La transformation de la société est fortement corrélée à celle de l’école. Nous cherchons à abolir les hiérarchies sociales et les dominations pour que chacun·e puisse s’émanciper dans le partage des tâches et le partage des richesses.
Depuis la création de la fédération SUD éducation, nous combattons les politiques libérales qui sont autant d’attaques contre le service public d’éducation et aggrave les inégalités scolaires et sociales.
Dans le même temps, l’offensive contre l’École publique se développe également autour de mouvances créant des écoles privées hors contrats avec une récupération et un détournement des « pédagogies alternatives ».
Avec l’accession de Blanquer au ministère de l’Éducation nationale, se renforce une gestion autoritaire qui vise l’imposition de pratiques pédagogiques aux cautions scientifiques contestables.
Dans ce contexte, la fédération SUD éducation cherche à promouvoir une autre école : ouverte à toutes et tous, un service public qui crée du commun face aux logiques individualistes.
Elle réaffirme comme essentielle la défense d’une École publique laïque, égalitaire et émancipatrice, qui permette une éducation polytechnique pour tou·tes jusqu’à 18 ans.
1/ Émancipation, Anti autorité, Autogestion
Au préalable, pour obtenir notre école émancipatrice, nous revendiquons un véritable plan d’urbanisme permettant la mixité sociale au sein des écoles, nationalisation sans contrepartie de l’enseignement privé, intégration de ses personnels à la Fonction publique et la réquisition des locaux. Il est nécessaire également d’uniformiser et d’augmenter les budgets alloués à chaque élève afin de contrecarrer les inégalités territoriales et soustraire l’école à des logiques de politiques locales. Nous revendiquons aussi la fin de l’enseignement privé, et donc la réintégration de ces établissements dans le public, du fait de la sélection de classe qui s’y opère.
Un établissement anti-autoritaire et émancipateur est un établissement qui possède une vie politique forte. Celle-ci se déroule selon des principes de coopération et d’autogestion dans l’établissement comme dans la classe. Nous revendiquons une direction des établissements du premier et du second degré ainsi que du supérieur qui soit collégiale et mandatée par les personnels. Cette direction devra être subordonnée à un conseil, principal organe de décision de l’établissement, et composé de représentant⋅es élu⋅es des personnels, des élèves et des parents. Ces instances seront organisées de sorte à y limiter le pouvoir des personnes privilégiées de par leur genre, milieu social etc. La participation aux décisions de l’établissement devra être incluse dans le temps de travail des personnels et dans le temps scolaire des élèves.
De même, les élèves doivent pouvoir participer aux décisions de la classe et de l’école et jouer un rôle dans l’organisation de leurs activités scolaires. Ils et elles doivent pouvoir échanger avec l’adulte, construire leur esprit critique et leur parcours d’apprentissage.
Une école émancipatrice, c’est aussi une école qui se dégage des injonctions performatives et du système individualiste actuel. Ce fonctionnement nourrit un sentiment de compétition contraire à l’esprit de coopération que l’école devrait transmettre et dessert les visées pédagogiques. Il sert à alimenter la fonction de tri social du système éducatif, au détriment de sa fonction d’enseignement. C’est pourquoi nous mettons en avant les évaluations non standardisées construites et adaptées par les enseignant·es et qui aident les élèves à se les approprier et à les comprendre.
Une des manifestations de cette fonction de tri social du système éducatif est le bac, qui classe les élèves, qui limite l’accès aux études supérieures et qui représente une évaluation unique. Nous revendiquons le retrait de la réforme du bac et nous souhaitons donc engager une réflexion collective sur la pertinence et la finalité de cette évaluation qu’est le bac, en cohérence avec le projet d’école émancipatrice qui redonne aux élèves leur place dans l’appropriation des savoirs et qui inclut le refus de la notation formelle et de la compétition.
Nous revendiquons la fin des évaluations permanentes : bachotage dès la maternelle, évaluations nationales en primaire et en collège, réforme du bac... qui transforment et réduisent le métier d’enseignant·e à des tâches de préparation et de corrections permanentes, et qui empêchent de donner du sens aux enseignements.
