Construction et soutien aux mobilisations
Plutôt que de faire un catalogue fastidieux des nombreuses luttes qui ont existé dans notre secteur et en interprofessionnel face à un gouvernement dont la politique a été tout entière faite au détriment du service public et au profit des capitalistes, il semble utile de s’arrêter sur quelques aspects qui correspondent à des moments particulièrement marquants de ces dernières années du point de vue l’actualité fédérale, dans une période qui n’en a guère manqué.
Dans notre secteur, les quatre dernières années ont été marquées par une politique gouvernementale et ministérielle particulièrement brutale dans l’Éducation nationale et l’ESR. La réforme du lycée et du baccalauréat généraux et technologiques construite de pair avec Parcoursup a constitué une transformation importante du système éducatif.
La réforme a fait l’objet de luttes importantes, parmi lesquelles on peut noter la mobilisation contre les E3C et la grève de correction du baccalauréat. Durant ces épisodes, SUD éducation a été en première ligne dans la construction de la mobilisation et de la grève.
Par leur rôle actif dans les mobilisations contre la politique ministérielle, les militant⋅·es de SUD ont ainsi constitué une cible pour le ministre Blanquer et ses services : collège République à Bobigny, les 6 de Melle, les 3 de Bordeaux.
La répression s’étend désormais au premier degré, dont les personnels font face à l’autoritarisme de la hiérarchie, comme dans le cas de l’école Pasteur en Seine-Saint-Denis.
À cet égard, la CE et plus largement la fédération ont organisé le soutien aux camarades victimes de répression : coordination, mise à disposition de moyens de communication nationaux, organisation de manifestations avec la venue de camarades d’autres départements, défense syndicale.
Le mouvement né à la suite du drame du suicide de Christine Renon, qui n’est malheureusement pas isolé, a permis à la fédération de diffuser son analyse sur les conditions de travail dégradées dans l’Éducation nationale, et particulièrement dans le premier degré. Quelques victoires sont à porter au crédit de la mobilisation, bien que le gouvernement se soit obstiné, contre l’ensemble de la profession, à imposer un statut de directeur⋅·trice d’école.
La profession a été endeuillée également par l’attentat dont a été victime Samuel Paty en octobre 2020. Lors de cette crise, la fédération a largement communiqué. Il s’agissait d’une part de réaffirmer, aux yeux de la profession tout entière, notre attachement à la liberté d’expression et à la liberté pédagogique comme notre émotion suite au décès de notre collègue. Et d’’autre part, il a fallu s’opposer aux réactionnaires de tous horizons qui en ont profité pour dérouler une logorrhée islamophobe, ainsi qu’au cynisme ministériel. SUD éducation a pu rappeler à cette occasion ses orientations, claires et audibles, en matière de laïcité.
La même année, SUD éducation a pris toute sa part dans la mobilisation contre la réforme des retraites. L’éducation a été le deuxième secteur comptant le plus de grévistes et de perturbations liées directement à la grève des personnels après le rail. C’est le fruit d’un travail de préparation de la grève sur plusieurs mois, qui a fait reculer le gouvernement au point qu’il n’a pas été en mesure d’imposer son projet délétère avant le déclenchement de la crise sanitaire.
La crise sanitaire a été l’occasion pour la fédération de déployer une activité tous azimuts en direction des personnels. La multiplication des formations en ligne, la dénonciation systématique des dysfonctionnements de l’administration et les revendications sanitaires ont permis à la fédération de gagner en légitimité auprès des personnels. Au plan interpro, la CE et les MS ont largement déterminé le choix de l’Union syndicale de se doter d’un numéro vert, à destination des travailleur⋅·euses, et les militant⋅·es de SUD éducation ont grandement contribué à la réussite de l’opération.
Les mobilisations contre la précarité ont connu un souffle important dans la période. Les mandaté⋅·es précarité ont fourni un important travail qui a permis de construire des mobilisations massives et des cadres intersyndicaux sur ces questions. C’est aussi l’occasion de souligner que la CE a usé du juridique en appui aux luttes, comme le montre la victoire au Conseil d’État concernant le versement de la prime Rep aux AED. La CE en profite pour remercier chaleureusement les mandaté·es juridiques, qui ont apporté un appui sans faille tant aux syndicats qu’à la CE au cours de ces dernières années.
