Le projet de passage au contrôle continu intégral se met progressivement en place, à la faveur de la pandémie. Après la publication d’une note de service sur le sujet le 28 juillet, le ministère vient de publier un “guide de l’évaluation”, nouveau jalon dans la mise au pas des pratiques pédagogiques des enseignant·es de lycée.
Le renforcement du contrôle continu au bac : toujours plus de tri social
Suite au désastre des deux premières sessions des « épreuves communes de contrôle continu » et aux expérimentations dues à la pandémie en 2020 et 2021, le ministère a décidé dans la note de service du 28 juillet 2021 de passer au contrôle continu intégral pour les disciplines du tronc commun. Il s’accompagne de la mise en place d’une commission d’harmonisation académique ainsi que d’un projet d’évaluation par établissement.
Ces trois nouveautés remettent en cause les fondements du baccalauréat. Les notes étant envoyées à la plateforme Parcoursup au mois de mars, le diplôme du baccalauréat n’ouvre plus le droit à tou·te·s les bachelier·e·s à l’enseignement supérieur. Même si le diplôme reste le « premier grade universitaire », il n’est plus une condition suffisante pour l’accès à l’enseignement supérieur. Il se rapproche ainsi d’une formalité telle que le brevet.
Un grand oral particulièrement inégalitaire
L’épreuve de grand oral est particulièrement inégalitaire. La survalorisation des éléments rhétoriques conduit à favoriser les candidat⋅es des classes supérieures et les garçons au détriment des candidat⋅es femmes et issu⋅es des classes populaires. Cette épreuve n’est que le reflet de l’obsession de Blanquer pour une réforme du bac et du lycée taillée sur mesure pour le tri social.
Quelles conséquences sur l’évaluation des élèves ?
Le passage de 40 % du baccalauréat au niveau des lycées a pour conséquences :
- la diminution du rôle des jurys puisque les commissions d’harmonisation du contrôle continu sont contrôlées par les rectorats et les inspecteurs alors que les jurys sont présidés par des universitaires assurant la valeur universitaire du diplôme ;
- la volonté d’utiliser le contrôle continu intégral pour normaliser l’évaluation des collègues avec des projets d’évaluation d’établissement supervisés par les IPR. Une partie de la liberté pédagogique est ainsi supprimée ;
- une pression constante à la note pendant tout le cycle terminal, limitant le « droit à l’erreur » des élèves et leur droit d’expérimentation, limitant aussi leur temps d’apprentissage et d’assimilation.
Le guide publié par le ministère début septembre intitulé “Guide de l’évaluation” s’inscrit dans cette logique de normativité : obsession pour le nombre d’évaluations dans le trimestre par exemple, incitation à donner trois notes sur des devoirs tirés de la banque nationale de sujets par exemple. Si le Ministre ressent le besoin d’épreuves identiques pour tou·te·s les élèves, il n’a qu’à rétablir les examens terminaux et supprimer le contrôle continu. Nous n’accepterons pas de nous laisser enfermer dans ces normes d’évaluation qui dénaturent notre statut et notre rôle de formateur⋅ices.
Les positions de SUD éducation sur l’évaluation dans le contexte de la réforme du bac :
Pour SUD éducation, les élèves ne doivent pas faire les frais de ces aménagements du Bac Blanquer en subissant la double peine d’un stress permanent et des inégalités dues aux pratiques différentes de l’évaluation des collègues. Seules des épreuves terminales et anonymes permettent de pouvoir expérimenter réellement les pédagogies alternatives et coopératives. Nous revendiquons notre statut d’expert⋅es de l’éducation et nous sommes les plus à même de mettre en place nos propres systèmes d’évaluations en fonction de la diversité de nos élèves, de nos établissements, de nos pratiques, et de nos classes.
Si dans l’absolu une harmonisation des pratiques d’évaluations peut être pertinente dans l’intérêt des élèves, le cadre imposé n’est pas acceptable :
-la réflexion sur l’évaluation se fait sous l’égide de la hiérarchie (chef·fe d’établissement, IPR), et non de manière collégiale ;
-elle sera amenée à diviser les équipes, tant sur la démarche elle-même que sur les critères retenus pour ce travail ;
-elle ne permettra pas de résoudre les inégalités et le tri social engendrés par la réforme du baccalauréat et l’instauration d’une part accrue de contrôle continu.
Dans ce contexte, SUD éducation appelle les personnels à :
- faire usage de leur liberté pédagogique et à ne rien se laisser imposer sur la base de ce guide, qui n’a aucune valeur réglementaire
- refuser collectivement de transmettre à la hiérarchie des documents produits, afin de ne pas faciliter la mise en œuvre de la réforme
- dans tous les cas, refuser que soient produits dans les établissements des documents qui prendraient une forme contraignante pour les personnels
Malgré tout, dans le contexte de Parcoursup, il nous semble important de faire en sorte que les élèves ne soient pas trop lésés par le contrôle continu, et de refuser de se faire les agent⋅es du tri social.
Les revendications de SUD éducation :
- l’abrogation des réformes des lycées et du baccalauréat
- la fin du contrôle continu quel que soit sa forme, écrite ou orale, et quelle que soit la discipline
- la suppression de l’épreuve de grand oral
- le rétablissement du baccalauréat national pour 2022 avec des épreuves terminales et anonymes
- la reconnaissance réelle du baccalauréat comme « premier grade universitaire » ouvrant droit à l’inscription post-bac de toutes et tous les bachelier-e-s dans la filière leur choix
- trois heures de concertation hebdomadaires prises sur les maxima de service