Nous revendiquons la fin des inspections et des rendez-vous de carrière : ces dispositifs ont d’abord une fonction de contrôle et de répression du corps enseignant et il serait souhaitable de les remplacer par des systèmes de (co)formation entre pairs.
Nous revendiquons des établissements ouverts sur le monde extra-scolaire, qui travaille davantage à l’intégration des responsables des élèves et du tissu associatif local et national dans le cadre scolaire.
Nous revendiquons l’aménagement de cours de récréation non genrées. Les espaces et temps de récréation doivent être réaménagés pour permettre un véritable temps de respiration des élèves dans le respect de toutes et tous, en évitant que puissent s’exercer les rapports de domination qui traversent la société.
Nous revendiquons le retrait de toute marque de nationalisme dans l’enceinte des établissements : ni drapeau, ni hymne national affichés.
Enfin, une école émancipatrice doit favoriser l’égalité sociale. Il est de fait nécessaire de répartir le budget d’éducation de manière à contrecarrer les inégalités territoriales et sociales.
2/ Polyvalence, polytechnicité
Notre projet d’école démocratique suppose la mise en place d’une politique éducative qui par des moyens accrus, des pédagogies coopératives et émancipatrices s’attaque vraiment à la reproduction des inégalités sociales. Ce projet est bâti autour de la notion de polyvalence et de polytechnicité.
Il faut développer les apprentissages de notions manuelles non-genrées et valoriser les apprentissages techniques et artistiques ainsi que les capacités psychosociales des élèves. Loin de s’opposer aux « fondamentaux », ceux-ci constituent au contraire une opportunité pour pratiquer et donner un sens à la lecture, l’écriture ou les mathématiques, en les inscrivant dans des activités motivantes et variées. Pour cela certains éléments sont indispensables : création d’espaces dédiés pour mettre en pratique ces apprentissages, allocation de moyens, d’outils et de formations pour les personnels et bien sûr un travail en effectifs réduits.
Dans le second degré, cela signifie de réaliser vraiment le collège unique, sans filière d’excellence, qui développe des enseignements généraux en cohérence avec des enseignements manuels non genrés, explicités pour le 1er degré.
Cela suppose une refondation totale du lycée, de ses implications pour la scolarité des jeunes, et de l’organisation des enseignements. L’actuelle réforme du « lycée Blanquer » aggrave les inégalités entre établissements, les élèves et abandonne un cadre national de l’offre d’apprentissage. Notre projet est en cohérence avec les revendications que nous portons déjà dans le cadre des 3 lycées actuels. Le lycée unique, c’est la fusion de ces trois lycées pour y accueillir toutes et tous les élèves. C’est un lycée polytechnique, qui ne hiérarchise pas les matières mais allie matières dites générales, les disciplines artistiques, sportives et culturelles mais aussi les matières techniques et manuelles. C’est aussi la fin de l’orientation précoce et une scolarisation obligatoire poussée jusqu’à 18 ans, impliquant la fin de l’apprentissage pour les mineur⋅·es.
Ce lycée refuse la logique de la spécialisation de l’actuelle réforme du lycée mais aussi le retour aux filières. Le but étant que les élèves puissent s’épanouir et se développer en tant que personne dans un environnement dénué de pressions et de compétitions liées à leur scolarité ou au monde du travail.
3/ École écologique et ouverte
Face à l’urgence climatique, notre école polytechnique promeut dans ses pratiques quotidiennes et ses enseignements théoriques une réflexion autour d ’« habiter la terre » en tant que « locataire temporaire » et donc autour de l’usage des ressources de notre planète, cette même terre.
Nous revendiquons l’abandon du concept de développement durable et appelons à une éducation à l’urgence climatique, dans le cadre d’une approche systémique et pluridisciplinaire, à la fois théorique et pratique afin d’outiller les futures générations pour les enjeux à venir.