Les élections présidentielles enfin, ont été l’occasion pour la fédération de rappeler, avec l’Union syndicale Solidaires, que l’extrême droite est un danger mortel pour notre camp social dans son ensemble. La CE a été dans ce cadre à l’initiative de cadres intersyndicaux larges permettant la production de matériel, d’un site intersyndical, ainsi que d’un matériel important et varié afin que pas une voix n’aille à l’extrême droite dans notre secteur.
Implantation
Entre 2018 et 2022, le nombre d’adhérent⋅·es est passé de 4239 à 6127, soit une croissance de 44% en 4 ans. Cette augmentation correspond à une croissance continue dans la grande majorité des syndicats locaux, plus forte dans les syndicats déjà fortement implantés.
La croissance de la part fédérale (la cotisation versée par les syndicats à la fédération, proportionnelle au niveau des cotisations perçues) a été de 28% en quatre ans.
Le travail de conviction et de terrain des militant·⋅es a joué un rôle essentiel dans la construction de l’outil syndical, dont l’audience s’est renforcée auprès des entrant·⋅es dans le métier et des non-titulaires dans un contexte morose pour la syndicalisation en général.
La CE a accompagné ce mouvement vers une implantation au plus près du terrain. Plusieurs nouveaux syndicats ont vu ou vont voir le jour : redépartementalisation du 45/28 dans l’académie d’Orléans-Tours, de l’Isère et de la Savoie/Haute-Savoie dans l’académie de Grenoble, de la Corrèze dans l’académie de Limoges, du Lot-et-Garonne dans l’académie de Bordeaux, jusqu’à l’annonce récente de la volonté de départementalisation du 66/11 dans l’académie de Montpellier. Ce mouvement traduit une vitalité importante de la fédération, ainsi qu’une volonté d’organiser la démocratie syndicale à la base.
Budget
La croissance de la part fédérale a été de 28% en quatre ans. C’est une augmentation notable liée directement à l’augmentation du nombre d’adhérent⋅·es. La part fédérale ayant augmenté dans une moindre proportion que le nombre d’adhérent⋅es, on peut en déduire que le syndicat a un ancrage plus fort dans les niveaux de revenus plus faibles, ce qui concerne deux catégories de personnels : les contractuel⋅·les, en particulier les AESH et les AED d’une part, et les personnels en début de carrière.
Moyens techniques
Plusieurs chantiers ont été engagés pour remplacer une infrastructure numérique qui, si elle a rendu de fiers services, commençait à accuser son âge. Un nouveau site fédéral a été développé, ainsi qu’un nouveau site interne fraîchement mis en ligne. Un espace de stockage en ligne a été déployé, avec la possibilité pour les syndicats de l’utiliser.
Un modèle de site local a également été développé et commence à être utilisé par les syndicats depuis cette année.
La fédération va aussi se doter d’un logiciel de gestion des contacts et des adhérent⋅es dont le développement est en cours, en lien avec les syndicats qui participent à son élaboration par leurs tests et leurs retours. Ce logiciel servira à terme à remplacer le système d’adhésion en ligne mis en œuvre avec le nouveau site fédéral, qui a montré ses limites. Cette opération est d’autant plus importante que ce sont près d’un quart des adhésions et réadhésions qui sont désormais opérées en ligne.
Matériel et communication
Depuis quatre ans, la fédération a produit un matériel conséquent, qui a pris diverses formes.
La production a consisté en la publication de tracts, de communiqués, d’analyses, de brochures, d’articles en lignes, d’affiches, de visuels. De nombreux matériels ont été déclinés dans une version imprimée, selon des modalités qui ont évolué : commande par les syndicats, ou envois par défaut selon une clé de répartition avec une modulation possible. Ce mécanisme a été pérennisé car il répondait au besoin de souplesse dans l’envoi du matériel.
À ce titre, le budget de mutualisation du matériel fédéral a été doublé, passant de 50 000 euros en 2018 à 100 000 désormais.
Les réseaux sociaux ont été largement investis, en particulier Facebook, Twitter, Instagram. Le nombre d’abonné⋅·es est un indicateur dont la fiabilité peut être discutée, mais qui a le mérite de situer SUD éducation en termes d’audience sur les réseaux. La fédération n’a pas à rougir de son investissement en la matière, et ce d’autant plus que les syndicats de la fédération ont choisi également d’investir les réseaux sociaux de manière à populariser nos analyses et nos appels à la mobilisation.
