Les textes qui sont soumis à notre examen portent aujourd’hui notamment sur les directions d’école. SUD s’est résolument opposé à la loi Rilhac, qui visait à diviser les personnels et instaurer des hiérarchies intermédiaires. Les projets de textes prévoient l’introduction dans le Code de l’éducation d’un inventaire à la Prévert de toutes les tâches liées à l’exercice de l’emploi, réduisant encore la marge de manœuvre des collègues. On note aussi l’élargissement des compétences, notamment en matière de sécurité, sans formation spécifique. Les collectivités, restrictions budgétaires aidant, seront incitées à se reposer toujours plus sur la direction. Encore une fois, le ministère n’écoute pas les revendications des personnels. À cet égard, le projet de nouvel article R. 410-5 du Code de l’Éducation nous inquiète particulièrement. Il dispose que « le directeur d’école organise le travail des personnels communaux et a autorité sur l’ensemble des personnes intervenant dans l’école pendant le temps scolaire ». Les termes ambigus du texte ouvrent la voie à une autorité fonctionnelle également sur les personnels enseignants, ce qui serait inacceptable.

Concernant les AESH, le projet de décret qui nous est soumis correspond à une revendication immédiate des AESH, et formulée par SUD éducation depuis la création de ce métier. SUD demeurera cependant particulièrement vigilant sur la CDIsation au bout de trois années, car les pratiques des autorités académiques ont démontré par endroits un véritable refus de recruter en CDI. Non-renouvellement sans motivation, CDIsation à des quotités inférieures au CDD : les employeurs rivalisent d’ingéniosité. Ces faits font l’objet d’une communication publique depuis des années : aussi est-il inacceptable que le ministère refuse de garantir une CDIsation aux AESH à temps plein qui le souhaitent. À l’occasion de ce CSA, nous revendiquons la publication d’une circulaire apportant cette garantie aux personnels.

La profession des AESH a ensuite été heurtée par les annonces formulées à l’occasion de la Conférence nationale du handicap le 26 avril dernier.

Les nouveaux pôles en remplacement des Pial continueront d’organiser la mutualisation des moyens et auront pour mission de déployer et de coordonner des aides techniques, humaines, mais également l’accompagnement médico-social des élèves. Pourtant, les personnels font le constat, sur le terrain, que le Pial est un échec : les moyens sont insuffisants. Les personnels qui le coordonnent ne sont pas en mesure de remplir leurs missions à l’échelle de plusieurs écoles et établissements. De nouveau, la seule préoccupation est comptable : en faire toujours plus avec des moyens insuffisants.

L’annonce de la fusion des missions des AESH et des d’assistant·es d’éducation dans un même métier d’accompagnant·e à la réussite éducative est de nature à mettre le feu aux poudres. Ce nouveau cadre d’emploi d’« accompagnant·es à la réussite éducative » devrait, selon le dossier de presse de la CNH, assurer l’accompagnement des élèves sur un périmètre encore plus vaste : sur le temps scolaire et périscolaire, sur une zone géographique étendue, dans un esprit de mutualisation à marche forcée des moyens.

Cette annonce traduit le mépris constant dans lequel le ministère tient les personnels les plus précaires de l’Éducation nationale, ainsi que la faible considération qu’il a pour le handicap en exprimant l’idée qu’il n’y aurait pas besoin de personnels spécifiquement formés. Symétriquement, le ministère estime à tort que l’aspect socio-éducatif de la profession d’AED n’a aucune spécificité, et que ces deux catégories de personnels sont au fond interchangeables. C’est l’inverse qu’il faut faire : augmenter le niveau de rémunération, améliorer les conditions d’emploi et la qualification, titulariser.

SUD se saisit enfin de ce CSA pour déplorer que la montagne du projet ministériel concernant la mixité sociale semble accoucher d’une souris. Les inégalités scolaires s’accroissent. Le secteur privé est proportionnellement davantage financé que le secteur public tout en attirant un public issu bien davantage des classes supérieures. La seule initiative ministérielle consistera à afficher l’impuissance en demandant au secteur privé de faire un geste. La nationalisation du secteur privé, majoritairement confessionnel au profit d’un vaste secteur public laïc et gratuit pour toutes et tous fait partie du projet de société que nous portons. Le ministre de l’Éducation s’apprête à détailler son plan le 17 mai. S’il comportait de nouveaux dispositifs renforçant le financement du secteur privé au détriment du public, SUD informera largement les personnels du rapport que le ministère entretient avec le service public laïc d’éducation.