Pour cela, il faut favoriser au sein des enseignements le rapprochement entre élèves et la nature par des installations scolaires matérielles concrètes dans une école ouverte sur la nature et le monde, des projets et sorties pédagogiques tournées vers des activités concrètes, ludiques, et créatives en petits groupes : création de jardins potagers, ateliers de réparation et de construction des objets de la vie courante, low tech etc …
A l’heure de la crise écologique, nous appelons à un plan d’urgence pour rénover le bâti scolaire et ainsi construire matériellement l’école polytechnique, une école inscrite au cœur de nos espaces urbains. Pour cela, nous revendiquons :
- un plan de rénovation reconstruction du bâti scolaire pour la réduction des consommations énergétiques (isolation des bâtiments, programme de réduction des consommations…) et en eau,
- le désamiantage des établissements scolaires dans le cadre de l’application du Plan amiante,
- l’aménagement des abords des écoles pour faire plus de place au vélo et aux déplacements pédestres,
- un plan de diminution et recyclage des déchets,
- la création d’un cadre de vie sain dans les écoles pour les personnels et les élèves/généraliser les détecteurs de pollution et ou capteurs de qualité de l’air.
- re-développer les réseaux filaires dans tous les bâtiments scolaires pour réduire l’usage du wifi,
- un plan de végétalisation des établissements scolaires,
- la mise en place d’une restauration scolaire, qui permettrait de baisser l’impact environnemental de la nourriture servie, de nourrir sainement les membres de la communauté éducative. La priorité sera donnée aux productrices et producteurs locaux, à l’agriculture paysanne et bio, à la baisse de la consommation de nourriture carnée et à la participation des élèves, pour mettre un terme à la mainmise des entreprises de restauration collective et de leurs intermédiaires.
Nous voulons développer chez les usager⋅·ères des écoles et des établissements de la maternelle à l’Université la conscience que nous cohabitons avec l’ensemble des êtres vivants afin de mettre en avant la biodiversité
4/ Numérique et école ?
Le numérique pose aussi des questions quant à son impact sur l’environnement, qui doivent être prises en compte dans son utilisation, notamment sa production matérielle et sa consommation énergétique. En effet, nous ne pouvons pas prôner une éducation résiliente et protectrice de l’environnement et utiliser des outils destructeurs. Il faut donc favoriser une véritable pratique écologique du numérique en mettant en place la collecte et le tri des déchets numériques par exemple.
La place du numérique dans notre école polytechnique doit être mesurée et ne doit pas remplacer les apprentissages collectifs au contact de l’enseignant⋅e, il faut donc refuser la généralisation du travail en distanciel. Nos élèves et nous-mêmes devons être en capacité d’utiliser le numérique à des fins émancipatrices.
En l’état actuel des choses, de nombreuses utilisations du numérique au sein de l’Éducation nationale sont oppressives tel que le fichage de nos élèves via les bases LSUN, ONDE ou encore l’utilisation de Pronote. Il est par ailleurs urgent d’imposer notre droit à la déconnexion face aux communications avec l’administration, les parents et les élèves qui se font de plus en plus hors temps scolaire. De plus, certaines entreprises comme les GAFAMs cherchent à profiter de l’entrée du numérique à l’école pour proposer leurs services.
Ces pratiques doivent nous amener à nous questionner sur le type de numérique que nous souhaitons valoriser. Si notre école doit être polyvalente et polytechnique, nous devons être capables de nous servir de certains outils numériques qui vont permettre, voire accentuer les possibilités de coopération. Ainsi, il faut favoriser l’usage d’outils numériques libres dont la philosophie même se veut coopérative et libératrice. Le développement de tels outils doit être une partie intégrante du service public, appuyée sur une infrastructure et des moyens humains alloués à cet effet, avec un objectif d’émancipation du secteur privé du numérique. Mais cet usage ne peut se faire que de manière égalitaire en allouant des moyens véritables à tou·tes pour ne pas reproduire les inégalités sociales existantes. Les différentes pratiques pédagogiques émancipatrices peuvent être utilisées et valorisées grâce aux technologies de l’information et de la communication.
L’usage du numérique - d’autant plus s’il se veut émancipateur - ne s’improvise pas. Il faut appréhender les difficultés, connaître les différents outils et leurs fonctionnalités, réfléchir à différents moyens de pallier à l’absence du vivant, du réel dans la relation pédagogique.