Les sollicitations médiatiques fluctuent naturellement selon les périodes et l’actualité. Néanmoins, depuis quatre ans, nous sommes désormais régulièrement cité·es dans la presse écrite quotidienne nationale et nos communiqués font désormais l’objet d’une reprise régulière par les agences de presse généralistes et spécialisées. Nous recevons également des sollicitations pour des radios et des chaînes de télévision, notamment d’information en continu. Conformément à nos mandats, nous répondons la plupart du temps favorablement à ces sollicitations afin d’y porter la parole du syndicalisme de lutte et de transformation sociale.
Instances
La CE étant garante du fonctionnement de la fédération, il convient de faire un bref bilan de la période.
Les Conseils fédéraux parviennent désormais globalement à leur terme sans difficulté majeure. Le Conseil fédéral, instance démocratique souveraine hors congrès, a toujours pu se tenir. La crise sanitaire a bouleversé le mode d’organisation du CF, qui s’est parfois tenu entièrement à distance. La CE a néanmoins tenu à réunir les instances le plus possible selon le calendrier prévu, et en s’efforçant de respecter les formalités de constitution de l’ordre du jour et de permettre la tenue du débat démocratique, y compris lors du confinement le plus strict au printemps 2021.
La CE souligne que les statistiques genrées (bien que l’exercice ait été perturbé par le distanciel) ne montrent pas d’infléchissement majeur dans la répartition genrées des prises de paroles vers une égalité accrue. Il faudra donc exercer une vigilance renforcée sur ce point.
La CE a veillé durant ces quatre années à produire des notes internes permettant aux syndicats d’avoir une idée précise des choix opérés par la CE. Ces notes précisent les mandats qui ont guidé la CE, ainsi que les considérations stratégiques et tactiques articulées avec ces mandats. La CE a poursuivi l’objectif de transparence vis-à-vis de ses mandants.
Formation syndicale
Les déclarations de stage pour l’année scolaire 2021/2022 ne sont pas encore entièrement terminées. On peut toutefois retenir les chiffres du tableau ci-contre.
Nous avons réussi à maintenir une formation syndicale importante en 2020 et 2021 malgré la crise sanitaire et les difficultés à se réunir. La part de formation fédérale est en petite augmentation. Les formations syndicales proposées aussi bien par la fédération que par les syndicats locaux sont très ancrées dans notre pratique syndicale : information sur les droits des personnels et en particulier ceux des AESH et des AED, Militer à SUD éducation, Conditions de travail, Antisexisme, Pédagogies émancipatrices…
On peut se féliciter de la politique fédérale à l’œuvre depuis cinq ans : la commission formation et les commissions sectorielles ont produit des matériels de formation qui ont irrigué les formations animées localement.
La formation syndicale a gagné en lisibilité et en transparence avec des bilans annuels et un accès à l’information quant à l’offre de formation et aux modalités de subvention et de fédéralisation des stages.
Enfin, la décharge attribuée depuis un an à la commission formation a permis aux mandaté·es formation d’être un véritable appui aux commissions et aux syndicats dans la gestion et conception des stages. Ce travail, souvent invisible, est précieux. La formation est notre bien commun, elle permet de faire connaître notre syndicalisme, d’assurer son horizontalité en garantissant la possibilité à chaque adhérent·e de se former mais aussi de construire collectivement une action syndicale ancrée dans les enjeux contemporains.
Relations avec les autres organisations syndicales
Les relations unitaires depuis le dernier congrès ont été marquées par des échanges soutenus avec l’intersyndicale. En effet, l’actualité très chargée en contre-réformes et en crises successives (Covid-19, Samuel Paty) ont suscité un besoin accru de rencontres entre les organisations syndicales. Par ailleurs, le développement de la visio a permis une souplesse beaucoup plus importante dans les réunions, et ont largement accru leur fréquence.
Il est à noter que l’arc complet fonctionne de manière relativement exceptionnelle. Globalement, on peut noter trois configurations récurrentes :
- une intersyndicale de dénonciation et de mobilisations contre les contre-réformes, les politique néo-libérales, la précarité avec la FSU, la CGT, et souvent FO (ainsi que le SNALC)
- une intersyndicale portant sur les sujets plus généraux engageant moins la politique ministérielle, avec la FSU, la CGT, et parfois l’UNSA et le SGEN (sur la crise Covid, sur l’extrême-droite par exemple)
- un arc réduit avec FSU et la CGT sur certains cadre presque pérennes (VSST, 8 mars, écologie)
Sur les relations intersyndicales, on peut repérer plusieurs régularité :
- SUD éducation a une place stable, voire motrice. Nous avons en effet été à l’origine et à la réalisation d’un nombre important d’initiatives intersyndicales : expression unitaire suite à l’assassinat de Samuel Paty, dans le contexte de la crise Covid, sur les différents cas de répression, sur les AESH, sur les VSST, le 8 mars, la campagne contre la loi Rilhac (tribune de directeurs·rices, mini-site), la campagne contre l’extrême-droite.
