Le 12 janvier 2023, 4 notes de services ont été publiées dans le BO de l'éducation nationale.
Ces 4 notes de services regorgent d’injonctions pour orienter les pratiques pédagogiques des professeur·es des écoles en multipliant les normes chiffrés sur la taille des textes à étudier ou le nombre de problèmes à résoudre par semaine.
Ces notes de services vont toutes dans le même sens : le renforcement des savoirs fondamentaux et la multiplication des évaluations. Le but du ministère est bien de mettre en place un pilotage des enseignements par les évaluations .
Le plan maternelle
Même si cette note de service rappelle « que le premier enjeu de la maternelle consiste à créer des conditions de sécurisation de l'enfant dans son environnement scolaire comme dans ses apprentissages ». il y est question rapidement de se focaliser sur les savoirs fondamentaux (« le langage et les premières notions de mathématiques »), au prétexte de réduire les inégalités. Ce qui est méconnaître les processus d'apprentissages et comment se développe l'envie d'apprendre chez les enfants. Il est clair que l'objectif est de mettre l'accent sur les savoirs fondamentaux, de piloter les enseignements à partir des résultats aux évaluations d'entrée au CP. L'école maternelle devient ainsi l'antichambre de l'école élémentaire et n'est là que pour préparer les élèves à l'entrée au CP.
Maîtrise des savoirs fondamentaux des élèves en cycle 3
Cette note de service est entièrement consacrée aux savoirs fondamentaux et épouse complètement le discours conservateur sur un nécessaire retour au « lire, écrire, compter ».
Dès le début de ce document, l’accent est mis sur des outils communs : les guides, les plans, les repères annuels, les évaluations nationales. Les dédoublements de GS, CP et CE1 en REP et le plafonnement des effectifs partout ailleurs pour ces niveaux est aussi réaffirmé.
Tout le long de cette note de service, on assiste à une liste d'injonctions pédagogiques. Parmi celles-ci, le ministre prescrit deux heures de lecture et d'écriture par jour en CM1 et CM2. On insiste sur l'écriture au nombre de lignes près, sur l'écriture manuscrite, la fluence avec un nombre de mots à lire à la minute, le nombre de textes lus (2 par semaine comprenant au moins 1000 mots), la dictée quotidienne... On est bien dans une mise au pas des enseignant.es et une restriction sans précédent de la liberté pédagogique. Les enseignant·es se voient bafoué·es dans leur expertise et dans leur savoir-faire par ces injonctions : on leur dicte leurs pratiques pédagogiques dans le détail. Et là aussi le pilotage par les résultats est annoncé : des évaluations nationales sont introduites en CM1 afin « d'ajuster le projet pédagogique de l'école... », qui s'ajoutent à celles de CP, CE1 et 6ème.
Le retour aux fondamentaux serait donc la solution à l'échec scolaire. Tous les gouvernements réactionnaires précédents ont déjà communiqué en ce sens. Le ministère de J-M. Blanquer dès 2017 avait déjà priorisé les savoirs fondamentaux,ce qui n'a pas vraiment amélioré le niveau des élèves mais a eu un effet sur l'orientation des pratiques pédagogiques des enseignant.es.
Une nouvelle dynamique pour les mathématiques
Le texte affirme que la notion de cycle conserve tout son sens, mais se contredit en prescrivant de suivre à la lettre les attendus annuels« La réussite des élèves en mathématiques suppose un enseignement méthodique et une progression conforme aux repères et attendus annuels de progression, disponibles du CP à la classe de 3ème, et qui constituent des jalons communs et impératifs. »
La logique de cycle, inscrite dans la loi, se retrouve donc remise en question par un saucissonnage des apprentissages par année.
Des conseils des savoirs fondamentaux
Enfin le ministère crée dans toutes les académies des « conseils académiques des savoirs fondamentaux », nommés par le recteur ou la rectrice et dont les objectifs sont d'imposer et de dicter les « bonnes » pratiques pédagogiques, celles qui ont les « meilleurs résultats », par un pilotage par les évaluations.
Pour améliorer les résultats aux évaluations, ces conseils proposeront :
-des formations ciblés
- « la préconisation d'outils, supports et démarches »
- le recensement des pratiques « efficaces » qui seront ensuite diffusées,...
Ces notes de services marquent un tournant réactionnaire pour « l'École du futur » en développant les injonctions pédagogiques, en multipliant les évaluations et le pilotage des enseignements par ces mêmes évaluations et en prônant le retour à des méthodes « traditionnelles » qui, n'en déplaisent à ce ministère, n'ont jamais réussi à endiguer l'échec scolaire.
Ces nouvelles circulaires n’aideront en rien à améliorer l’enseignement. Surtout elles désignent les enseignant.es en responsables des mauvais résultats de leurs élèves et de la baisse de niveau.
Les classes surchargées, le démantèlement des réseaux d'aides, le manque d'enseignant·es spécialisé·es, le manque de remplacement récurrent dans le premier degré,... rien de cela n'est évoqué ! Les seul·es responsables de la baisse de niveau, des difficultés scolaires seraient les enseignant·es qui n'auraient pas les « bonnes » pratiques pédagogiques. La solution serait donc d'après ce ministère de revenir à des méthodes « traditionnelles », recettes éculées qui reviennent régulièrement à chaque constat d'échec de la politique éducative. Ces recettes suffiraient à réduire les inégalités scolaires et à faire réussir tous.tes les élèves. Comme si quelques méthodes et pratiques qui ont fait leur temps effaçaient les conditions d'apprentissages dégradées des élèves.
SUD éducation dénonce ces notes de services comme une mise au pas des enseignant·es. SUD éducation réaffirme son attachement à la liberté pédagogique des enseignant.es et porte une autre vision de l'école : égalitaire, émancipatrice, coopérative avec :
- des méthodes et des programmes adaptés, qui favorisent l’expérimentation, l’esprit critique, la coopération et qui réaffirment la dimension polytechnique et l’importance de tous les enseignements.
- une évaluation au service des élèves et des personnels, opposée à toute idée de compétition et de concurrence.
- une école adaptée aux tout petits et aux toutes petites : la reconnaissance de la spécificité de l’accueil et de l’encadrement en classes maternelles.
- une prise en charge de la difficulté scolaire par l’éducation nationale sur le temps de classe, des réseaux d’aide complets et des personnels spécialisés partout.
- l’égalité sur tout le territoire, y compris dans les zones prioritaires, rurales et outre-mer…
Ce n'est pas en culpabilisant les enseignant·es que l'éducation nationale remédiera aux inégalités scolaires. Il faut un plan d'urgence pour l'éducation : recrutement de professeur·es des écoles titulaires, remplacement systématique des enseignant·es absent·es, reconstitution des RASED avec des enseignant·es spécialisé·es, moins d'élèves par classe dans toutes les classes et des vrais moyens pour l'école inclusive.