- Les relations avec la CGT et la FSU sont des relations de confiance : nos convergences de vue comme les pratiques de discussions, qui sont globalement claires et transparentes, le permettent. Avec d’autres organisations, c’est plus variable.
Globalement on peut constater, y compris en comparant avec d’autres secteurs dans lesquels Solidaires est implanté, que l’intersyndicale de l’éducation a, modulo des changements récurrents de périmètre, un fonctionnement plutôt encourageant. SUD éducation y a pris toute sa part, dans le cadre de ses mandats d’unité syndicale.
Supérieur et recherche
De Parcoursup et Bienvenue en France à la LPR, en passant par la période de crise sanitaire qui a profondément bousculé l’ESR, sans oublier les séquences d’attaques idéologiques contre les personnels et les étudiant⋅es, ces dernières années ont été particulièrement denses dans l’ESR.
La Fédération a pu produire régulièrement du matériel de propagande varié à destination des camarades de l’ESR et des sections dans les établissements afin de se tourner vers leurs collègues : des communiqués qui permettent une expression qui colle à l’actualité, des tracts, des brochures plus détaillées (4p, 8p), des fiches analyses. Depuis quelques mois, la fédération propose aussi une lettre d’info fédérale ESR pour les sections ESR qui souhaitent la faire suivre sur les listes de diffusions de leurs établissements.
La lutte contre la LPR a nécessité un lourd travail intersyndical au niveau national. Nous avons au sein de celle-ci toute notre place et les relations intersyndicales avec notamment les FSU, les CGT et les organisations étudiantes sont constructives et tirent dans le bon sens. La fédération a su aussi être présente en tant que telle dans le soutien à des mobilisations ou dans la solidarité internationale universitaire.
Les Assises nationales de la précarité organisées le 30 mars dernier sont un premier pas intéressant dans la construction de relations plus fines avec les collectifs de précaires. Si plusieurs de nos camarades sont investis dans ces collectifs et que des sections travaillent régulièrement avec ceux-ci, il appartient à la fédération l’objectif de tisser des liens plus privilégiés avec ces collectifs afin de faire la démonstration que la fédération SUD éducation est un outil dans la construction des luttes autonomes des précaires de l’ESR.
Avec un poste au CTMESR, un au CTU et un au CNESER, la fédération a un travail en instance particulièrement chargé au vu du rythme imposé par le MESRI. Le suivi de ces instances demande un travail que le temps de décharge dévolu à l’ESR dans la fédération ne permet pas de mener à bien. Nous tenons cependant à travailler les dossiers conjointement avec les camarades de SUD Recherche que ce soit dans le suivi des sessions du CTMESR ou dans les négociations récentes sur le protocole télétravail. Dans le même sens, nous abordons les élections professionnelles de décembre et la conservation de notre poste au CSA MESRI avec nos camarades de SUD Recherche.
La fédération travaille en relation étroite avec les camarades de SUD Recherche et SESL, que ce soit dans la préparation des instances, des réunions intersyndicales ou dans l’élaboration de matériel commun (guide, communiqué de soutien…).
SUD éducation étant une fédération de syndicats locaux indépendants, il manque à la fédération une photographie précise de son implantation dans l’ESR (corps, statuts, répartition genrée…). Ce travail permettrait une connaissance plus fine de ce que nous sommes pour une politique de construction et une stratégie syndicale plus efficace.
Internationalisme
La Fédération s’investit pleinement avec l’Union syndicale Solidaires au sein du Réseau Syndicale International de Solidarité et de Luttes notamment dans l’organisation de la 4e rencontre du RSISL. Ces rencontres nous ont permis de renforcer le secteur éducation du RSISL avec la participation de notre délégation de 10 camarades à la réunion sectorielle qui a réuni une cinquantaine de collègues d’organisations syndicales des 5 continents.